Arcs I,II: Sur le port, et Le départ !, Let this ship set sail!

Metzli avait espéré jusqu'au bout que le géant se raviserait en entendant les propos apaisants d'Arzhaelig mais ceux-ci n'eurent pas le moindre effet. Tout en essayant d'éviter de chanceler, elle s'était tant bien que mal dressée sur ses jambes pour projeter sur le géant tous les sorts de magie offensive qu'elle connaissait : les risques étaient très élevés mais la jeune femme savait qu'ils luttaient désespérément pour leur vie.

Le navire s'était alors mis à bouger seul, leur permettant d'esquiver les coups furieux du géant et leur offrant un peu de répit. La jolie ensorceleuse se rendit compte qu'elle tremblait de tout son être, du fait de la pluie battante qui s'abattait sur eux et de la mort terrible à laquelle ils avaient échappé... pour le moment.

¤ Bénie sois-tu, Tymora! ¤

N'ayant pas pris le temps de s'arrimer, elle fut à nouveau projetée à terre et heurta violemment le pont tandis que le navire reprenait sa marche. Au tremblement de ses membres vint s'ajouter une douleur sourde qui, heureusement, se dissipa rapidement. Tout en se relevant une nouvelle fois, elle entendit Serana s'affairer sur pont puis Arzhaelig prendre de ses nouvelles :

- Ça pourrait aller mieux mais ça va! cria-t-elle.

La chanson entonnée par son ami la rasséréna quelque peu. Ne souhaitant pas chuter une troisième fois, elle chercha une corde lui permettant de s'arrimer solidement au bastingage.

La situation était mal engagée, le navire était en feu et il fallait espérer que les efforts de Serana puissent permettre de circonscrire l'incendie. L'espace d'un instant, Metzli voulut aider les courageux matelots qui luttaient avec elle contre les flammes mais ce n'était pas dans ce domaine que son aide pouvait être la plus décisive.

¤ Il sera toujours temps de les aider dans quelques instants en portant des seaux d'eau... ¤

La jeune amnienne concentra ses efforts sur la terrible tempête magique qui les avait enveloppés, cherchant à comprendre la nature du phénomène.


Metzli utilise art de la magie (+12) ou connaissance des mystères (+12) pour tenter de comprendre la nature de la turbulence traversée.

Entendant le conseil d'Hermine, Jakelm s'était agrippé avec vivacité à un anneau rivé dans la coque. Là, les jambes légèrement fléchies pour accompagner les mouvements du navire, il était prêt à affronter la suite des événements. La lueur de peur qui subsistait encore au fond de son regard se transforma en maelstrom de triomphe lorsqu'il sentit la nouvelle trajectoire de leur bâtiment. Ce dernier se mettait à adopter un déplacement complètement illogique, le plancher se mit à trembler légèrement alors que le bateau s'arrachait des flots et le libérant des contraintes de la houle.

- Ça marche, M'dame Hermine, ça marche !, s'écria le gamin surexcité. Vous avez réussi, on est sauvé...

Une embardée brutale et un fracas assourdissant vinrent doucher le bel optimisme de l'enfant alors qu'une odeur caractéristique de brûlé se faisait ressentir. Le crépitement des flammes rappelèrent le mousse à sa mission. Rien n'est pire qu'un incendie à bord d'un navire - si l'équipage ne parvient pas à réduire rapidement le feu, toute la structure a vite fait de s'embrasser, livrant les hommes à une mort certaine - aussi de nombreux exercices sont fait de façon extrêmement régulière sous la direction du second et chacun connaissait parfaitement son rôle.

- Faut qu'j'y aille, M'dame Hermine, s'excusa Tijak en disparaissant par une écoutille. On a b'soin d'moi.

Rapidement, le garçon gagna la cambuse où il s'équipa d'un tonnelet rempli d'eau douce en passant une large sangle en cuir en bandoulière. Ainsi harnaché, une large louche à la main, il rejoignit, aussi vite que possible, le pont pour apporter à boire aux marins qui luttaient contre les flammes.

Arrivé à l'air libre, l'effroi fut sur le point de le saisir lorsqu'il découvrit la fureur des éléments déchaînés. Vents violents, nuages plus noirs que la nuit, pluies diluviennes et éclairs tonitruants semblaient s'être ligués pour anéantir le Protecteur et son équipage. Mais, très vite, la routine de l'entraînement reprit le dessus et Jakelm se concentra sur la tâche qu'il avait à accomplir, oubliant le contexte extérieur pour se focaliser sur les événements plus proches de lui.

Allant de l'un à l'autre, il puisait dans son petit tonneau pour offrir de l'eau aux hommes et femmes qui luttaient pour la survie du bâtiment. Les paroles motivantes d'un chant martial parvenaient à ses oreilles et, instinctivement, Tijak joignit sa voix de fausset au timbre puissant du barde, défiant ainsi la tempête et affirmant sa certitude de triompher des éléments.

Regarde les voler, fiers navigateurs
Franchissant les limites par d’autres un jour fixées
Et pour te saluer, garde-les de la peur
Qu’à la tempête succède ta beauté argenté.

Le Capitaine des Vagues nous pousse de son doigt
Nous propulsant là-haut, bravant le Destructeur.
Nous arrachant des flots, il nous rapproche de toi,
Toi, la Dame d'Argent, qui motive notre ardeur.

Au milieu des éléments en furie
Tous

« 'équipage du Protecteur se défendait envers et contre tout.
Il avait déjà du braver le vent, la pluie et les géants, mais les dieux n'en avaient apparemment pas fini avec lui. Un éclair meurtrier avait foudroyé son navire et il devait maintenant batailler pour sa survie, au plus profond d'un des plus grands nuages d'orage qu'il lui ait été donné de voir.

Il combattait sur deux fronts à la fois, aussi urgents l'un que l'autre.
D'abord, préserver le navire. Sous la pression sans merci des éléments, les cordages risquaient de se rompre, les voiles de se déchirer, voire les mats de se briser. La bonne volonté et la rapidité à ordonner de Serana faillirent se retourner contre eux : son expérience de marin était encore limitée, et ses ordres apparemment hâtifs, rapidement contradictoires avec ceux de son capitaine indurent un instant de flottement et de désordre dans l'équipage. Certains commencèrent à libérer les voiles, d'autres au contraire à les ferler. Même Lena et Chax'l, par ailleurs bons amis, commencèrent à se disputer sur la marche à suivre. Soudain, avec un bruit sec, le support d'une des voiles tribord se brisa et celle-ci se déchira de part en part.

Heureusement, les héros avaient choisi un chef d'équipage d'exception. Bien que celui-ci n'avait pas forcément la vision nécessaire à un capitaine, il était capable de ramener temporairement l'ordre dans une chaîne de commandement à la peine -surtout lorsqu'on lui donnait une telle inspiration héroïque:

Granit

- Allez, remuez-vous ! Vous n'avez pas ouvert vos esgourdes ? Le capitaine a dit d'affaler les voiles, alors EXÉCUTION, bande d'incapables ! Affalez-moi ça, affalez comme si votre misérable vie en dépendait ! Car, par Valkur, c'est le cas ! -------------------- Ce goliath est le bosco du Protecteur. Un professionnel d'expérience, stable et solide comme un rocher au milieu de la tempête.

Ainsi galvanisés autant par ces ordres clairs que par le chant d'inspiration, les marins dans la mâture reprirent du poil de la bête.
Pendant ce temps, ceux restés sur le pont étaient parvenus à endurer, et à mettre en place une chaîne efficace pour éteindre l'incendie dont l'intensité baissait peu à peu. Rapidement, sous l'impulsion de Plume, le chant de marin s'éleva et gagna en intensité. Repris et encore enjolivé par Jakelm, au milieu de la chaîne, les paroles envahirent le pont et gonflèrent d'ardeur ceux qui l'entendaient.

Après avoir initié le mouvement, la demi dragonne s'était écartée de l'autre coté du château arrière, pour observer. Aux aguets malgré la pluie et le vent qui lui fouettaient le visage, Serana guettait, les yeux plissés. D'ennemi, elle ne vit point, mais le spectacle qu'elle avait sous les yeux était fantasmagorique : le Protecteur naviguait au cœur de nuages d'orage, leurs volutes noires zébrées en leur cœur d'éclairs blancs ou bleutés. De temps en temps, un éclair serpentait sur le coté ou au dessus du navire tandis qu'un craquement assourdissant retentissait, menaçant de rompre le tissu même de la réalité. À un moment, un coup de tonnerre encore plus grandiose que les autres manqua l'étourdir. Assourdie pour quelques secondes, comme dans une hallucination due à la fièvre, elle n'entendit plus qu'un sifflement désagréable et, à la lisière de sa conscience, comme plusieurs roulements de tonnerre assourdis ...
Un peu comme ... des lancers de ... ?


Serana, Perception: 20 + 0 = 20 ... Réussite critique! ⚁⚃ ⚀⚁ ♫ ♪
Arzhaelig, Art de la magie: 7(d20) + 12 = 19 DD10 ... Réussite: Metzli est aidée.
Metzli, Art de la magie: 13(d20) + 12 + 2(aide) = 27 vs DD27 ... Réussite: Contrôle du climat, Éclair multiple
Arzhaelig, Savoir bardique: 8(d20) + 8 = 16 ... Narration

Au milieu de la tourmente, Arzhaelig, de son coté, chantait.
Tandis que son hymne enhardissait ses marins, le capitaine ne pouvait s'empêcher d'être en proie à ses réflexions. Étonnamment, il était quelque peu rassuré d'avoir pris la bonne décision. Aussi impressionnants qu'il furent, et même lorsqu'ils étaient amplifiés par la magie climatique des fils d'Annam comme le lui criait Metzli, la magicienne du bord, les orages étaient des phénomènes de hauteur finie. Même si cela aurait pu sembler fou dans d'autres circonstances, et comme l'assentiment silencieux de son lieutenant si prompte à défier les dieux le lui confirmait, continuer à prendre de l'altitude était le meilleur moyen d'en finir au plus vite tout en atteignant leur objectif ... s'ils y survivaient.
Non, ce qui le turlupinait était d'un autre ordre. En effet, il ne pouvait s'empêcher de repenser à ce qu'avait dit le géant des tempêtes : de quels «anciens accords» avait-il voulu parler ? Il était vrai que la plupart des navires quittant Eauprofonde suivait une des routes de commerces bien établies vers d'autres ports majeurs de la Côte des Épées. Était-il possible que l'existence même de ces routes existât pour garder les navires éloignés d'eaux inconnues, potentiellement infestées de monstres, ou au contraire habitées par d'autres «monstres» désirant simplement être laissés en paix ?
Il était aussi possible que le géant ait reconnu leur navire pour lui-même. Fidèle à son sens de la narration, le barde avait opté pour un vaisseau qui avait déjà vécu des aventures, dont l'issue ou même la nature de certaines restaient encore non élucidées. Ce clan de géant avait-il déjà rencontré jadis Le Protecteur, et passé un accord avec son équipage d'alors ? À moins de redescendre poser la question aux intéressés, bien malin qui aurait pu le dire ... Plume connaissait plusieurs histoires et légendes d'aventuriers chanceux qui étaient parvenus à négocier leur sauf-conduit en échange d'actes plus ou moins avouables, ou simplement la promesse de ne jamais revenir. Mais, si tel était le cas pour leur vaisseau, quels mystères renfermait-il encore dans les profondeurs de sa coque ?

Un souffle de vent et un coup de tonnerre plus violent que les autres sortirent les aventuriers de leurs réflexion.
Il semblaient avoir atteint la région la plus élevée du nuage d'orage. Autour d'eux, les éléments se déchaînaient, surchargeant tous leurs sens de lumières, de bruits, et d’agressions en tout genre. Et eux, continuaient à monter, monter, à une allure folle ...

... Et soudain, le calme revint.

Sérieusement meurtri, mais encore debout, le Protecteur avait atteint la cime du gigantesque nuage.
Tout autour de lui, les nuages gonflés de pluie roulaient, déferlaient, allaient et venaient, en tourbillons ou en rouleaux, tels une mer de volutes mystérieuses. Cet océan de nuages était baigné par la lumière argentée de Séluné, dont la douce lueur privait les contours d'argent des vagues de nuages de leur agressivité, pour n'en préserver que la grâce et l'éclat. Bien que l'orage continuât de tonner au dessous, ses grondements apparaissaient distants, moins menaçants, comme les feulements d'un prédateur frustré d'avoir laissé échapper sa proie. Un animal qui se calmait peu à peu, apaisé par ce spectacle magnifique. Qui pouvait croire que fureur et terreur pouvaient cacher une telle beauté ?

Tout petit au milieu de l'immensité, le Protecteur resta ainsi quelques instants, sur ce voile entre deux univers, en ce lieu qui marquait la fin du monde connu, et le début d'un autre mystérieux, celui des légendes et des rêves. Peut-être que pour certains aventuriers, ce spectacle évoquait quelque chose d'inconscient, comme le souvenir d'un songe ancien ... Un souvenir bercé par la clarté rassurante d'une mer, d'une mère argentée qui éloigne les cauchemars et les peurs de l'obscurité.

Comme tout, cet instant d'éternité dut lui aussi à son tour prendre fin.
D'un commun accord, comme si tous savaient ce qu'il leur restait à faire, les héros, leur équipage et leur fidèle navire s'élancèrent encore plus haut, toujours plus haut, quittant la Mer de nuages pour la Mer de nuit ...

Même Metzli qui n'y connaissait pas grand chose en matière de navigation avait compris que leur navire était désormais en piteux état et qu'il souffrait probablement de nombreuses avaries. Cependant, les dangers les plus pressants, orage et géants, semblaient désormais derrière eux et un merveilleux spectacle s'offrait à leurs yeux.

¤ Une mer de nuage! C'est juste... magnifique... ¤

La jolie ensorceleuse resta un moment silencieuse, le souffle coupé par le paysage irréel qu'elle avait l'opportunité de contempler. C'était la première et probablement l'unique fois de sa vie qu'elle avait l'occasion de s'envoler dans les airs, au contraire de son ami Arzhaelig.

Au bout de plusieurs minutes, elle parvint à river ses yeux sur autre chose que ces cieux splendides et s'inquiéta de ses compagnons, en particulier du plus jeune d'entre eux.

- Tout le monde va bien? Jakelm, tu tiens le coup?

En observant les hommes sur le pont, la jeune femme put constater que Vibishana avait suivi ses instructions et se tenait prêt à soigner les blessés éventuels, bien qu'il ait du mal à ne pas contempler les nouveaux espaces qu'il pourrait tenter de cartographier.

Serana n'eut pas de parole particulière. Les sifflements et le claquement qu'elle avait entendu résonnait encore au fond de son esprit. Mais la vision du paysage au dessus des nuages lui avait simplement coupé la chique. Non pas seulement à cause de l'évident grandiose, quoique indiscutable. Mais parce que leur capacité à passer outre les nuages, puis à sortir de Toril les rapprochaient peut-être des dieux. Sélune était, selon certaine source, en plus d'une lune, un grand portail vers les Portes de la Lune. Ce qui la rapprocherait indubitablement de son patron. Ses yeux restaient fixés sur l'astre.

Elle finit par porter les yeux sur les dégâts. Elle doutait que l'équipage puisse réparer le mat et le château, mais le tout serait améliorable. Un peu, au moins.

Elle écoutait Metzli prendre des nouvelles de Jakelm, tout en se disant que le jeune mousse risquait de ne pas apprécier très longtemps que l'on doute de ses capacités à cause de son jeune âge.

Elle revint vers Metzli et Arzhaelig.

- J'ai entendu des sifflements, et des sons semblables à des claquements de dés derrière la tempête. C'est peut-être une hallucination. Mais je n'en suis pas sûr.

Elle ne savait pas ce qui les attendait. Mais malgré l'excitation qui la gagnait, elle ne pouvait s'empêcher de penser que des terreurs hors de l'entendement pourraient les attendre la haut.

Elle posa ses doigts sur son avant bras et le frotta, pris de démangeaison.

Sous les efforts d'une partie de l'équipage, l'incendie du château arrière avait fini par être circonscrit laissant derrière lui une vison de bois noirci et de planches calcinées. Ce triste spectacle ajouté aux dégâts subis par la proue faisait ressembler leur fier bâtiment à une épave qui, si elle se trouvait encore sur l'océan, ne flotterait certainement que par miracle. Fort heureusement, certainement porté par Shaundakul en personne, le Protecteur s'était arraché de l'élément liquide pour voguer fièrement parmi les nuages. Là-haut, il ne craignait plus le courroux d'Umberlee même s'il lui faudrait certainement encore se méfier de Talos.

Épuisé par les efforts fournis, Jakelm haletait bruyamment et s'essuya le front d'un revers de main, laissant une large traînée noirâtre sur sa peau bronzée. Malgré sa fatigue, un large sourire fendait le visage du gamin d'une oreille à l'autre. Tout à sa joie et sa fierté d'avoir triomphé des éléments déchaînés, il n'omit néanmoins pas d'adresser un rapide remerciement à Valkur et à Séluné - les Dieux sont si susceptibles lorsqu'on les oublie - pour les avoir sortis de ce mauvais pas avant de rassurer Metzli sur son état moral.

- Vous en faites pas pour moi, m'dame, affirma-t-il avec conviction. Tout va bien. C'est pas une p'tite tempête qui va m'faire peur. Enfin, p'tite, j'me comprends. J'en avais jamais vu d'parielle, encore.

Fronçant les sourcils, le garçon sembla soudain prendre conscience du péril passé avant d'exprimer ses craintes à haute voix :

- Mais, ça avait rien d'naturel, c'truc. C'est comme si quelqu'un voulait nous empêcher d'aller plus loin...

Puis, secouant la tête avec vigueur, Tijak chassa d'un seul coup ces idées noires et retrouva son insouciance alors qu'une grimace comique plissait sa frimousse. Passées les premières frayeurs, la vie à bord devait reprendre son cours et il y avait encore du travail à faire. Sans perdre une seconde, l'enfant fila rejoindre Barvar afin de l'aider à préparer la tambouille. Nul doute qu'après de telles émotions, l'équipage allait être affamé et le mousse n'avait aucune envie que l'on tire à la courte paille pour savoir qui serait mangé (d'autant que le sort risquait de tomber sur le plus jeune...).

Arzhaelig regardait le Protecteur comme un père voit son enfant revenir de la guerre, conscient qu’il ne pourrait pas soigner certaines de ses blessures mais ravi de le voir au moins en vie. L’incendie avait été maitrisé à grand renfort de la magie de Serana et de toute la fougue de leur jeune mousse. Bien sûr, sans la chaine des marins l’exploit aurait pris plus de temps, sans doute même auraient-ils risqué de perdre une voile de plus, mais ces deux maillons forts avaient fait plus que leur part, le Capitaine n’en était pas peu fier.

- Je n’ai rien entendu de tel Serana mais je n’ai pas la qualité de tes sens. Le tonnerre raisonne encore dans ma tête comme des tambours de guerre nains. Je n’ai pas ... compris ce que nous voulaient ces géants, je n’avais jamais entendu que certains soient à ce point malveillants. C’est peut-être notre navire, ou cette voie, interdite il y a des siècles, les dieux –et nos agresseurs- seuls sans doute le savent encore, et je n’ai aucune envie de redescendre leur demander de s’expliquer.

Le capitaine apprécia l’élan de Metzli, cette tendance toute féminine de prendre garde aux plus faibles. Et félicita le jeune mousse d’un signe de tête et d’un franc sourire tandis qu’il repartait déjà à la tâche.

- C’est un bon p’tit gars notre Tijak. Il avait raison, ça n’avait rien de naturel ... même si je vous invite à ne pas colporter cette certitude, la superstition est trop commune chez les marins que pour la nourrir plus encore. Je savais que les Druides pouvaient déclencher de violentes tempêtes et déplacer des masses d’air titanesques provoquant orage et foudre mais par respect pour ces Puissances ou par la puissance qu’un tel prodige demande, ces sorts prennent du temps !

Arzhaelig savait à quel point la magie se jouait des forces et contraintes naturelles, il avait observé les effets des sorts de toutes les écoles classiques, la magie élémentaire, celle des druides, des fées, survolé même quelques écrits sur la magie des Ombres, du Pouvoir et les sorts interdits depuis les Néthérèses, et malgré tout, il continuait à observer le monde avec raison, la magie étant une exception, on aurait pu dire une « erreur », dans le déroulement du temps.

- Il n’est pas dans mes habitudes de jouer les dévots mais je ne serais pas surpris que l’un ou l’autre ait assisté ces Géants des tempêtes et pour ce qui est des dés ... gageons que ce soit Tymora ou Oghma, les deux se partagent entre autres les voyages et la chance, qui nous ait aidé à nous sortir de ce mauvais pas. Vous m’accompagnez pour faire l’état des lieux des dégâts ? Je ne vois malheureusement pas avec quoi nous pourrions réparer le mat et je veux m’assurer que le percement de la coque ne risque pas d’envoyer un de nos marins apprendre à voler à cette altitude.

A contre coeur, le barde s’arracha de la contemplation de la mer de nuages. S’il avait déjà navigué dans les airs, jamais il n’avait atteint les hauteurs vertigineuses qui permettaient de les surplomber. A cette hauteur, il faisait toujours beau. Séluné était dix fois plus brillantes, les étoiles si nombreuses qu’elles semblaient constituer une tapisserie de joyaux. Il rejoint Granit, le congratulant pour son aide à la direction des marins à l’instant critique et comptant sur sa maitrise et sa plus grande connaissance des réparations navales. Reprendre la voile n’était pas un problème en soit, d’autant qu’elles ne joueraient plus dans leur navigation, mais le mat brisé et l’enfoncement de la coque risquaient de le déstabiliser et sur ce point, il n’avait aucune idée de l’impact que cet état pourrait avoir sur la conduite de leur navire.

Metzli fut rassurée de constater que, malgré les dégâts occasionnés au navire, l'équipage semblait au complet et que le moral était bon, à l'image du jeune Jakelm. Elle-même ne pouvait détacher ses yeux de la mer de nuage qui s'offrait encore et toujours à sa vue, partagée qu'elle était entre contemplation, crainte et curiosité.

Sa curiosité fut également attisée par les étranges déclarations de Serana à propos de dés lancers et par les propos d'Arzhaelig concernant la perturbation qu'ils venaient de traverser. La jeune femme prit bonne note de ses recommandations relatives aux superstitions des marins et attendit que le barde se soit écarté avant de lui emboîter le pas et de tapoter sur son épaule.

- Je vais t'accompagner dans ton inspection...

Elle ajouta à voix basse :

- Tijak et toi avez parfaitement raison : une redoutable magie était à l'oeuvre tout à l'heure... J'ai pu identifier qu'il s'agissait de sorts de contrôle du climat et d'éclairs que seuls les druides et les mages les plus puissants sont capables de manier. Reste à savoir s'ils sont l'oeuvre des géants ou d'une autre entité...