Chapitre IV : Conseil au crépuscule

Suite à la téléportation qui les apportait à la caserne et chemin faisant vers la tour pour aller se reposer, Xarss prit congé de Khelrod prétextant devoir aller quérir des informations chez son hôte et qu’il reviendrait à la tour le plus rapidement possible. Tout était vrai, il avait qu’omis de divulguer sa tentative de meurtre sur l’apothicaire de la veille qu’il allait faire.

Son approche de la boutique se fit sournoise et ombrageuse, car il avait attendu le moment propice du coucher du soleil et début de soirée. Tapi patiemment dans une ombre confortable, le jeune néophyte de la surface apprit de par son ouï exceptionnel, que le bougre lards avait été assassiné la nuit précédente. Sur le coup, furax il devint, trouvant l’instant frustrant de s’avoir fait damer le pion. Précaution par-dessus précaution pour revenir à la tour, il s’interrogeait sur qui avait bien pu assassiner l’apothicaire ventripotent avant lui et surtout si tout ceci avait un lien avec toute cette affaire. Pour lui, il était certain que oui, mais sa nature investigatrice le portait à rester séquentiel et méthodique jusqu’au moment où il arrivait chez son hôte encore absent. Il laissait un petit mot de remerciement à ce dernier laissant ne rien savoir de sa prochaine destination et laissant savoir que s’il prenait contact avec la main des mystères, de les informer qu’il continuait sur son enquête première.

Il prit la route de la tour qui apparut devant lui tel un doigt dressé dans la nuit qui acclamait le silence. Il allait s’y installer après avoir précieusement pris soin d’armer ses pièges sommaires puis se laissait aller, vers la fin de la nuit à sa rêverie habituelle. Celle-ci le portait encore une fois dans les bras de Félicia, où il savourait chaque instant de ce pur bonheur puis désagréablement il entrevit sa détestable génitrice accompagnée de ses filles qui semblaient se préparer à une attaque d’envergure. Xarss ressentit profondément qu’un grand trouble frappait la maison de ce fils délaissé par la matrone Merenwen Symryvvin. Il sortit de sa rêverie, heureux et soulagé, espérant plus que tout que les dernières traces de cette maudite famille disparaissent, mis à part lui bien certainement quoiqu’il ne portait déjà plus ce nom depuis plus de 12 lunes.

Il se préparait dans un silence de mort après avoir méticuleusement fait ses étirements puis allait rejoindre le reste du groupuscule devant les portes de l’est de la ville. Il écoutait avec une attention toute particulière, les dernières informations que les dirigeants leur donnaient puis saluaient avec un sourire complice Sabetta pour ensuite se signer auprès d’Ena et Tirion qui seraient leur guide. Le faussement appelé Kryssyyor fut heureux de retrouver la monture qui l’avait portée depuis son arrivée à Lunargent, il commençait à y avoir un certain un lien avec l’animal. Leur double apparut et ils purent prendre leur route. La suite l’excitait, comme un nouveau départ l’aventure l’appelait encore une fois, et ce, au service des surfacins.

Après une agréable soirée, elle s’était levée avant que les premières lueurs du soleil ne viennent couvrir la fabuleuse Cité Joyau. Ashura tenait à parcourir une dernière fois la ville, du quartier des artisans à celui des temples. Elle s’arrêta pour échanger quelques paroles avec de vieux druides aux visages parcheminés, histoire de connaitre les prévisions météorologique des prochains jours puis suivit le cours de la rivière, d’où, elle put une dernière fois contempler le ballet des arbres et du vent, comme si elle voulait, avant de quitter Lunargent, engranger le plus possible de souvenirs.

Aux abords de la Porte de l’Est, une étrange angoisse la gagna tout en découvrant une trentaine de personnes s’activer afin d’organiser l’expédition. Elle pressa machinalement la poignée de sa rapière et parvint à réunir son courage pour n’afficher qu’une froide détermination. Ainsi, elle rejoignit le groupe, salua convenablement chaque membre de l’équipe puis allât s’entretenir avec les officiers pour connaitre les détails de l’itinéraire qu’ils devraient emprunter. Elle insista sur la nécessité de ne pas choisir le chemin le plus court, mais le plus sûr. Puis, profitant de l’organisation paisible, dans un calme relatif, elle décida de rejoindre les montures.

La bretteuse fut heureuse de retrouver Flèche-de-Jour, paisible monture, discipliné et courageuse. Elle pensait que ce nouveau voyage scellerait probablement le lien qui les unissait. Ashura insista pour seller elle-même sa monture, avec des gestes à la fois précis, soigneux et rapides, elle inspecta les ferrures et le sellage de tous les chevaux, et s’assura des réserves de fourrage d’avoine, afin qu’ils ne manquent de rien.

Elle se sentait responsable des autres car familière à l’univers des charretiers et des maréchaux des logis. Elle avait appris les règles de cheminement tactique des convois et savait ordonner les haltes pour repaître ou prendre gîte. Elle connaissait ces montagnes et pouvait alerter ses coéquipiers sur la nature des lieux de passage. Contrairement à certains, elle maîtrisait l’équitation et pouvait, lors de longs trajets, prendre l’initiative des transitions d’allure pour permettre de maintenir éveillé les chevaux. Pour toutes ces raisons, elle écouta et assista au besoin ses compagnons, conseilla les moins érudits de maintenir le buste droit, de garder le menton haut, de prendre place au centre de la selle et de garder les épaules à la même hauteur, puis quand l’expédition fut disposé à prendre la route, elle s’appuya sur l’étrier pour s’installer à son tour, en s’avançant vers l’encolure pour faire place à son bagage.

Ashura tira bride pour tourner de biais sa monture. Elle portait sa longue cape à capuche, d’où pendait une longue tresse blonde sur l’épaule droite. Face au groupe, elle se permit de prendre parole :

- Ces chevaux sont habitués à suivre celui qui précède, déclara-t-elle d’un ton calme et assuré. de façon à ce qu’un seul homme puisse en conduire plusieurs. Vous n’aurez qu’à suivre, et si vous le permettez, je souhaiterais prendre la tête.

Elle prenait soin d’adresser son attention à chacun d’eux.

- Nous sommes en pleine saison des orages, poursuivit-elle sans attendre de réponse particulière. Le tonnerre gronde dans les hautes terres et accentue la nervosité des chevaux. Cela suggère aussi de traverser des pluies torrentielles, ce qui n’est pas chose aisée, mais heureusement, il nous reste quelques marges de manœuvre. L’eau et les pâturages sont doux dans les hautes vallées, et l’altitude aide les chevaux à se constituer une bonne respiration pour les courses. L’idéal en cas de problème, si jamais nous devons tourner bride ou accélérer le rythme.

La jument, Flèche-de-Jour, renâcla comme pour ponctuer sa cavalière. Ashura connaissait les risques du métier, aussi, elle ravala d’autres mises en garde afin de ne pas les inquiéter plus que nécessaire. Chacun devrait faire preuve d’instinct, de courage et de persévérance.

- Si vous le voulez bien, allons-y à présent. Cramponnez-vous et profitez.

L’épéiste jeta un dernier sourire confiant à ses coéquipiers, tout en se préparant à tourner bride, énigmatique, inclinant poliment la tête pour prendre congé du groupe d’officiers, non sans caresser d’un dernier regard la silhouette de Lunargent qui s’étendait, majestueuse et végétale, sous les premiers rayons de l’aube et crut voir la ville disparaître pour jamais à ses yeux. A regret, elle pressa du talon le flanc de sa monture et serra les poings sur le cuir des rênes pour lancer l’animal au trot.

L'imagination de la jeune femme avait été si vivement frappée par la notice consacrée aux galebs duhrs, que sa nuit fut peuplée de ces invraisemblables créatures rocheuses. A flanc d'une montagne de pierres désertique, chaque anfractuosité pouvait être soupçonnée de dissimuler un espion séculaire, prêt à réduire en une bouillie informe qui avait osé faire intrusion sur son territoire d'un pied trop téméraire. Quel accueil réserveraient les firbolgs et les galebs duhrs, gardiens immémoriaux de l'équilibre et protecteurs dévoués de la nature, à Kryssior ? Peut-être vaudrait-il mieux garder ses distances...

Après avoir revêtu une tenue de voyage aussi légère que possible elle glissa son corps de liane dans l'écrin de cuir emprunté à la caserne, mais ne prit pas la peine d'en serrer les liens. Cela pouvait bien attendre d'avoir franchi les portes de la ville. Son modeste barda sur l'épaule et son délicat stylet au flanc, elle prit congés de ses hôtes, le vague à l'âme. Peu de personnes, dans sa courte existence, s'étaient montrées aussi généreuses et désintéressées à son égard.

En arrivant à la muraille est de la ville, La Goualeuse salua l'assemblée d'un geste de la main peut-être un brin cavalier tout bien considérées les sommités présentes. Une fois encore, l'ancienne courtisane avait le sentiment de ne pas être à sa place. Silencieuse, elle dissimulait son anxiété sous un masque indifférent, mais écoutait d'une oreille attentive la moindre parole. Ainsi leur mission demeurait-elle secrète aux plus hautes autorités lunargentaises...

L'apparition subite et prodigieuse de ses quatre répliques parvint néanmoins à dérider celle qui, bien malgré elle, était devenue une aventurière. La candeur de son sourire, l'émerveillement qui illuminait ses grands yeux bleus, la spontanéité avec laquelle elle avait approché la plus proche des illusions, l'éclat de rire qu'elle n'avait pu réprimer en considérant le regard interloqué que cette autre elle-même lui renvoyait, tout évoquait soudain chez elle un comportement enfantin.

Les consignes de la froide et méthodique Ashura eurent tôt fait de la rappeler à son devoir. Se rembrunissant, elle tira sur les sangles de son armure, les noua d'un geste aussi rapide que nerveux, puis monta en selle. La route promettait d'être longue.

Le nain avait lui aussi, tout comme le dignitaire Lunargentais, remercié chaleureusement la jeune elfe avant de quitter la caserne après qu’ils se soient de nouveau téléportés depuis le bastion des mages dans lequel ils avaient pu accéder à la chambre anascrute. Il avait ensuite remercié le Gardesort et était ensuite rentré à la tour, seul, Xarss lui ayant faussé compagnie pour ses basses besognes avortées. Conscient de ce qui les attendrait le lendemain, il avait alors décidé de se reposer immédiatement, après avoir avalé un petit quelque chose. Il avait alors dormi d’un sommeil profond et réparateur.

Le lendemain, dès que possible, il s’était mis en route pour retrouver ses compagnons ainsi que les nombreux hommes et femmes qui allaient participer avec eux à cette expédition si particulière. En voyant le nombre d’hommes et de femmes, quelque chose se passa dans l’esprit du paladin. Ces hommes et ces femmes en armure lui rappelèrent l’expédition qu’il avait menée avec les siens et les erreurs qu’il avait faites alors, conduisant à la perte du joyau et son exclusion du clan… Son caractère prétentieux, son égoïsme, son orgueil… Le souvenir, bien que lointain, revêtait en cet instant une telle puissance que le nain en était comme impressionné. Il était frappé de mutisme, comme s’il se concentrait pour ne pas fauter de nouveau.

¤ Tu as appris de tes erreurs Khelrod. Rappelle-toi ce que tu as fait et les conséquences que cela a eu. Ne recommence pas. Suis la voie qu’il t’a enseignée. ¤

Il écouta attentivement les directives de leurs commanditaires, ainsi que les explications qui leur étaient fournies, ne souhaitant pas manquer une seule information. Après quoi il écouta attentivement les conseils et directives d’Ashura. Elle était effectivement la plus expérimentée d’entre eux pour ce genre de voyage et il était parfaitement normal aux yeux du paladin qu’elle prenne la direction des opérations au sein du groupe des francs-tireurs.

Quand il eut emmagasiné tous les éléments nécessaires à leur voyage, il approcha les éclaireurs en leur demandant si le coin à Esturgeons était sur leur chemin, et si oui, s’ils accepteraient de s’y arrêter un moment, au cas où. Il assista alors à la transformation générale, résultat impression d’une illusion à grande échelle, se demandant intérieurement quelles surprises pourraient encore leur réserver Lunargent et ses habitants… Il laissa passer deux secondes pour se remettre de la surprise, sourit à la remarque de l’alchimiste sur les cours d’équitation, puis monta à cheval à son tour. Il était clairement gauche lors de son ascension, sa taille n’aidant pas, mais il était clair qu’il avait appris à monter, même si cela n’avait pas encore pu se voir jusqu’à présent.

Lorsque la bretteuse se mit en route, il l’imita, adressant également un signe de tête aux officiels qui les avaient mandatés pour cette mission. Toutefois, contrairement à Ashura, il ne regardait pas en arrière vers Lunargent, mais plutôt devant vers les montagnes. Cela faisait longtemps qu’il n’était pas retourné dans un lieu pouvant s’apparenter à son habitat naturel, et plus encore qu’il n’était pas retourné dans une cité naine, qu’elle soit occupée majoritairement pas des nains ou non. Il sentait, sans encore s’en rendre compte, une certaine appréhension se former au creux de son estomac…