Chapitre 1 : L'astre Pourpre

Gulmar, Reïlo Blanche Flamme & Mirtzar Boucledacier
Une brise fit vaciller les flammes qui dansaient entre les trois hommes. Il y avait encore du monde dans la grande salle mais des villageois avaient commencés à quitter l’édifice, nerveux et soucieux à cause du départ imminent, mais majoritairement résolus à répondre à l’appel de la prêtresse. Les gonds des deux grands portes grinçaient à nouveau, laissant s’engouffrer un sifflement venteux qui arracha un frisson à la vieille femme. Cette dernière prit un court moment de réflexion puis déclara en direction du métis Elfe noir.

Yoline

- Si votre ami doit se rendre à Kamisrav, j’espère qu’il nous viendra en aide. L’union sera notre salut, cita-t-elle machinalement. Car, au soir venu de cet odieux rituel, nous aurons besoin du plus grand nombre. (elle fronça son visage parcheminé) Je vous prie de m’excuser, mais je ne suis pas certaine de bien vous avoir comprise : vous aviez prévus de retrouver votre ami dans le duché d’Arcata ? Est-il originaire des Vaux, comme vous l’êtes ? (elle leva un sourcil et pencha la tête de côté) Pour être exacte, vous trouverez des lieux de culte dédiés à Celui-qui-Endure dans les coins du royaume de Damarie. A travers Faerun, notre peuple est reconnu pour sa dévotion pour la Maison de la Triade. Beaucoup ressentent une proximité particulière, connaissant les vertus de l’endurance face aux épreuves. (elle eut un sourire timide) Nos organisations sont divisées en une multitude d’Ordres de chevaliers monastiques. Agissait-il au nom d’une église en particulier ? Ou ce pèlerin au patronyme exotique serait-il venu se recueillir sur l’autel de l’abbaye de Saint-Sollars Deux-fois-martyrs ? -------------------- C’est une femme d’âge mûre, vêtue d’une humble robe de prêtresse et d’une coiffe blanche, un étrange pendentif en cuivre est suspendu à son cou. Avec douceur et obligeance, Yoline s’occupe des malades et des blessés du petit village de Sturmburg.

La prêtresse conclue cette série de questions d’un léger hochement d’épaules, affichant un air anodin, comme indifférente ou n’en saisissant pas toute l’importance.

Elle n’attendit aucune réponse et tourna les épaules brusquement, décrivit un geste vif et claqua des doigts. Aussitôt, deux jeunes servantes s’avancèrent avec les bras chargés. Elles avaient la corpulence famélique de celles qui ont grandis loin de l’opulence et portaient toutes deux le symbole d’Ilmater - deux mains liées avec un cordon rouge – épinglé au niveau du cœur, sur des gilets et de larges robes grises. La prêtresse toussota et eut un sourire forcé, à la lueur de l’âtre. « Veuillez me suivre » déclara-t-elle en invitant les trois hommes à l’accompagner à travers le temple. Elle s’arrêta après quelques pas, au détour d’une colonne de pierre, devant une grande alcôve illuminée par quelques bougies. Il y avait un banc, assez large pour s’y coucher, tapissé d’épais coussins et une petite table basse de forme ronde. Le mur était couvert de niches où se trouvaient de nombreux livres et autres reliures. La prêtresse fit à nouveau signe et pencha la tête :

- Vous pouvez vous installer ici, autant de temps que vous le désirez. (elle croisa les bras sous ses longues manches) Le temps que je vous trouve un plan et un guide pour atteindre Kamisrav.

Elle fit un signe de tête et la première servante fit un pas en avant, s’agenouillant pour déposer un plateau sur la table basse. Les trois aventuriers perçurent le fumet agréable d’oignons, de carottes, de poireaux et du feu de bois provenant de potages servis en jatte. Autour des plats fumant de chaleur, étaient disposés quelques beignets encore dorés.

- Le ventre plein, l’esprit fonctionne mieux, cita la vieille femme à l’air chaleureux. J’espère que ces modestes contributions vous conviendront.

Elle invita la seconde servant à s’avancer, qui s’empourpra, comme embarrassée. La jeune fille d’une quinzaine de printemps tendit deux fourrures aux rouquins. Les deux vêtements montraient des signes d’usures, mais semblaient propres et correspondaient à leurs corpulences respectives.

- Veuillez-accepter ceci, ce ne sont guère que de vieilles pelisses qui appartenaient à des chasseurs. Elles vous seront utiles pour lutter contre les rigueurs hivernales.

Écourtant les politesses, des badauds ne tardèrent pas à faire irruption pour réclamer la présence de la grande prêtresse. Trois vieillards mal rasés, l’air un peu benêt, cherchant l’attention de la matriarche avec une démarche infantile. Cela ne manqua pas, la doyenne fit de grands gestes agacés, grondant d’une voix sévère pour repousser les trois impatients. Elle s’excusa d’un signe de tête, retournant son regard vers Gulmar, Mirtzar et Reïlo en reprenant d’une voix mielleuse :

- Nous serons partis avant la tombée de la nuit, en attendant, je vais devoir vous laisser pour m’occuper de l’organisation du convoi. Reposez-vous, le temps de reprendre des forces, et que je vous dégotte un plan et un guide pour vous mener jusqu’à Wallenburg. (elle se pencha sur l’une des servantes, glissa une main sur son épaule et la tira fermement vers elle) Voici Ingrid, une brave enfant qui répondra à toutes vos questions le temps de votre séjour.

La jeune fille parut surpris : « Mais… ! » Elle déglutie bruyamment, paraissant contenir sa contestation, pour mieux convenir aux bons vouloirs de la grande prêtresse. Derrière sa tignasse brune, elle osa un regard afin de dévisager furtivement les trois hommes, puis elle détourna les yeux, comme inconfortable en présence de ces étrangers. La prêtresse eut un sourire satisfait et amusé, relâchant son étreinte puis attendit un dernier échange avec les trois aventuriers.

Reïlo avait été quelque peu embarrassé par les questions de Yoline car il était bien conscient de ne savoir pratiquement rien à propos de celui qu'ils étaient venus chercher.

¤ L'arrivée de Tarek Al Shabû dans la région est-elle la cause ou la conséquence des troubles qui la frappent? A priori, c'est un fanatique d'Ilmater, il y a de fortes chances qu'il vienne ici pour combattre ce Mal que tous semblent redouter... Mais il peut causer indirectement de grands dégâts en manipulant des forces qu'il ne connait pas et pourrait être à l'origine d'une partie de tout ceci. ¤

Par chance, la prêtresse s'était abstenue d'en demander davantage et Blanche Flamme n'ajouta aucun élément à ce sujet, se contentant d'un geste évasif en la suivant. Tout ce qu'il savait, c'est que leur route les mènerait à Kamisrav et qu'ils auraient besoin d'un guide et probablement de l'aide des villageois pour affronter ce qu'ils y trouveraient. Il semblait donc utile de leur venir en aide, même si cela leur faisait perdre un temps précieux.

Bien qu'il soit peu attaché à la gastronomie, le demi-drow avait englouti plusieurs lampées de potage et quelques beignets afin de récupérer des forces : leur long périples et les privations qu'il avait provoquées avaient laissé des traces. Tandis qu'il terminait son repas, il s'adressa enfin à Ingrid :

- Heureux de faire ta connaissance, Ingrid. J'aurais beaucoup de questions à te poser sur ta communauté, son histoire et sur tous les troubles qui ont frappé la région mais je suis trop fatigué pour t'interroger à ce sujet pour le moment. Il y a juste une chose que j'aimerais savoir : où pourrais-je troquer cette armure de bonne qualité contre de l'argent, des vivres ou des potions qui pourraient nous être utiles?

Ses paupières se fermaient tout doucement... Le prêtre d'Oghma savait qu'il avait besoin de repos et son regard lorgnait doucement vers le banc sommairement aménagé en lit : il était sûr qu'il ne tarderait pas à s'y installer.

Gulmar avait laissé les échanges se poursuivre entre Yoline et Reïlo. Cela lui permettait de se laisser aller à ses pensées. Celles-ci avaient d’ailleurs vagabondé du questionnement sur la magie utilisée sur les végétaux à la ferveur presque fanatique qu’avaient montré les villageois quand la prêtresse leur avait demandé de se mettre en route pour combattre le mal. Il ne parvenait pas à s’expliquer cela.

¤ Mais comment c’est possible ? Transformer des gens parfaitement normaux en p’tits soldats prêts à mourir en affrontant un mal inconnu. C’est fou. ¤

C’était en ce moment la question qui le taraudait le plus. Toutefois, la question s’effaça un moment de son esprit, lorsqu’il reçut à la fois des vivres et un manteau de fourrure. Le rôdeur ne pouvait faire autrement que d’être agréablement surpris par tant de générosité. Il remercia ses bienfaitrices, notant au passage que le clergé ne semblait être composé que de femmes. Il aurait peut-être eu des pensées moins sages s’il n’avait pas été si fatigué…

- Merci.

Un seul mot lui avait suffi. Il ne parlait pas beaucoup d’ordinaire. De plus il estimait qu’il n’y avait pas besoin de long discours pour exprimer une pensée sincère. Il avait avalé un peu du potage qui lui avait été servi, en toute hâte et sans faire preuve d’un grand savoir être, mais avait semblé apprécier ce premier repas servi depuis un long moment. Il profita d’un moment pendant lequel le métis demi-drow était en train de manger pour s’adresser à Yoline.

- C’sont qu’des fermiers, des artisans, des vieillards ou des gamins… Sont sur’ment très bon dans c’qui font, mais c’sont des gens ordinaires. S’ils partent, ils meurent.

Il semblait anxieux, comme inquiet pour ces personnes dont il ne connaissait strictement rien. Il jeta un coup d’œil rapide au guerrier nain puis au théurge et en revint à Yoline.

- Comme Reïlo. J’veux bien vous aider. Ca d’vrait pas prendre trop d’temps d’aller récupérer vot’ truc. Mais laissez ces gens en dehors de ça.

Il avait beau ne pas être le meilleur ami de la loi et de l’ordre, qui plus est individualiste, il n’en demeurait pas moins profondément bon, et la perspective de voir des gens du commun se faire massacrer par fanatisme ne semblait pas vraiment l’enchanter… Il décida de résumer, à sa façon.

- Un, Wallenburg pour l’artéfact. Deux, Kamisrav pour trouver l’mal. Trois, éradiquer l’mal.

Simple et efficace. Un résumé qui ne s’embarrassait d’aucune fioriture et qui permettait au moins d’être certain que tout le monde parlait bien de la même chose. Il réagit avec un signe de tête positif lorsque Reïlo parla de vendre du matériel, comme s’il éprouvait le même besoin. Contrairement au demi-drow qui semblait vouloir se reposer dès à présent, Gulmar mangea encore quelques bouchées rapidement puis enfila le manteau qu’on venait de lui remettre, jetant de nouveau un coup d’œil à Mirtzar. Il semblait qu’il voulait partir rapidement, comme s’il avait une idée en tête… Toutefois, il n’ajouta rien, attendant certainement un moment plus propice.

Gulmar, Reïlo Blanche Flamme & Mirtzar Boucledacier
Alors que les trois hérauts de Nërissa saisissaient l’occasion offerte de se restaurer et de prendre un peu de repos, la prêtresse et ses servantes continuèrent de d’échanger quelques mots. Toujours accolée à la timide dénommée Ingrid, la vieille femme offrit un sourire, visiblement heureuse que l’on accepte sa requête. Elle hocha du menton et reprit d’abord à l’attention de Gulmar, qui de sa manière abrupte, ne se privait pas d’afficher sa défiance.

Yoline

- Au cœur de la tempête, le loup solitaire périt et la meute survit. Vous suggérez de rester cloitrés dans nos chaumières en laissant nos voisins subir la foudre qui s’annonce ? (simple mesure rhétorique, elle reprit aussitôt, sans une once d’aigreur dans la voix) La déesse Dajrana nous montre la voie sur le chemin de la vérité. Son message avait une raison d’être, une lueur d’espoir dans un ciel ombrageux. En période de troubles, la foule trouve son réconfort dans les convictions profondes et quand l’ordre établi vacille, il ne reste que les gens ordinaires et leur lutte pour survivre. -------------------- C’est une femme d’âge mûre, vêtue d’une humble robe de prêtresse et d’une coiffe blanche, un étrange pendentif en cuivre est suspendu à son cou. Avec douceur et obligeance, Yoline s’occupe des malades et des blessés du petit village de Sturmburg.

La prêtresse cligna des paupières, puis sans attendre de réponse, elle tourna les épaules vers la seconde servante. L’interpellant d’un signe de la main, elle s’adressa à elle avec une douce autorité maternelle :

Yoline

- Helga, avant de préparer tes affaires, je veux que tu trouves un plan de la région pour ces messieurs et que tu préviennes Edmond qu’un invité souhaiterait faire du troc avant le départ. Insiste bien sur l’importance de cette requête. Tu viendras ensuite me rejoindre pour m’aider. Va ma grande, le temps presse. La jeune femme acquiesça puis disparue entre les colonnes de pierre et la foule de gens. Yoline reprit ensuite vers les trois hommes, reprit son souffle après une courte pause. Un sourire fugace apparut sur la bouche de la vieille femme. Elle semblait avoir un peu rajeuni. De la vigueur était revenue sur ses lèvres. - Bien, je suis heureuse de recevoir votre soutien, de constater qu’il reste encore en ce monde des hommes respectueux. (elle joignit les mains et courba légèrement l'échine) Je prierais pour votre salut. A présent, si vous le voulez bien, je vais à présent m’occuper de mes concitoyens. -------------------- C’est une femme d’âge mûre, vêtue d’une humble robe de prêtresse et d’une coiffe blanche, un étrange pendentif en cuivre est suspendu à son cou. Avec douceur et obligeance, Yoline s’occupe des malades et des blessés du petit village de Sturmburg.

A ces mots, la vieille femme tourna les épaules afin de rejoindre les habitants de Sturmburg qui attendaient ses consignes. La prêtresse se mit aussitôt à agiter les bras en répartissant les tâches. Seule la dénommée Ingrid resta immobile à contempler ses pieds, comme changée en statue de sel.

Kvoth
Situé à l’orée de l’imposante chaine des montagnes des Galènes, dans le duché d’Arcata à l’Ouest du royaume de Damarie, un chasseur avait trouvé refuge dans le modeste et peu hospitalier village de Sturmburg suite à une terrible tempête de neige. En discutant avec quelques autochtones, bien que peu intéressé par les aspects politiques, il avait pu prendre connaissance des dernières nouvelles de la région, dont celle-ci : un village avait été retrouvé complétement disparu et un autel sacrificiel, couvert de sang, découvert dans une clairière proche…

Parmi les volutes parfumés d’encens, les habitants anxieux et les murs de pierre du temple, dans un coin de la grande salle, Kvoth avait assisté silencieusement à la cérémonie. Les villageois semblaient totalement désœuvrés par l’expérience ésotérique de la nuit dernière. Les cauchemars étaient le sujet de conversation principal de toute la ville et les similitudes ne pouvaient être le fait du hasard.

La cérémonie achevée, un étrange groupe s’était présenté à la grande prêtresse comme pour répondre à son sens prononcé du martyr. Malgré leur discrétion, il avait pu suivre l’essentiel des échanges et cette histoire d’objet de grand pouvoir. Alors que tout autour de lui, certains villageois patientaient, que d’autres s’en étaient déjà allés se préparer à rejoindre le village voisin, le rôdeur voyageur analysait la situation.

Allait-il faire preuve d’altruisme en répondant à la détresse de ces villageois ? Suivre le gros de la troupe jusqu’au village de Kamisrav aperçu en rêve la nuit dernière ? Ou fuir ce pays de fous et les noirs périls qui s’annonçaient ?

'est d'une oreille distraite, et encore un peu engelée, que Mirtzar avait suivi l'essentiel des discussions entre Yoline et les têtes pensantes de son groupe. Une petite voix, cherchant à lui trouver des excuses, lui soufflait que c'était parce qu'il ne s'était pas encore bien remis du froid qu'il venait d'affronter. Une voix un peu plus forte, et sans doute plus correcte, lui disait que c'était parce qu'il ne pouvait cesser de penser à la perte qu'il venait de subir et dont il avait beaucoup de mal à se remettre. La voix la plus forte lui disait que c'était parce qu'il était bien au-delà du domaine de ses connaissances et qu'il s'agissait d'un acte bien sage que de laisser ses compagnons plus compétents et urbains s'occuper de ce genre de situation.

Pendant un temps, il avait failli se replonger dans la discussion et abandonner la nourriture pourtant alléchante. Il avait saisi que leur tâche, car il l'avait acceptée autant que ses compagnons même s'il ne l'avait pas forcément annoncer à haute voix, avait quelque chose à voir avec une divinité dont Mirtzar n'avait jamais entendu prononcer le nom. Et qu'il n'avait pas réussi à retenir. Mais il se souvenait qu'il contenait moults 'a's. Ce qui avait attiré son attention était le fait que cette divinité à forme de chouette était le protecteur des forgerons, une information qu'il trouvait intéressante. Et aussi des équinoxes, ce qui semblait plus étrange.

¤ ¤

Heureux que l'addition de quelques couches de fourrure semble lui donner de plus grandes chances de ne pas succomber au froid infernal, Mirtzar avait commencé à passer à l'étape suivante de leur épopée. Penser au froid lui était inconfortable, et lui rappelait pourquoi ses semblables passaient le plus clair de leur temps dans les entrailles de la terre à une température presque constante, mais c'était aussi une source de motivation. Après tout, le plus tôt ils retournaient affronter le blizzard, le plus tôt ils pourraient s'abriter là où l'artefact qu'ils avaient été envoyés chercher se trouvait. Et ainsi de suite.

-Blanche-Flamme, Gulmar, j'espère que vous avez une image mentale plus claire de ce qui nous attends que moi mais une chose me semble certaine, Gulmar a raison. Les villageois ont besoin de nous pour aller chercher l'"ancien des anciens" et pour les aider à affronter la menace qui pèse sur ... l'autre village. Donc je propose qu'on se mette en route dès que possible.

Le rôdeur se trouvait adossé contre un mur dans un coin du temple, sa capuche toujours rabattue sur sa tête, son visage dans l'ombre. Il se grattait légèrement la barbe. Il commençait à se réchauffer et ses vêtements également. Après avoir attentivement écouté les échanges, il se rendit compte à quel point la situation était grave. Il balaya la salle du regard, s'attardant sur chaque personne présente.

¤ Le fait que toutes ces personnes aient pu faire le même rêve est vraiment curieux... Je ne peux pas laisser ces pauvres gens après ce qu'il s'est passé. ¤

Kvoth s'approcha alors du groupe qui avait pu parler avec la prêtresse. Cette histoire d'objet de grand pouvoir l'intriguait. Il n'était pas très à l'aise pour discuter avec des inconnus mais la situation lui semblait critique. Il savait à quel point la région était dangereuse. Une personne de plus pour les aider dans cette mission ne serait pas de trop...

¤ Quelle bien étrange compagnie ! ¤

Il se racla la gorge, enleva sa capuche, laissant apparaître ses long cheveux roux et son bouc mal taillé. Attendant que le Nain finisse de parler, il s'adressa alors aux membres du groupe.

- Hum, excusez moi … Bonjour... J'ai pu entendre les échanges que vous avez eu avec cette dame nommée Yoline. J'ai pu comprendre que la situation était délicate et je me demandais simplement si je pouvais vous proposer mon aide pour vous rendre à Kamisrav ?

Se rendant compte qu'il ne s'était même pas présenté, Kvoth rajouta :

- Et pardonnez moi, je n'ai même pas pris la peine de me présenter dans la précipitation. Je me nomme Kvoth. Il s'inclina légèrement et afficha un léger sourire crispé.

¤ Quelle entrée en matière... ! Je ne suis décidément pas fait pour les longs discours … ¤

Blanche Flamme fut quelque peu surpris par l'altruisme dont ses compagnons faisaient preuve. Pour sa part, peu lui importait que les villageois partent à l'assaut de forces qui les dépassaient : chacun était maître de son destin et il ne se sentait pas l'âme d'un protecteur. Si le demi-drow avait accepté de se rendre à Wallenburg pour le compte de Yoline, c'est parce qu'il avait l'impression que leurs intérêts étaient communs pour l'heure et qu'il savait qu'ils auraient besoin d'aide et d'approvisionnement pour atteindre Kamisrav et espérer survivre à ce qui les y attendait.

Reïlo avait hoché la tête lorsque Gulmar avait résumé la situation et marqué également son accord quant aux affirmations de Mirtzar, tout en ajoutant néanmoins :

- Il nous serait sans doute bon de prendre un peu de repos avant de nous remettre en marche. Nous ne savons pas ce qui nous attend et il nous faudra toutes nos forces pour affronter la moindre menace dans un milieu aussi hostile...

C'était alors qu'un inconnu s'était approché et leur avait proposé ses services. Il avait simplement déclaré s'appeler Kvoth et semblait disposer à les accompagner sans bien savoir quelles étaient leurs motivations.

¤ Ce Kvoth est soit un sot, soit un téméraire, soit un fou! ¤

L'offre était néanmoins trop intéressante que pour être repoussée : ils avaient besoin de nouveaux compagnons pour pallier aux défections successives que leur expédition avait endurées. Le prêtre d'Oghma répondit poliment :

- La bonne rencontre, Kvoth. Toute aide nous sera utile et, en ce qui me concerne, vous êtes le bienvenu. Mais je dois vous prévenir de trois choses : premièrement, la voie que nous allons emprunter risque d'être très dangereuse. Deuxièmement, nous sommes à la recherche d'un certain Tarek Al Shabû et le retrouver constitue l'objectif principal de notre présence ici. Troisièmement, nous ne nous rendrons pas immédiatement à Kamisrav : nous avons accepté de gagner, avant cela, Wallenburg pour y chercher un artefact pour Yoline.

Le métis marqua une courte pause pour laisser à son interlocuteur un peu de temps pour réfléchir. Il ajouta ensuite :

- Votre offre tient-elle toujours dans ces conditions ?

Kvoth avait écouté attentivement la réponse de cet homme aux cheveux blancs. Il s'attarda quelques instants sur ses oreilles, sa couleur de peau, plus pour tenter de savoir à quelle genre de personne il avait affaire que pour juger quoi que ce soit. Il se questionna alors sur ce Tarek Al Shabû. Qui était-il et pourquoi ce groupe était à sa recherche. Il se dit alors qu'il leur poserait ces questions plus tard, il ne voulait paraître trop intrusif.

Il répondit  :

- Peu m'importe le danger encouru, mon chemin jusqu'ici était déjà semé d’embûches. Votre détour n'est pas un problème pour moi, j'ai pu comprendre qu'il s'agissait d'un artefact important pour cette dame. Les villageois m'ont accueilli et abrité, je peux leur rendre service en retour, donc oui, il marqua une pause de quelques secondes, mon offre tient toujours.

Le rôdeur regarda les autres membres du groupe, puis son regard revint sur son interlocuteur. Il ajouta :

- Vous ne vous êtes pas présenté, à qui ai-je l'honneur de proposer mes services ? Il afficha un léger sourire.

¤ Et on n’a jamais vu la famille lapin s’jeter dans la gueule du loup… ¤

Ce sont les mots qui lui traversèrent l’esprit de Gulmar au moment au Yoline évoqua le sujet du loup solitaire. Tous deux n’avaient manifestement pas la même vision des choses, mais la discussion en resterait là. En effet, le rôdeur n’était pas du genre à argumenter, contre-argumenter et perdre du temps en palabres inutiles. Il avait donné son point de vue. Il avait été entendu, mais pas compris. Autant passer à la suite. Il avait donc laissé parler la prêtresse sans plus l’interrompre, se contentant de hocher la tête lorsque celle-ci prit congé.

Il répondit alors aux propos de Mirtzar, alors même que Kvoth venait de les rejoindre.

- J’sais pas si l’image est meilleure. Mais c’qu’on a vu ça va contre c'qui est naturel. On doit agir. Et j’suis d’accord avec toi. Faut qu’on parte au plus vite.

Il regarda alors l’autre rôdeur rouquin arriver, leur proposer son aide, se présenter et échanger avec Reïlo. Il ne savait pas dire quoi, mais quelque chose lui semblait étrange dans cette scène. Un type qui avait l’air tout aussi peu du coin qu’ils l’étaient tous les trois venait proposer son aide à son tour. Mais après tout, ce n’était peut-être pas si étrange que cela. C’était peut-être tout simplement la providence.

Alors que Kvoth et le théurge d’Oghma parlaient, le rôdeur shaarien décida d’observer le nouveau venu et outre l’équipement de celui-ci qui était très proche du sien, l’homme semblait effectivement sortir du lot et ne pas être juste un badaud en quête de sensations fortes. Même s’il n’était pas franchement d’accord avec le demi-drow qui révélait tout de leur mission, il n’en dit rien, et décida qu’un quatrième ne serait pas de trop pour le voyage et pour la suite. Aussi, une fois que leur futur nouveau compagnon eut terminé, le chasseur de Gnolls se présenta à son tour.

- Salut Kvoth. Moi c’est Gulmar.

Un léger signe de la main accompagna les propos toujours aussi peu développés du rouquin. Il laisserait aux autres le soin de se présenter. Il s’adressa alors aux trois aventuriers en même temps.

- On f’ra la causette en marchant, non ? Plus vite on s’mettra en route, plus vite on aura réglé l’problème.

Blanche Flamme constata que Kvoth, puisqu'il s'appelait ainsi, semblait décidé à les suivre, même s'il était désormais prévenu des dangers qu'ils courraient et s'il n'avait été que sommairement informé à propos de l'objectif qu'ils poursuivaient. Il était toujours quelque peu étonné de la témérité du nouveau venu mais il savait qu'ils ne pouvaient se passer de l'aide de la moindre personne sachant manier une arme ou lancer un sort : toute aide serait la bienvenue. Il hocha la tête pour marquer son accord à l'intégration de Kvoth au sein du groupe :

- Eh bien, bienvenue parmi nous dans ce cas. Je m'appelle Blanche Flamme et je suis un disciple d'Oghma. Voici Mirtzar, le plus expérimenté et le meilleur combattant d'entre nous. Gulmar s'est déjà présenté, avec le style laconique qui le caractérise.

Un petit sourire amusé s'afficha sur son visage. Des membres de leur expédition, Reïlo était probablement le plus bavard, lui qui n'était pourtant pas particulièrement extraverti ou charismatique.

Il finit par se rallier à l'avis de ses compagnons et décida de partir dans les meilleurs délais :

- Bon, vous avez sans doute raison. Autant agir vite, avant que la nuit ne recouvre le pays. Je souhaiterais juste pouvoir vendre cette armure et avaler un petit quelque chose de chaud. Les derniers jours ont été éprouvants...

Il ajouta à l'intention d'Ingrid :

- Pourriez-vous m'apporter une boisson chaude pas trop alcoolisée? Il semble que nous partions sous peu.