Bourgeons

Mijour du 15 Flammerige (VII) 1373

Triel

Le gnome avait donné un anneau à chacun des compagnons. Un souvenir de cette première épopée dans le désert, ou plutôt un moyen de communication, ou d'appel. L'un, rat de bibliothèque, recherchait le savoir, la découverte, l'aventure par procuration ; les autres recherchaient l'aventure, et les savoirs et découvertes qui en découlaient.

Quatre chevauchées plus tard, quand l'anneau se mit à émettre un bourdonnement, occasionnel mais répété, semblant plus distinct lorsqu'ils regardaient vers le sud-est, c'est instinctivement que les compagnons arrivèrent à Triel. La bourgade des contrées du Mitan n'avait rien de particulier, sinon l'auberge de la Brise Chantante que les retardataires n'eurent pas le plaisir de visiter.

Les anneaux bourdonnèrent à nouveau.

Quelques centaines de pas plus loin, le rideau de lumière du manoir merveilleux apparut une nouvelle fois, discret mais immanquable à l’œil aguerrit.

Ravio

- Entrez, entrez ! Et bien, heureux de vous revoir ! Comment s'est passé vos dernières chevauchées ? Voyez-vous j'ai mis en pot votre bulbe de fleur de Djinn, il se porte à merveille ! J'ai aussi pu déchiffrer le grimoire et reproduire quelques unes de vos billes d’araignée ! -------------------- Les années, sinon décennies, passées à fouiner dans les bibliothèques ne sont pas tout à fait étrangères à l'apparence du gnome. Myope, sensible à la pleine clarté du jour, l'humour abstrait voire abscons, ce gnome est l’archétype de l'archiviste.

Il fit une pause pour laisser entrer ses visiteurs. Il ne fit aucun commentaire sur les chaussures, et pour cause.
Devant les compagnons s’étalaient des jardins, une roseraie plus précisément, ou arbustes, haies, fourrés s'entre-mêlaient en un labyrinthe à hauteur d’épaules du gnome. Le tout faisait une dizaines de pas de rayon, au centre de quoi se trouvait une table ronde basse en bois massif, entourée de coussins volumineux dans lesquels le corps pouvait disparaître en entier.
Le sol était de gravier blanc ; une pergolas servant de support à vignes cachait le plafond ; les odeurs du lieu étaient florales et sucrées.

Ravio

- J’espère que vous appréciez les roses ! Connaissez-vous la Bataille des Ossements, l'une des plus grande bataille de notre ère où nombre de héros de toutes races tombèrent ? -------------------- Les années, sinon décennies, passées à fouiner dans les bibliothèques ne sont pas tout à fait étrangères à l'apparence du gnome. Myope, sensible à la pleine clarté du jour, l'humour abstrait voire abscons, ce gnome est l’archétype de l'archiviste.

Metzli avait spontanément pris place aux côtés de Ravio, tout en contemplant le magnifique spectacle qui s'offrait à ses yeux. Elle avait toujours aimé les roses, pour leur apparence et leur odeur délicates, même si leur fragilité pouvait également la rendre quelque peu mélancolique. Elle avait hoché la tête et confirmé à Ravio qu'elle appréciait la compagnie de ces fleurs.

La jeune ensorceleuse se demandait pourquoi leur hôte les avait rappelés et si cela avait un rapport avec les changements qu'elle avait ressentis en elle-même au cours des derniers jours. Metzli avait éprouvé le sentiment d'un certain changement interne, comme si son corps était traversé d'une énergie nouvelle.

Certes, il n'était pas inhabituel qu'elle se découvre de nouvelles facultés : la toute jeune fille qui avait vécu ses premières aventures à Darromar puis, plus encore, à Tilverton s'était transformée en une puissante ensorceleuse qui maniait mieux la magie que la plupart des praticiens de l'Art. Mais, cette fois, c'était différent. Son ressenti était plus étrange, l'évolution plus profonde, comme si quelque chose de nouveau s'était éveillé en elle.

Après avoir passé un long moment à la Porte de Baldur, la jolie amnienne avait décidé de regagner sa terre natale pour interroger son père à ce sujet. Prenant la route du sud, elle s'était naturellement arrêtée à Bérégost, où elle avait fait halte chez le conjurateur Talanthyr qui était un ami de longue date de son géniteur. Elle avait part de son trouble au magicien qui l'avait accueillie dans sa demeure de la Haute Haie. Celui-ci lui avait fait part de ses suppositions : le plus plausible était qu'une partie de son héritage draconique ou féérique était en train de se manifester, le phénomène étant probablement renforcé par l'agitation que manifestaient les dragons. Moins probablement, il pouvait également s'agir d'une séquelle de son expédition dans la tombe de Masulk ou d'un désordre physiologique. Metzli s'était reposée quelques jours chez Talanthyr avant que son anneau se mette à bourdonner et la pousse à reprendre la Voie Côtière dans l'autre sens.

Arrivée à Triel, elle s'attendait à beaucoup de choses, mais pas à ce que Ravio évoque la Bataille des Ossements. Elle ne connaissait que trop bien les abords de cette région de sinistre mémoire : elle avait contribué à y vaincre les serviteurs d'un culte nécromantique, en compagnie des vaillants Arzhaelig, N'Djouma, Dalcaer et Malphax. Ainsi que de la malheureuse Gabrielle Percecoeur qui y avait laissé sa vie...

L'ensorceleuse répondit la première :

- Je connais cette région en effet. Je ne connais pas tous les détails de son histoire, mais j'ai gagné ses abords depuis Bulborp, en traversant le pont qui franchit la Gorge du Crâne.

Frissonnant au souvenir du combat qu'elle avait dû livrer sur le pont, elle ajouta :

- C'est une sinistre région, je n'y ai vu que mort et désolation. Des nécromanciens s'y étaient établis pour se livrer à de sinistres expériences sur de malheureux villageois et une liche trempait visiblement dans cette affaire. Mais, pire encore, nous avions été attaqués par des prêtres de Baine et leurs serviteurs morts-vivants. L'un d'entre eux avait même été en mesure d'invoquer un démon. Autant dire que nous l'avons échappé belle... ce qui ne fut malheureusement pas le cas de tous ceux qui nous accompagnaient ce jour-là...

La jeune fille se remémora les regards terrorisés des villageois qui mouraient alors qu'ils franchissaient le pont en feu. Certains avaient brûlé, d'autres étaient tombés dans le vide. Ca avait été une sombre journée et seule la bénédiction de Tymora avait, aux yeux de Metzli, permit à certains d'entre eux de survivre.

Après un long silence, elle ajouta encore :

- Désolée de rabâcher ces souvenirs, mais je voulais signaler que c'était une région dangereuse, très dangereuse, même pour un groupe bien équipé.

Elle se tourna vers compagnons, en attendant de pouvoir écouter leurs réactions. Elle se demandait où Ravio voulait en venir et pourquoi il leur parlait de cette étendue sinistre et dévastée.

Quelques heures de promenades le matin, et éventuellement un peu de chasse pour améliorer les repas. Des exercices physiques pour maintenir la souplesse de son vieux corps. Et de la méditation le reste du temps.
A la lisière d’un village, voilà ce qui occupait les journées de Virgile. Sa rencontre avec Masulk avait suffisamment nourrit ses réflexions pour qu’il ne reparte pas de suite à l’aventure. C’est pourquoi après avoir brièvement suivi Ravio à la Porte de Baldur, il avait prit congé de ses compagnons.

Sa retraite spirituelle n’avait pas été totalement vaine. Que ce soit le contact avec le sang de Phaerimm, ou bien une nouvelle expression de ses compétences physiques, le vieil homme avait senti naître en lui de nouvelles capacités de guérisons. Mais sa recherche spirituelle en revanche était toujours loin d’aboutir. Au contraire, chaque nouvelle rencontre apportait son lot de mystères et de questions qu’il avait du mal à intégrer dans l’équation du Grand Tout.
C’est pourquoi lorsque la bague qui lui avait été offerte le rappela à l’aventure, il se résigna à y aller.

¤ L’aventure, c’est juste un nom romantique pour « problèmes ».
Et quand on arrive pas a les résoudre, il faut les vivres. ¤

[…]

Virgile repéra rapidement les nouveaux quartiers de leur hôte et remarqua que Ravio avait opté pour un style plus floral que précédemment. Il avisa cependant la table entourée de coussins qui ne manquerai pas de servir de lieux de réunion et de collation. Il s’y dirigea donc et pris place dans gros coussin capitonné.

L’évocation de la Bataille des Ossement ne fit que peu d’écho dans la mémoire. Hormis l’hostilité notoire de la région, et les innombrables vestiges qu’un tel affrontement avait du laisser, rien de notable ne revint à l’esprit du vieil homme. Il ferma cependant les yeux pour se concentrer quelques instant et essayer de retrouver des informations qui pourraient leur être utiles.

Quatre chevauchées succédèrent les aventures du tombeau de l’oasis. Quand l’anneau offert s’était mis à vibrer, la nordienne n’hésita qu’à peine à l’appel du Gnome, une fois encore. Trois jours et trois nuits plus tard, parcourant plus de cent lieues sur les routes et les chemins forestiers du Nord au Sud, traversant des rivières, à vive allure, assise sur une selle, elle atteignit la bourgade de Triel en compagnie d’une célèbre compagnie marchande. Une fois sur place, elle débusqua le rideau de lumière là où les bourdonnements de l’anneau enchanté se faisaient plus intense. A l’aube, Ashura prit alors congé des cochers, des chariots et des attelages pour rejoindre sa destinée.

***

Après de courtes mais heureuses retrouvailles, la bretteuse suivit le pas dans le labyrinthe végétal. Avec le temps, les tours des magiciens et des ensorceleurs lui étaient devenus coutumier. Cependant, l’expérience lui avait aussi appris qu’il restait préférable de toujours se méfier des apparences. Alors, elle ne prit qu’à peine le temps de s’extasier devant les fleurs bariolées, se privant de grandes respirations pour attester des fringances fleuries. Connaissant certains aspects des arcanes magiques, Ashura se doutait que tous ces ornements étaient factices.

En réalité, à ce moment précis, la bretteuse était légèrement mal à l’aise suite aux premières informations émises par Ravio, regrettant presque tout ce chemin parcouru. Néanmoins, elle écouta attentivement et ne tarda pas à répondre à la suite de Metzli. La bretteuse lui lança un regard bienveillant.

- Vous êtes une femme brave. Surtout, si vous songez retourner là-bas…

Elle avait vu beaucoup de choses, en avait entendu plus encore.

- Je connais l’histoire de cette région, bien que j’avoue n’y avoir jamais mis les pieds. L’histoire d’un puissant seigneur de guerre gobelin venu du Cormyr, affrontant les forces de Baldur, Lunargent et Eauprofonde qui formèrent une alliance des peuples des hommes, des elfes et des nains. On parle d’une dizaine de milliers de morts qui gisent toujours sans sépultures, éparpillés dans les plaines rocheuses, peu à peu recouvert par les sables de l’Anauroch.

Elle émit une pause en posant ses yeux verts sur le Gnome savant. La bretteuse n’avait que faire d’impressionner son auditoire de ses connaissances, seulement à les mettre en garde. Dans le même temps, elle cherchait encore à savoir si le petit être voyait en eux des perdreaux à sacrifier pour compléter sa collection d’objets insolites.

- Ni une légende, ni un conte, reprit froidement la bretteuse. On dit qu’il y règne le chagrin et le deuil. Que les morts effroyables y sont légions, et continuent de parcourir ces terres en sifflant leur chant d'agonie, que c’est une province interdite où circulent des cortèges de fantômes toujours annonciateurs d’une guerre achevée il y a plusieurs décennies.

Les intentions de Ravio ayant été clarifié quelques chevauchées plus tôt, pourtant, Ashura avait toujours un peu de mal à discerner sa volonté. Tout ne semblait qu’un jeu à ses yeux.

- Bon, soupira-t-elle. Quel est le projet ?

e gnome regardait ses hôtes avec intérêt. L’érudition de la roublarde ne le surprit pas, pas moins que l’expérience de la belle Metzli, ou de la philosophie observatrice du moine. Les deux autres étaient un peu en retard, commencer la réunion les ferait arriver.

Ravio

- Je suis heureux que vous ayez entendu de telles horreurs sur ce lieu, qui sont à vrai dire pour la plupart exactes - sinon que ce n'est pas dix, mais quatre cent mille, le nombre d’âmes éteintes dans cette bataille. Aussi, vous apprécierez le fait que vous n'y irez pas là-bas. Ou du moins, pas entièrement. -------------------- Les années, sinon décennies, passées à fouiner dans les bibliothèques ne sont pas tout à fait étrangères à l'apparence du gnome. Myope, sensible à la pleine clarté du jour, l'humour abstrait voire abscons, ce gnome est l’archétype de l'archiviste.

Il déroula une carte détaillée de la vallée cerclée de montagnes devant lui, avant d’être interrompu par l’entrée de Sabetha et Ghaz.

Ravio

- Ah, très bien ! Très bien ! Nous parlions de ces guerriers éteints dans la Bataille des Ossements, il doit bien en rester quelques uns pour satisfaire cette lance, n'est-ce pas ? Prenez place ! - Le lieu d’intérêt est un jardin de roses, situé en entrée de cette vallée. La raison de sa présence et de sa persistance en cette zone désertique affole les théoriciens comme les aventuriers. Les faits sont que ce jardin est apparu quelques années après la bataille... et c'est ma foi tout ce que l'on sait. Le jardin se présente sous la forme d'un labyrinthe, qui a été cartographié... sauf en son centre... ce qui, vous l'aurez compris, affole une nouvelle fois le beau monde. -------------------- Les années, sinon décennies, passées à fouiner dans les bibliothèques ne sont pas tout à fait étrangères à l'apparence du gnome. Myope, sensible à la pleine clarté du jour, l'humour abstrait voire abscons, ce gnome est l’archétype de l'archiviste.

Il sortit une nouvelle carte, les allées du jardin de roses était représentées par de fin traits d'encre noire.

Cliquez ici pour dérouler le parchemin...

Ravio

- La mission est a priori simple : cartographier le centre. Mais vous vous doutez bien que si personne ne l'a encore fait, c'est qu'il y a une raison. Les roses émettent des phéromones particulièrement puissantes. -------------------- Les années, sinon décennies, passées à fouiner dans les bibliothèques ne sont pas tout à fait étrangères à l'apparence du gnome. Myope, sensible à la pleine clarté du jour, l'humour abstrait voire abscons, ce gnome est l’archétype de l'archiviste.

Il sourit. Intrigant, n'est-ce pas ?.

Quelques instants plus tard, les retrouvailles furent complètes. Ashura fut soulagée de retrouver Sabetha, elle lui rappelait la maison et son érudition amenait un sérieux soutien face aux périls à venir. Cette joie fut moindre concernant le sang-mêlé orque dont le caractère bourru n’avait d’égal que la force physique. Mais les survivants de la précédente expédition étaient à présent au complet.

¤ …Il va bientôt falloir nous trouver un nom de compagnie si cela devient une habitude… ¤

Elle étudia un moment la carte, les allées formant des festons et des intersections, à l’image d’une toile d’araignée octogonale. Sa main remonta sur un désordre de voies inextricables et tentait désespérément de trouver le chemin d’accès le plus court, mais le centre de la carte ne disposait d’aucune entrée.

- C’est difficile de penser que la configuration de ce labyrinthe soit naturelle. Vous avez plus d’indication sur son origine ? Ce maelstrom est-il immuable ou changeant ? Et je suis étonnée de ne voir aucune indication dessinée sur la carte, doit-on en conclure que les précédents explorateurs n’y ont trouvés que des allées, de la terre et des roses ? Ont-ils essayés de se frayer un chemin au travers ? Par le feu ou… à l’aide de procédés druidiques… ?

Comme à son habitude, elle évoquait ses interrogations d’une voix neutre.
Si la zone avait été abandonnées, classée irrécupérable par plusieurs successions d’expéditions, la bretteuse ne voyait pas bien ce qu’elle pouvait y faire. Surprise, même, qu’aucun n’ait songé à une destruction massive.

- Ces espèces végétales doivent être fort robustes pour survivre dans cet environnement. Que pouvez-vous nous dire de plus sur ces fameuses roses ? Déjà, il y en a de plusieurs sortes ? Une période de floraison particulière ? Des maux rapportés par les différents explorateurs ? Les phéromones… cela doit avoir un lien avec un parfum particulier…

Les dernières décades avaient été aussi enivrantes que harassantes. Après les aventures dans les Marches, la magicienne ne s'attendait pas à passer aussi prêt du trépas aussi vite.

Elle n'avait pas accompagné les autres aux Halls des Merveilles, non. Contre toute attente, elle était partie avec Masulk et, le temps manquant, elle avait envoyé une missive à Lunargent pour rassurer sa famille. Bien sûr, cela n'avait pas suffit. Ne voyant pas revenir sa tendre, Silys avait commencer à bouillir d'angoisse et, voyant la détresse de sa mère, Eliza était passée à l'action. Avec l'aide de son rôdeur de mentor, elle avait retrouvée Ashura aux confins des Marches pour lui demander où était Sabetha.

Mais, évidemment, la bretteuse n'en savait pas plus.

Ce n'est que l'impromptu visite d'un maître du Collège qui rassura temporairement la Maison du Moulin. Bien entendu, si ils avaient sût la vérité, il en aurait été tout autre.

Suivant Masulk et découvrant la véritable essence du Feu, Sabetha avait traversé le continent à la chasse aux dragons depuis qu'elle avait quitté Ravio et les autres. Parfois ils s'agissait réellement de chasse, mais les dragons pouvaient aussi être des alliés. C'est ainsi que, quelques jours seulement avant que l'anneau ne se mette à vibrer, elle arriva au Monastère de la Rose Jaune en compagnie du Vizar ressuscité. Là, caché dans les archives elle aidait de son mieux Kara, le Dragon-Barde, à décrypter l'antique sortilège d'Apaisement de la Rage, et malgré toute son intelligence et l'aide de la draconique savante, peinait elle même à en saisir toute la complexité. Lorsque l'anneau commença à vibrer, elle commença par l'enlever, trop distrayant, avant de le remettre une fois que, enfin, elle fut en mesure de lancer le bienvenue sortilège.

Malgré les doutes qu'elle portait toujours envers Ravio et ses objectifs - elle était trop habituée aux manœuvres politico-théurgiques pour s'y fier trop facilement - elle devait bien admettre que la résurrection de Masulk allait largement dans le sens de ses propres objectifs de recherche du bien commun. Et un peu de la puissance, certes, mais c'était toujours utile.

De Damara elle rejoint Valbataille avec les moines, avant de descendre seule, vers le Cormyr. Passant dans les marches défendues par sa famille, respectueusement saluée par les patrouilles Pourpres qui contrôlaient la frontière, elle hésita quelques instants à descendre jusqu'au château. Mais en la situation, il y avait plus urgent : si Ravio avait une autre quête menant à un allié aussi important, elle ne pouvait guère le faire attendre. Prenant l'unique copie du sortilège qu'elle avait en sa possession et apposant le sceau des Sarrière sur le cire d'une missive, elle demanda aux soldats de diligenter une estafette vers Castel-Chêne afin que son père puisse transmettre l'arcane aux Mages de Guerre. Puis, elle continua vers l'Anauroch, se rapprochant du monastère où, des années plus tôt, l'on avait temporairement enfermée sa fille avant qu'elle ne la fasse acrobatiquement sortir.

C'est le visage brûlé par le soleil sur la neige du Damara et buriné par le voyage qu'elle arriva en même temps que Ghaz dans la tente de Ravio. Le barbare ne pouvait manquer le changement dans ses yeux : celui qu'on avait après avoir frôlé un gibier trop gros pour soi et s'en être échappé avec un peu plus d'humilité, et plus d'instinct revanchard.

Mais cela, elle n'en partagea rien pour le moment à ses compagnons. Elle salua l'assemblée d'un sourire las avant de jeter un oeil sur le plan en écoutant Ravio. Avant même de réfléchir aux implications de la situation, elle demanda :

- Malgré toute l'affection que j'ai pour les roses, j'imagine qu'un grand incendie répandra plus de phéromones qu'autre chose, n'est ce pas ?

Le vieux moine vit arriver la magicienne et le demi-orc sans surprise. Après tout, ils avaient réalisé l’objectif précédent en un temps réduit, sans trop de dommages, et finalement sans poser outre-mesure de questions. Pourquoi Ravio prendrait-il le risque de recruter une autre équipe ?
Il avait juste intérêt à compléter le groupe avec un nouveau membre avec des qualités spécifiques requises par son nouvel objectif. Mais cela ne semblait pas le cas actuellement.

Virgile sourit à ses compagnons, mais ne se montra pas exagérément amical. Nul doute que  Ghaz l’aurait mal interprété. Et Sabetha semblait avoir lié des liens plus étroits avec les autres femmes qu’avec lui, et il ne tenait pas à modifier l’équilibre qui semblait s’être crée dans ce groupe hétérogène.


Alors qu’Ashura énumérait les dangers potentiels de la région, le vieil homme se rappela avec inquiétude de leur rencontre avec les alips. La nature des fantômes semblait proche de celle de ces créatures éthérées, et il craignait de se retrouver à nouveau pris au dépourvu face à elles. Il espérait secrètement que Ravio avait agrémenté le contenu de sa malle pour y trouver de quoi contrer de telles créatures.

Quand le gnome exhiba la carte du labyrinthe, Virgile fut perplexe.

- La carte, si elle est juste, semble complexe et pourtant complète. Nul doute que la réaliser à prit du temps, en plus de l’obstacle des phéromones. Il est donc curieux que les précédents explorateurs n’ait pas essayé ou réussi à atteindre le centre. Un changement récent vous laisse-t-il penser que nous avons plus de chance de réussir ?
Savez vous si cette ce plan a été réalisé en parcourant vraiment le labyrinthe, ou simplement en le survolant ? A moins que les travées de roses soient couvertes ?

Pour l’instant, aucune idée utile ne lui venait.

C'était avec un sourire que Metzli avait accueilli Sabetha. Elle avait apprécié son intelligence, sa grande culture et son efficacité au combat, en plus de son caractère sympathique et bienveillant. Sa réaction avait été plus nuancée lorsque Ghaz avait fait son entrée : au vu de son attitude impassible et distante lors de leur précédente expédition, elle s'était imaginée qu'elle ne le reverrait pas.

¤ Il faut croire qu'il a finalement trouvé ce qu'il cherchait avec nous... qu'il s'agisse d'or, de combats, d'aventure ou de toute autre chose... ¤

Le demi-orque la laissait toujours aussi perplexe, mais il ne faisait nul doute que sa force pourrait s'avérer utile.

Comme ses compagnons, l'ensorceleuse avait écouté les propos de Ravio et étudié le plan qu'il leur avait présenté. Immédiatement, son imagination fertile avait imaginé plusieurs plans fantasques, allant du vaisseau volant à l'utilisation d'une sphère d'isolement permettant de traverser les roses sans être affectée par les phéromones.

¤ Ou alors demander à Masulk de retransformer Ashura et Sabetha en golems... ¤

Un petit sourire s'était affiché sur son visage à cette pensée : la solution était inenvisageable et Metzli s'amusait d'y avoir pensé en se remémorant l'inquiétude qui l'avait gagnée lorsque la transformation s'était opérée.


Tous ses compagnons, à l'exception de Ghaz, avaient posé d'excellentes questions : à vrai dire, c'était à peu de choses près celles qu'elle se posait elle-même. Laissant aux autres le soin de guider les questions, elle essaya de se remémorer tout ce qui pour lui être utile.

Malgré ses efforts, elle ne put retrouver aucun élément utile quant à l'histoire de la région. Dalcaer et Arzhaelig avaient évoqué plus d'une fois l'histoire de la bataille et les morts-vivants qui "peuplaient" la région, mais rien de rien au sujet de ce jardin.

Les roses elles-mêmes ne pouvaient être magiques, elle en était sûre. Il devait s'agir de plantes naturelles et quelques espèces de roses aux propriétés particulières lui revirent en mémoire, comme la Rose des Pommettes de Ruby dont sa mère s'était semble-t-il servie pour amuser son père lors de l'une de leurs premières rencontres.

Elle se risqua finalement à poser quelques questions à Ravio :

- Et qu'espérez-vous découvrir à cet endroit ? J'imagine que ce lieu ne vous intéresse par simple volonté d'explorer un espace inconnu comme il en existe tant d'autres ici comme sur d'autres plans… A-t-on une idée précise des méthodes testées jusqu'à présent, que nous puissions les éliminer ? Le feu et le vol ont été évoqués... Qu'en serait-il de sorts de froid ? Ou de l'utilisation d'une créature artificielle ?

Alors que s’accumulait les années à côtoyer d’autres races, essentiellement des hommes, tour à tour mercenaire, épée à louer, combattant embarqué. Ghaz Arghur avait appris à gouter aux honneurs et quand le Gnome bibeloteur vint le chercher pour clore l’expédition, ce dernier lui soumit une proposition d’alliance. Le barbare dut reconnaitre qu’il appartenait à cette classe de gens dont le courage n’égalait que la force et qu’en cette occasion, malgré une forte concurrence d’aventuriers qui ne le valaient pas, il était invité à réitérer ses exploits dans un avenir proche.

Le barbare accepta, mais n’était pas impatient, ni n’avait pris le gout fiévreux des aventures, et n’avait dans le cœur tout juste assez de loyauté pour trahir fidèlement sa patrie au compte du guerrier que le payerait. Mais pour les gens de sa trempe, tous les emplois offraient autant de dangers que de profits. Il accepta, en rappelant néanmoins à Ravio qu’il chérissait sa liberté, qu’il ne connaissait pas le deuil et haïssait ceux qui prenaient plaisir à vivre sous une tutelle volontaire. Le barbare rangea l’anneau dans une poche et oublia presque son existence jusqu’à ce que l’artefact enchanté se mette à vibrer…


Quatre chevauchée plus tard, Ghaz Arghur suivit les indications tacites de l’anneau jusqu’à ce retrouver dans une petite bourgade puis sur la présence familière de crin de feu. Une vie d’homme s’écoulait différemment pour ceux dont les veines regorgeaient de sang Orque. Le guerrier ne prêtait pas une grande attention aux altérations physiques et ce genre de détails en général, mais il trouva la cracheuse de sorts légèrement changée. N’échangeant que quelques mots, il n’eut qu’à la suivre pour rejoindre l’entrée de la tente enchantée.

A l’intérieur, il fut jura d’un grognement, surpris que le salon ait laissé place au jardin de Ravio, mais n’en montra rien. Il ne gratifia ses coéquipiers que d’un léger coup d’œil, un hochement de tête aux plus insistants. Le guerrier dépassait les arbustes de la roseraie d’une bonne tête, vêtu de son équipement habituel, une lance d’albâtre, son barda et son plastron en acier orné de nouvelles ébréchures.

Quand le Gnome lui envoya une remarque sur la satisfaction, il répondit d’un souffle rauque et plaintif :

- Un jardin. Et tu m’envoies encore combattre des fantômes.

Les quatre aventuriers aux bras maigres se mirent ensuite à harceler le petit être de questions, le guerrier attendit silencieusement en jetant un bref regard vers la carte complexe du labyrinthe.