Arcs I,II: Sur le port, et Le départ !, Let this ship set sail!

Perché dans la mâture, Jakelm aidait à la manœuvre, obéissant sans hésitation aux ordres de Granit, le bosco. Le gamin n'avait pas tardé à comprendre son erreur initiale lorsqu'il avait attribué cette fonction à Serana, cette dernière étant de toute évidence le second du bâtiment. Le poids plume du mousse l'avait désigné d'office pour se trouver tout à l'extrémité de la grand-vergue, dénouant les rabans afin de larguer les voiles. Ses pieds nus solidement posés sur les cordages, le garçon était parfaitement à son aise et savait exactement ce qu'il avait à faire tant sa formation de gabier à bord du Souffle du Rorqual avait été poussée. Vêtu seulement de sa culotte de toile, il sentait la douce chaleur du soleil lui caresser les épaules tandis que le vent lui fouettait le visage.

Le Protecteur fendait les flots, ravi apparemment de reprendre du service, et embruns projetés volaient haut, jusqu'à atteindre par moment les marins placés dans les gréements. Au milieu de tout cela, Tijak arborait un large sourire et abattait largement sa part de travail. Certes, l'enfant était moins robuste que ses camarades de bord et aurait certainement besoin d'un temps plus long de récupération mais, pour le moment, il se donnait à fond, haletant sous l'effort et contractant ses muscles pour que la toile ne se déroulât pas trop vite.

Il serait bien temps, après le départ, de regagner le poste avant où le mousse avait pu tendre son hamac auprès de ceux des membres d'équipage et laisser le coffre contenant ses maigres possessions. Parmi ces dernières, il n'était pas peu fier du nouvel uniforme, pour le moment soigneusement plié, qu'il avait acquis peu de temps avant leur départ. Choisi avec soin sous l’œil critique de la semi-dragonne, il alliait robustesse, élégance et confort. Son gilet bleu nuit, discrètement rehaussé par un fin liseré d'or et par des étoiles au niveau du col, était passé par les mains expertes d'Hermine, constituant ainsi un cadeau inespéré pour l'enfant, lequel entendait bien s'en montrer digne.

Pour le moment, l'heure était à la manœuvre d'appareillage et Jakhelm observait, du coin de l’œil, les silhouettes d'Arzhaelig et de Serana, capitaine et second, côte à côte à l'avant du navire. Incongrue dans le rugissement du vent, une petite musique aigrelette se mit à accompagner un léger changement de cap alors que les voiles se gonflaient subitement. Les éléments, semblant obéir aux ordres de la flûte, propulsaient le bâtiment dans sa course vers le grand large.

Grisé par le sursaut de vitesse qui faisait voler ses cheveux rebelles, Tijak poussa un hurlement où joie et d'excitation se mêlaient, s'attirant les regards amusés des différents adultes :

- Yipeee !!! Vers l'infini et au-delà...

Slogan tellement percutant qu'il serait certainement copié et repris par d'autres dans les différents univers connus et à découvrir...

« amais, de mémoire de marin, on n'avait vu un navire filer aussi vite sur l'onde.
Dansant gaiement au son de la flûte de Plume, le vent permit au bateau de s'éloigner des voies de navigation habituelles des bâtiments de commerce qui quittaient Eauprofonde. Ses voiles gonflées par les vents, Le Protecteur fendait les vagues de la Mer des Épées, pour se diriger à vive allure vers la zone de décollage que les aventuriers avaient définie.

L'équipage n'en croyait pas sa chance de profiter ainsi de la bénédiction d'Akadie et de Valkur. Serana, elle, savait que la chance résidait tout autant dans la mystérieuse magie de leur capitaine.
S'activant tant des les gréements que sur le pont, l'équipage s'attela toute la journée à la manœuvre, sous la houlette attentive de la demie-dragonne et de son bosco, Granit. Tant et si bien qu'avec plusieurs heures d'avance, ils arrivèrent aux coordonnées voulues. Ils avaient prévu d'y arriver qu'en milieu de nuit, mais celle-ci était encore toute jeune lorsque tout fut prêt ...


Pont inférieur - Salle du Timon
Arzhaelig

Le moment était venu.
Un mois durant, Sirène avait étudié le mystérieux trône sous tous les angles. Même ainsi, elle n'avait pas levé le voile sur tous ses mystères. Cependant, elle en savait assez pour comprendre la plus grande partie de ses pouvoirs. En particulier, elle était capable de mener le rituel permettant de lier l'artefact à un navire. Par précaution, et puisque celui-ci était relativement rapide, elle avait préféré attendre d'être prête à décoller pour le mener.

Arzhaelig, toujours intéressé par les mystères magiques, avait tenu à y assister. Tout en chuchotant pour rester concentrée sur le rituel, son amie lui expliquait les tenants et aboutissants de la procédure.

Deux hexagrammes avaient été tracés à l'aide de matériaux spécialement préparés. Le premier, d'à peine deux pieds de diamètre, accueillait l'un après l'autre quelques éléments du bateau : un fragment de cordage, un morceau de voile, une écharde de l'âme du bateau, le plus vieux clou de sa coque. De par la loi de contagion magique, ces liens matériels représentaient le Protecteur dans son entiereté.

Redirigées par la psalmodie mystique, les énergies magiques s'écoulaient du premier cercle vers le second. Plus large, celui-ci entourait le Timon. À l'issue du rituel, le pilote qui prendrait place sur le trône deviendrait capable d'étendre ses perceptions à tout le navire, pouvant ainsi le faire voler par la pensée. Pour un prix ...

Le rituel en passe de se terminer, tout en laissant poindre une certaine méfiance, Sirène s'assit sur le Timon.

Hermine

- Avant, aяяièяe, bâboяd, tяibord, haut, bas, chuchota-t-elle en fermant les yeux. « Six diяections. Deux hexagяammes, trois espяits qui ne deviennent qu'un, en libeяté totale au sein de la sphère ... D'un instant à l'autяe, nous ... » -------------------- Métis humaine de taille légèrement supérieure à la moyenne, Hermine a la peau sombre et des yeux d'un vert profond.

Elle n'eut jamais l'occasion de terminer sa phrase.


Pont inférieur - Quartiers de l'équipage
Serana

Après leur première journée de labeur, la plus grande partie de l'équipage était réunie dans ses quartiers. Compte tenu de l'aspect unique de l'expédition dans laquelle ses membres s'étaient embarqués, l'ambiance était relativement bonne. Au cours de la soirée, Serana avait eu un peu de temps pour faire plus ample connaissance avec son équipage. Une chance supérieure à la moyenne au jeu et une ou deux démonstrations de force semblaient lui avoir assuré le respect de ses hommes.
Sous la surveillance vigilante de leur officier, certains marins jouaient maintenant aux cartes ou aux dés, tandis que la plupart se reposaient dans leur couchage. Deux d'entre eux avaient sorti qui un accordéon hors d'âge, qui un crin-crin pourri, et un troisième poussait une chansonnette heureusement relativement discrète.

Soudain, l'enfer se déchaîna.


Gréements - Vigie

Comme tous les membres de son peuple, Eroan avait entamé il y a quelques mois sa Marche aux Quatre Vents, afin d'acquérir connaissances et expérience, avant d'être en âge de savoir voler et devenir un véritable guerrier. Pour le jeune raptoran, son rite d'initiation avait pris un tour inattendu lorsqu'il s'était engagé sur ce navire. Inattendu, mais pas indésirable, car cette opportunité lui permettrait apparemment de voler plus haut dans les cieux que ne l'avait jamais fait aucun raptoran. En conséquence, il prenait son poste de vigie avec le plus grand sérieux, scrutant l'horizon avec ses yeux de rapace qui ne cillaient pratiquement pas.

La nuit venait de tomber. La fin de journée s'était avérée grise et maussade. Voilà une petite heure, le brouillard s'était levé, devenant rapidement de plus en plus épais. En plus, à en juger par le tonnerre qui grondait et les quelques éclairs dont la luminosité perçait les lourds nuages, l'orage couvait. Néanmoins il restait là, perché en haut du plus haut mât, observant en silence, emmitouflé dans un plaid.

Soudain, il se redressa. Qu'avait-il vu, ou cru voir, au loin ?
C'était difficile à dire, avec le brouillard. Ses yeux exceptionnels devinaient les contours d'une petite île isolée, au loin. Un instant, il avait cru y discerner une silhouette humaine. Mais avec la distance, même avec sa vue, c'était impossible ! Perdu, il laissa son regard dériver un instant en contrebas, vers le pont supérieur ...

... Et son sang se glaça.

Pont supérieur
Jakelm

Toute la journée, le jeune Jakelm avait effectivement accompli plus que sa part de travail. L'enthousiasme de sa jeunesse, alliée au désir de faire ses preuves, lui avait permis de faire excellente impression sur les marins du pont. Tout fier dans son nouvel uniforme, le jeune Thétyrien avait aidé à hisser les voiles, enroulé et déroulé un nombre inombrables d'amarres et même fait étinceler une partie du pont.

Vautré dans une meule de cordage, il avait depuis longtemps oublié les monstres géants de la carte de Vibhishana. Maintenant, il profitait simplement de ce début de soirée, admirant le firmament, se demandant avec une curiosité et une impatience toute enfantine s'il lui serait vraiment possible de tutoyer les étoiles tout là-haut, et si c'était pour bientôt, et si ...

Soudain, au dessus de lui, un cri retentissant déchira la nuit :

Eroan

- Aleeerte ! Des géants !!! -------------------- Cet humanoïde gracile aux ailes de plumes est la vigie du Protecteur. La panique se lit dans sa voix. À juste titre !

Tous


Arzhaelig, Force: 15(d20) + 1 = 16 vs DD15 ... Réussite: reste debout.
Serana, Force: 19(d20) + 5 = 24 vs DD15 ... Réussite: reste debout et peut se déplacer sans problème.
Metzli, Force: 12(d20) - 1 = 11 vs DD15 ... Échec: projetée à terre (aucun dommage).
Jakelm, Hermine : déjà assis.
Les PNJ restants, Force : Échec automatique (#flemme #handwavednpc): considérés à terre.

Attaquant le Protecteur par le dessous, un immense géant mauve jaillit des eaux, la barbre ruisselante. Il se saisit de l'avant du navire et, d'un prodigieux coup d'épaule enchainé d'un coup de poing qui emporta un morceau du gaillard avant, l'envoya valdinguer un peu plus loin. Enfin, un peu plus loin ... pour le géant, qui était en train de dégainer une épée d'une taille à sa mesure : géante. À bord de ce qui semblait réduit à une coquille de noix, les simples membres de l'équipage d'une taille parfaitement normale furent, eux, paniqués et brinquebalés dans tous les sens. Qu'ils soient sur le pont supérieur ou dans les sections inférieures du bateau, la plupart de ceux qui étaient encore debout furent mis à terre. Plusieurs dormeurs furent jetés à bas de leur couchage, étourdis autant par le choc que par le réveil brutal, tandis qu'un peu partout dans le navire, de nombreux objets les suivaient dans leur chute, produisant un fracas monstre. Fidèles à leur stature d'officiers de commande, seuls Serana et Arzhaelig restèrent solides sur leurs jambes, rares éléments stables au milieu du chaos soudain ; mais, bien qu'ils aient pu entendre le cri d'alarme d'Eroan, depuis l'intérieur du navire, il n'avaient qu'une vague idée de ce qui arrivait. Tout ce qu'ils sentaient, c'était que le Protecteur, emporté par son élan, tanguait, tournait sur lui-même autour de l'axe de son mat, tendant à propulser hommes et objets contre chacun des murs, l'un après l'autre, comme s'ils se trouvaient tous prisonniers des entrailles d'une toupie géante.

Dans une telle situation, qu'allaient bien pouvoir faire nos aventuriers ?



Ce message a été modifié par Hermine le Dimanche 09 Décembre 2018 à 07h34

À l'excitation et l'activité intense du départ avait succédé une phase de routine bien ennuyeuse et Tijak rêvassait sur le pont, affalé au cœur d'un cordage soigneusement lové dont il avait fait une couchette improvisée. Le gamin avait hâte d'assister à l'envol de leur vaisseau, événement qui, à n'en pas douter, allait rompre la monotonie de leur navigation.

Pour le moment, il appréciait simplement ce moment de calme, laissant son regard courir sur les étoiles qui commençait à poindre et se demandant intérieurement sur ce qui pouvait bien s'y passer. Se pouvait-il que sur l'une d'entre elle, un jeune mousse lève également les yeux vers le ciel et se pose les mêmes questions ? Ne serait-ce que pour essayer de rencontrer cet alter-ego, Jakelm était impatient de s'élancer à la rencontre de Sélune.

Mais, pour le moment, il n'y avait rien à faire sinon flemmarder et le jeune garçon en venait presque à regretter que le voyage fût si calme. Alors qu'il se faisait cette réflexion, le cri strident de la vigie se fit entendre et il se sentit brusquement ballotter dans tout ses sens, perdant pour quelques secondes tout sens de l'orientation. Son corps décolla même sous l'effet du choc et retomba au milieu des cordages dans lesquels il s'empêtra partiellement.

Le temps de retrouver son souffle, le mousse se redressa et repoussa les amarres qui tendaient d'entraver ses mouvements. Instinctivement, ses réflexes de (jeune) marin prenaient le dessus, le faisant agir et empêchant, dans un premier temps, la peur de le paralyser. Ce qu'il vit alors lui glaça le sang, un géant, de la taille d'une véritable montagne, se jouait du Protecteur comme si ce dernier n'était qu'une vulgaire coquille de noix. Pire encore, il semblait bien que d'autres créatures, semblables à lui, convergent vers eux.

Vite, il fallait informer le capitaine de ce danger. Lui, il saurait quoi faire face à cette menace bien que Tijak ne voit pas trop comment combattre de tels monstres. La fuite, si elle était encore possible, semblait être la meilleure solution.

Bondissant sur ses pieds en tendant de garder son équilibre, le mousse essayait d'apprivoiser la trajectoire désordonnée du navire.

- Eoran, hurla-t-il à l'attention de la vigie. C'est quoi qui y'a encore derrière ?

Sans vraiment attendre de réponse, le gamin s'élança en souplesse sur le pont, disparaissant par l'écoutille la plus proche vers le pont inférieur, surgissant dans le quartier de l'équipage.

- Alerte, des géants, cria-t-il en arrivant. Puis, remarquant la présence de Serana, il ajouta très vite : "Lieut'nant, y'a un géant tout violet qui nous a frappé. J'crois bien qu'y'en a d'autre derrière. J'vais prév'nir le cap'tain...

Utilisant les mouvements chaotiques du bateau pour avancer, rebondissant avec vivacité sur les cloisons pour aller de l'avant, Jakelm poursuivit sa course folle, s'engouffrant dans la coursive la plus proche pour rejoindre la salle du Timon et y faire son rapport.

Utilisation des compétences Agilité et Profession (marin) pour éviter de faire tout ce trajet en glissant sur le ventre...

Arzhaelig s’était confondu en excuses d’avoir écorché le nom de Serana, se justifiant comme il le pouvait en parlant de la sérénade qu’il se plairait de faire en l’honneur de la demi-dragonne, préférant ne pas se perdre dans ce qui arracha un frisson au barde. Le moindre sous-entendu sous les Royaumes Lointains faisait froid dans les dos. Il avait ri de son jeu sur l’écorchement de son nom, concluant d’un « Capitaine Plume, c’est plus facile n’est-ce pas ? » en faisant tourner sa main comme une plume dans le vent.

Il s’était ensuite enfoncé dans le Cœur du Protecteur, hors de question qu’il rata une démonstration de magie aussi exceptionnelle, il vivait un moment unique et en avait parfaitement conscience. S’il devait arriver malheur à son amie, qui d’autre que lui pourrait prendre sa place sur le Timon ?

Les Mages qui s’associaient à un navire réalisait un rituel proche mais aucun n’était aussi ... définitif.


Quand le navire fut saisi par le Géant, Arzhaelig crut d’abord que le rituel avait raté ou qu’Hermine n’avait pas si bien maitrisé le principe du Timon qu’elle ne l’avait cru. Après tout, elle en était à son coup d’essai, aussi préparée qu’elle ait pu l’être, puis il comprit qu’il n’en était rien et s’élança vers le pont supérieur en lui lançant : « Je ne sais pas ce que c’est mais si tu peux nous sortir de là, n’hésite pas ! »

A mi-course, il vit apparaitre Jakelm qui le replaça instantanément au centre de ses responsabilités. Il était le capitaine de ce navire, tout ce qui arriverait à son équipage serait de sa responsabilité. La vie de ce gamin, tant qu’il serait à bord, était de sa responsabilité.

Arzhaelig sentait la colère bouillonner en lui, de cette colère qui lui avait couté la main quand il avait préféré ne pas se soucier des conséquences pour détruire la Comtesse et son sbire en utilisant un artefact d’une puissance qui le dépassait par bien trop. La colère montait dans sa gorge et, tandis qu’il prenait pied sur le pont, s’agrippant à chaque prise pour ne pas quitter le navire lui aussi, il l’évacua dans un hurlement puissant à l’attention de l’agresseur. Lui, le joueur de flute, était capable de crier et ses paroles étaient terribles pour quiconque était capable de comprendre la langue des Géants. Le géant était bien trop loin pour qu’il puisse utiliser contre lui la majorité de ses sorts mais ça ne l’empêcherait pas d’être vu et entendu par celui qui les prenait pour un jouet.

Ses gants de velours noirs l’auréolèrent soudain de lumière pour qu’il le voit, lui.

[Géant] - Fils d’Annam ! Il suffit ! Qui crois-tu affronter ici ? Nous sommes les Chevaucheurs d’Etoiles, tu n’as aucun droit sur nous !

Fort heureusement, l’ordre régnait sous les directives de Granit qui avait affronté nombre de tempêtes. Chaque objet était arrimé, des filins à chaque emplacement-clé permettaient de faire face à l’urgence et éviter de passer par-dessus bord. Même avant de considérer le ciel et l’espace derrière, il est certains lieux où tomber à la mer ne dure qu’un instant avant qu’elle ne se referme sous les traits d’un Sahuaguin, d’un Orque ou d’une autre créature marine. L’équipage avait été majoritairement surpris, malgré le cri du Raptoran, il faudrait en faire le compte dès que l’enfer les aurait recraché... et s’attendre à ce que certains n’arrivent jamais à destination.

- Préparez-vous s’il ne retrouve pas la raison ! Les Etoiles nous appellent, pas la lame d’un Géant qui nous prend pour un autre ! Aux balistes pour quiconque sait s’en servir, que tous ceux qui ont du Pouvoir le prépare mais aucune agression avant notre signal !

Elle était entrain de jouer aux cartes quand soudain le bateau avait fait une embardée monstrueuse. Et comme d'habitude, c'était moins ses réflexes qu'une éruption de colère instantanée qui la sauva. Alors que le navire basculait elle planta ses griffes dans le bois de la coque et y laissa cinq longs sillons. De son autre main, elle rattrapa Granit par l'épaule et exhala un grognement de douleur. Le goliath pesait son poids malgré tout.

- Du nerf garçon !, cria t'elle en le remettant debout avant de retomber elle même sur ses pieds au moment où Jakelm déboulait dans la cale, Tu sais ce que t'as à faire ! Restez prêt de la coque et arrimés vous ! Et que ça ne vous empêche pas de charger ces balistes ! C'est pas un géant qui empêchera notre navire de voler les gars !

La demie-dragonne récupéra son arc qui avait valdingué un peu plus loin avant de continuer. Elle se rua vers l'escalier menant vers le pont au son d'un cri de courage de rigueur entonné par les marins, juste derrière Arzhaelig. Elle se demandait si Tijak allait les suivre. Elle le redoutait, mais après tout, il n'était pas son fils. Le navire suivait un tangage étrange, et n'ayant que peu de foi en ses capacités d'acrobate, elle gravissait les degrés en mettant de grand coups de griffes dans les parois. Le bateau était désormais baptisé. Quand elle posa un pied sur le pont, elle entendit son capitaine hurler dans une langue qu'elle ne connaissait pas. Elle se maudissait toujours de parler cinq langues et qu'aucune ne lui serve la plupart du temps...

Son arc en main, elle s'arrêta juste à côté d'Arzhaelig. Alors qu'il lançait ses ordres, elle murmura pour elle même.

- Puisse le Chevaucheur m'accorder son égide...

Le rassurant manteau scintillant l'entoura immédiatement alors qu'elle relevait la tête pour fixer le géant. Elle commença par s'adresser à son compagnon.

- Ne laisse pas l'empathie t'aveugler, Capitaine, tempétueux ou non, la colère gagne tout les êtres.

Elle se retourna ensuite et cria à l'équipage.

- Tout les autres, prenez bouts et cordes, accrochez vous, vous et vos voisins aux mats et bastingages ! Soit on décolle, soit on va faire un câlin au géant, et ils font rarement dans la dentelle !

Serana lance "bouclier de la foi" sur elle même.

Metzli s'était installée aussi confortablement que possible dans le navire qui constituerait son domicile pour les prochaines semaines. Elle avait passé autant de temps que possible sur le pont, car elle appréciait toujours autant la fraîcheur de l'air marin qui lui rappelait le quartier du port d'Athkatla.

A son grand regret, elle n'avait guère eu l'occasion de discuter avec Arzhaelig ou de faire plus ample connaissance avec Serana, Hermine ou le jeune Jakelm qui étaient tous très occupés à manœuvrer le navire. N'ayant aucune connaissance maritime particulière, la jeune femme s'était installée, observait l'horizon et avait sympathisé avec un cartographe au teint basané du nom de Vibishana qui, lui aussi, scrutait l'horizon pour prendre les mesures nécessaires à l'élaboration de ses cartes.

Installée dans sa couchette, elle discutait avec lui lorsque le navire avait subi une terrible secousse qui l'avait projetée à terre ainsi que la plupart de ses compagnons. Très inquiète, elle tenta de se relever péniblement en entendant toutes de sortes de cris : l'annonce d'une attaque de géant puis les ordres d'Arzhaelig et Serana. Elle se tourna vers son compagnon le plus proche et lui intima :

- Vibishana, tiens-toi prêt à soigner les blessés au plus vite, mais pas d'imprudence! Et arrime-toi!

L'ensorceleuse ne suivit pas ses premières recommandations et tenta de gagner le pont supérieur à la suite de Serana. Que pourrait-elle bien faire là-haut? Elle ne le savait pas elle-même mais son cœur lui disait d'agir. Une fois en haut, peut-être pourrait-elle projeter une boule de feu ou une volée de projectiles magiques, si les propos de leur capitaine ne suffisaient pas à arrêter la course du géant. La première solution semblait cependant bien dangereuse et risquait de faire s'enflammer leur vaisseau, tandis que la seconde paraissait bien dérisoire face à une telle créature.

"Si tu ne vas pas au Cap'tain, le Cap'tin viendra à toi." C'est ce que dû se dire Jakelm en voyant Arzhaelig arriver vers lui. Rapidement, le mousse s'avança vers le barde pour lui faire un compte-rendu, aussi précis que possible, de ce qu'il avait vu sur le pont. Le récit était précipité et haché par le débit saccadé du gamin. Il en résultait qu'une espèce de grand machin, tout violet, était sorti brusquement de l'eau pour leur flanquer un coup de point et que, maintenant, le-dit grand machin brandissait une épée aussi grande que lui. De plus, il semblait bien que d'autres grands machins arrivent aussi pour lui donner un coup de main.

Les intonations de Tijak trahissaient nettement une certaine excitation devant cette situation inhabituelle mais aucune peur panique n'était perceptible. Le garçon faisait entièrement confiance en ses aînés pour sortir le bateau de là et il attendait, sereinement, des instructions de Plume. Un peu désappointé de voir l'homme filer sur le pont sans lui laisser la moindre consigne, le jeune adolescent marqua un temps d'arrêt en le regardant s'éloigner.

¤Mince, mais j'fais quoi, moi, maint'nant¤, se demanda-t-il perplexe. ¤J'le suis ou j'file voir m'dame Hermine pour lui dire ?¤

En une fraction de seconde, la décision fut prise et Jakelm poursuivit sa course dans les entrailles du navire pour gagner, le plus rapide possible, la salle du Timon. Déboulant comme une bombe dans la pièce, il avisa Hermine encore assise sur le trône, semblant se concentrer pour ne pas perdre le fil de l'enchantement. L'énergie magique émanant du Timon faisait vibrer l'air de façon imperceptible mais suffisante pour impressionner un gamin comme Tijak.

- Euh, M'dame Hermine, s'annonça l'enfant, hésitant à déranger l'adulte devant lui. On s'fait attaquer par une espèce d'géant barbu, tout mauve, qu'est sorti d'l'eau pour nous frapper. J'crois bien qu'il est pas seul en plus. Faut qu'on s'barre d'ici, vite. Faut qu'on décolle !!!

L'appel pressant de Tijak pour un décollage immédiat vira dans les aigus, signe que l'enfant était quand même relativement inquiet. Son message d'alerte délivré, il s'apprêta à refaire demi-tour pour regagner le pont et y faire son travail. Il ne serait pas dit qu'un Fileyeur se cache dans la cale alors que l'équipage joue sa survie sur le pont.

Pont inférieur - Salle du Timon
Jakelm

«aléidoscope.
Lorsque Jakelm parla, le tourbillon de lumières et de couleurs dans l'esprits d'Hermine s'était peu à peu amoindri. La tête lui tournait encore un peu mais, alors que le mouvement de toupie du navire avait ralenti, l'étourdissement qu'elle avait ressenti avait lui-aussi l'air de guérir de lui-même.

Hermine

-Oui, Tijak, répondit la jeune femme en se massant le front, essoufflée et légèrement transpirante. « Je l'ai ... senti. Je dois tenteя un tяuc. Accяoche-toi où tu peux ! » -------------------- Métis humaine de taille légèrement supérieure à la moyenne, Hermine a la peau sombre, des yeux d'un vert profond, et un hématome sur la joue droite. Empoignant les accoudoirs du Timon, elle se repositionne sur le trône, avant de fermer les yeux en serrant les dents, comme en proie à une intense concentration.

Pont supérieur
Arzhaelig, Serana, Metzli

Le géant des tempêtes ne donnait aucun signe de vouloir ralentir son assaut. Aussi grand que le navire, il se déplaçait dans les hautes vagues avec une aisance naturelle et, presque, une grâce, qui pouvait laisser pantois eu égard à sa taille. Bien loin de l'image qu'on pouvait avoir du gros géant pataud qui se déplace avec lenteur en faisant trembler la terre, même les meilleurs nageurs du bord savaient que, même s'ils survivaient aux vagues renforcées par la tempête qui grossissait d'un instant à l'autre, ils ne pourraient espérer distancer cet ennemi s'ils avaient la malchance de passer par dessus bord.

C'est peut-être ce sentiment d'être acculés qui poussa nos héros à la contre-attaque. Alors que l'immense homme à la peau mauve et à la barbe noire ruisselante se rapprochait à vive allure, son épée brandie au dessus de lui dans le but avéré de l'abattre sur le bateau, Arzhaelig Tenedor prit sa responsabilité de capitaine. Suivant les conseils de Serana, son officier, il dut abandonner sa conciliation habituelle pour ordonner l'attaque.

Suite au premier assaut, le navire avait effectué une douzaine de tours sur lui même, durant lesquels Chéréas et les quatre marins formés à la servitude des balistes avaient du se contenter de préparer leurs engins, toute visée étant de toute manière impossible. Soudain, alors que le géant n'était à quelques pas de terminer sa charge, le tangage se stoppa brusquement. Sur ordre du capitaine, les deux balistes dont étaient équipé le bâtiment firent feu, l'une après l'autre. Malgré le peu de temps accordé à une visée en bonne et due forme, le jeune Baldurien fit montre de son talent : les deux carreaux firent mouche et, bien que le premier ricochât sur la cuirasse, le second se planta profondément dans l'abdomen du monstre, ce qui lui fit pousser un cri et stoppa sa charge quelques instants.
Ces instants furent mis à profit. Alors que le géant se préparer à terminer sa charge, Metzli, l'ensorceleuse du bord, cadra une rafale de projectiles magiques enchaînée d'une boule de feu en plein dans son visage, ce qui lui fit perdre l'équilibre une seconde fois. Il perdit aussi de la hauteur, comme si, sur un autre terrain, cet assaut conjugué serait parvenu à lui faire mettre un genou à terre.

Géant des tempêtes

- Rhhaaaaah !!, rugit le géant de rage et de douleur. Serrant les dents, il reprit de sa voix profonde : « [géant] C'est vous ! Vous, chevaucheurs d'étoiles, qui outrepassez les limites des anciens accords, les limites de notre territoire ! Quittez ces eaux céans, ou affrontez mon couroux ! » -------------------- Ce géant ressemble à un humain parfaitement constitué, mais de taille démesurée. Sa peau est mauve, ses cheveux noirs et ses yeux argentés. Il est équipé d'une épée, d'un cuirasse et d'un casque à sa (dis)proportion.

Joignant le geste à la parole, l'immense guerrier se releva, franchit les quelques pas restant et, d'un geste magistral, abatit sa lame disproportionnée. Cependant, celle-ci manqua le bateau d'un cheveu. Tandis que le remous provoqués par le coup éclaboussait le pont d'écume et manquait faire perdre l'équilibre aux aventuriers, ceux-ci s'aperçurent que le Protecteur bougeait ... de son propre chef.
Après un instant d'étonnement, le géant réitéra son attaque plusieurs fois, à chaque fois en vain. Le navire avait entamé un marche arrière totalement illogique : non seulement cette manœuvre était-elle bien trop rapide étant donné la situation, mais de plus, elle s'effectuait contre le vent. Plus effarant encore, tandis que la houle semblait se réduire, il s'avera en fait que la coque décollait des flots. Rapidement, le Protecteur prenait de l'altitude, pour finalement, après environ un mille marin à ce régime, et alors que le navire s'était élevé d'une centaine de mètres vers le ciel noir, changer de direction et repartir en avant à fond de train, projetant les marins aux jambes les moins solides à nouveau à terre. Tandis qu'ils repassait loin au dessus du géant mauve, les aventuriers s'aperçurent qu'il avait été rejoint par trois de ses homologues, qui semblaient le retenir par les épaules tandis qu'il agitait le poing et pointait le doigt vers le navire en signe de vengeance.

Soudain, un éclair frappa violemment le château arrière, secouant les membres d'équipage et déclenchant un début d'incendie. Le choc fit changer de direction au navire, qui prit encore plus vite de l'altitude et s'enfonça au plus profond des sombres nuages d'orage. Autour de lui, le tonerre claquait, la pluie battante inondait le pont et les vents hurlaient, faisant claquer les voiles en tout sens, menaçant de les déchirer et de rompre les cordages. Pour couronner le tout, leur objectif n'était plus en vue : autour d'eux, plus de clarté rassurante de la lune, plus aucune étoile nourissant leurs rêves. Seule restait l'obcurité pesante des nuage noirs, tout juste zebrée par instants de gigantesques éclairs dont la clarté était bien loin de les réconforter.

Les courageux membres de l'équipage du Protecteur se retrouvaient dans un navire au bord de la rupture, au dessus d'une mer démontée et apparement peuplée de géants aggressifs, acculés par les flammes dévorant leur arrière, et cernés par des éclairs mortels d'une foudre sans merci !

Quand le vaisseau avait décollé, le contrecoup avait failli la plaquer au sol. Pliant les genoux, elle avait projeté sa main vers le bois du pont.

Une cicatrice de plus sur le Protecteur.

Elle avait assisté avec une anxiété croissante le navire plongeant à l'intérieur de l'orage. Et puis, comme à l'accoutumé, la peur avait fait place à une rage de vivre dans le cœur de la semie-dragonne. La pluie frappait son visage et le vent gonfla sa cape. Lorsqu'un éclair éclata au loin, la feuille d'argent qui constituait le symbole du Chevaucheur brilla sur celle-ci. Avant même qu'Arzhaelig ne prit les commandes elle se tourna vers les marin. Heureusement, et malgré le fait qu'elle soit totalement incompétente, elle avait appris le jargon maritime avant le départ. Et les noms de ses hommes.

- Lena, Chax'l, cria t'elle à l'une des rares femmes de l'équipage et Chax'l le seul homme-lézard du navire, qui s’agrippaient présentement au grand mat. Ferlez les voiles, maintenant ! Granit, sort des sacs de sables pour étouffer les incendies ! Accrochez vous aux mats !

Elle plongea son regard dans les nuages noir un instant.

- Que tout ceux qui n'ont rien à faire sur le pont en dégage ! Les balistaires restent prêts ! Surveillez les voies d'air dans la coque ! Restez prêts des écoutilles, à l'affût des ennemis !

Après avoir encoché une flèche à tête flamboyante, elle la tenait maintenant elle et l'arc au niveau de la poignée. Elle courut vers le château pour vérifier les dégâts. Elle tendit la main devant elle et signa en courant. Pour une fois, malgré son patronage, elle ne s'adressa pas à Shaundakul. Elle espérait que son incantation aiderait à ramèner la paix autour d'eux.

- Déesse des Flots Chantants, accorde nous la paix de l'onde.

Une nappe de plus de trente litres d'eau apparu au dessus du château et l'inonda, devant normalement éteindre toute velléité des flammes. Ceci fait, elle se retourna.

- Valkur ne peut plus rien pour nous ici ! On va devoir envoyer Talos se faire foutre nous mêmes !

¤ Seigneur des Quatre-Vents, je ne serais pas contre un peu d'aide... ¤

Serana lance Création d'eau sur le départ de feu (Portée max : 12 m, 32 L d'eau). Si possible elle essaye aussi de chercher des ennemis dans les environs.

¤ Nous y sommes. Nous te devons tous la vie Hermine... ¤

Voyant Serana rebondir pour éteindre l’incendie, il précisa ses ordres pour le bosco et le reste de l’équipage. Elle était merveilleuse dans son rôle, il devait l’être dans le sien. Hors de question de perdre des hommes s’il pouvait l’éviter, chacun donnait le meilleur de lui-même et surpassait de loin ce que le commun des marins était capable de supporter. Ils volaient ! Attaqués par des Géants commandant aux éléments, dans une tempête que peu avaient dû affronter !

- On doit s’élever de 2 lieues pour sortir de cet enfer, au-dessus l’orage ne nous trouvera pas, magique ou pas ! Granit, ne prenez pas de risques inutiles à ferler les voiles, c’est trop dangereux ! Il faut les réduire, les affaler ou prendre un maximum de ris si c’est impossible, pour qu’elles cessent de nous emmener dans les bras de la Reine Garce ou du Seigneur des Tempêtes mais on ne perd personne ! C’est le Timon qui nous guide, le vent n’est plus de notre côté !

Comment se pouvait-il qu’il n’ait aucun souvenir des accords dont parlait ce géant ? Il devait y avoir quelque chose dans l’histoire des Géants, leur offrant un territoire exclusif en échange d’autre chose. C’était son domaine, de telles connaissances leur aurait évité cet affrontement. Fort heureusement pour Arzhaelig, il n’avait pas le temps de s’auto-flageller sur un manquement de prudence, le temps était à l’action.

- Serana ! C’est orage n’est pas naturel, ces sorts ont des limites tant qu’ils ne sont pas divins ... Prions pour qu’aucun dieu de la Fureur ne nous regarde et essayons de garder tout le monde vivant le temps de nous écarter assez ! Même si je doute qu’on puisse mouiller avant un moment, il faudra trouver un moyen de limiter les dégâts mais plus tard !

L’adrénaline le noyait, malgré leur situation, le barde revivait des instants effacés de sa vie de marin et même s’il n’en voyait plus les images, il savait qu’il avait affronté la colère des tempêtes. Un demi-orc, une femme aussi sauvage que la mer, des noms qui s’imposaient sans qu’il puisse les associer à des visages, des forbans, ivres de liberté.

- Metzli ! Tout va bien de ton côté ?

Le barde triturait le fil de cuivre de sa ceinture, pointant tour à tour chacun des personnages clés du navire. Il devait garder le contact dans le fracas du tonnerre et pouvoir leur chuchoter des recommandations, ordres et informations.

A sa manière, il devait effacer la peur de ses hommes, c’était leur plus grand ennemi, celui qui risquait de les faire perdre leur place.

Survolant les flots, chevauchant les mers
Regarde-les, Séluné, s’élancer vers toi
Voilà qu’ils s’élèvent, et quittent leur terre
Plus braves qu’aucun, d’une invincible foi ;

Ils affrontent le courroux de géants de tempête
La colère et le poids, le tranchant de leurs lames
Ils se battent par le feu, vaillants, leur tiennent tête
Aucune terreur cette fois, ne touchera leurs âmes ;

Regarde les voler, fiers navigateurs
Franchissant les limites par d’autres un jour fixées
Et pour te saluer, garde-les de la peur
Qu’à le tempête succède ta beauté argenté.