Route de la Fourche, suite de Panique à Fortnouveau

Le combat avait finalement tourné court. Il n'avait tout simplement pas eu lieu. La façon dont l'homme s'était volatilisé, laissait Menthas perplexe. Certes, ce dernier n'était plus là, mais le prêtre aurait préferé s'en débarasser de façon plus radicale. Les évènements n'allait pas pour le rassurer. Après s'être convaincu que l'homme n'était plus dans les parages. Menthas se tourna vers Kobalt:

"Viens il faut vite qu'on décampe d'ici, je n'aime pas ce qui se trame dans le coin. Et puis un autre type pourrait apparaitre de la même manière. De plus, on n'est pas encore arrivé à Fortnouveau." Il commença à reprendre sa route, puis se ravisa.
"Mais avant je veux juste vérifier quelquechose."

Le mulan se dirigea vers le cadavre de Zakkarit et se pencha vers lui. Il commença à fouiller dans ses affaires, non pas pour dépouiller un mort comme le ferais n'importe quel bandit, mais pour trouver quelquechose de bien précis.

"Jettons un coup d'oeil à ses affaires, voir si on ne peut pas trouver un indice ou des informations le reliant à cette mystérieuse attaque. Parce que ça me fait repenser à la lumière qui nous suivait de loin tout à l'heure. Ca pourrait avoir un lien avec l'homme. Ce qui voudrait dire que l'on est suivi."

Cette dernière idée fit froid dans le dos au prêtre. Etre suivi ne l'enchantait guère, car savoir que quelqu'un épiait le moindre de ses gestes le rendait nerveux, presque paranoïaque. Son objectif était clair. Quitter ce désert de neige pour rejoindre le plus vit possible Fortnouveau. Et même là-bas, il ne savait à quoi s'attendre.

La disparition soudaine de l'inconnu qui les avait attaqué n'inquiétait pas outre mesure Kobalt : d'après lui cela était entièrement dû à son tir infaillible. Le fait qu'il ne restait que deux empreintes de pied à l'endroit exact où l'homme s'était tenu quelques instants plus tôt ne le perturbait guère. Leur assaillant pouvait se trouver n'importe où, étant donné qu'il était apparu aussi soudainement qu'il venait de disparaître, et pouvait les canarder à loisir alors qu'ils avaient baissé leur garde, mais le roublard ne pensait pas à tout cela. Une seule chose lui importait, en fait. Il se pencha à son tour sur le cadavre de Zakkarit, tout en répondant à Menthas :

- T'as raison, faut qu'on reprenne la route et fissa ! Mais pas avant d'avoir moi aussi vérifié quelque-chose...

Et en effet, le thétyrien "vérifia" si la ceinture du magicien portait bien une bourse pleine d'argent. Kobalt ne s'encombrait pas de morale ni de scrupules, son havresac était déjà bien assez lourd comme ça, disait-il souvent. Il fit mollement mine de se justifier auprès du prêtre qui était en train de se décarcasser à trouver d'éventuels indices :

- On ne peut pas laisser ça ici, ce serait du gaspillage, et puis nous risquons d'en avoir besoin pour nos frais...

C'est ainsi que le Frère Rat dépouilla un mort sans l'ombre d'un regret, comme le ferait n'importe quel bandit.
Par esprit pratique il fit également main-basse sur l'outre d'eau de l'ensorceleur, car ils en auraient sûrement grand besoin.

- On pourrait avoir soif et puis il vaut mieux en avoir plus que nécessaire que pas assez,déclara-t-il en essayant vainement de faire passer sa pingrerie et son avidité pour du pragmatisme, tandis qu'il s'emparait du récipient et transférait le contenu de la bourse de Zakkarit dans la sienne.

Afin de ne pas totalement passer pour le pourri sans compassion qu'il était, le jeune homme entreprit également de fouiller la dépouille à la recherche d'indices, même si il était pour sa part convaincu de l'innocence du mage.

Narration

14 martel 1373

Kobalt fouilla consciencieusement la dépouille de Zakkarit. Il avait peu de chose de valable sur lui mise à part son arbalète et ses munitions. Quant à sa bourse elle contenait tout de même cinq belles pièces faites d'un métal peu courant : du platine. Il récupéra le tout, sans oublier l'outre du mort, car il fallait bien le dire qu'il n'en aurait plus besoin. Menthas fouilla rapidement sans rien trouver de ce qu'il cherchait. Il resta à l'écart ensuite et fût le premier à remarquer la présence d'une jeune femme qui s'approchait d'eux.
Elle se dirigeait vers eux et venait de la direction de Sundabar. Elle tenait dans ses mains un bâton et avançait franchement vers eux. Elle n'était pas très grande et semblait intriguée par les deux hommes. Menthas prévint son compagnon quand la jeune femme fut sur eux. La rencontre entre tous les trois allaient se faire, restait à savoir comment elle allait se passer.

Après avoir empoché un butin pour le moins respectable pour sa bien piètre condition, le roublard s'empara de la ration d'eau du défunt et en but une rasade.

- Aaah ça fait du bien par où ça passe ! On va pouvoir reprendre la route, vieille noix ! Et on ferait mieux de ne pas trainer en r...

Il s'interrompit au beau milieu de sa phrase, sans doute au grand soulagement de son compagnon, qui n'avait pas encore les oreilles assez gelées pour ne plus entendre les élucubrations du psychopathe qui lui servait de partenaire. Menthas l'avait prévenu de l'arrivée d'une invitée surprise : une inconnue s'avançait en effet droit vers eux.

Observons maintenant la scène d'un point de vue extérieur. Deux hommes armés jusqu'aux dents, occupés à fouiller un cadavre encore fumant en plein milieu d'une route déserte, et une jeune femme qui va à leur rencontre, ignorant très probablement les faits qui ont amené Zakkarit à passer de vie à trépas.
Convenons-en, la jeune femme en question ne se sentira probablement pas rassurée lorsqu'elle arrivera assez près des deux hommes pour voir ce qu'ils étaient en train de faire... Et d'une certaine manière, elle aurait toutes les raisons du monde de se méfier de quelqu'un comme le thétyrien. Il était recommandé de fuir comme la peste cet escroc notoire, car toute personne constituait à ses yeux une source potentielle de revenus. Mais cela, cette femme l'ignorait.

Du reste, Kobalt n'avait pas la lucidité nécessaire pour imaginer ce que cette donzelle pourrait bien imaginer en découvrant la scène. Son cerveau, bien que apte à imaginer toutes sortes de magouilles et de mensonges en temps normal, se trouvait à présent partiellement gelé, et le Frère Rat semblait limité à des réactions pour le moins primaires et instinctives. La méfiance dominait. Après tout, ils venaient de se faire attaquer, non ?
Le fait que l'inconnue se dirige vers eux sans hostilité apparente, et bien à découvert (contrairement à leur assaillant tantôt) ne fit pas tiquer le voleur, qui mit lentement la main sur la garde de son épée. Il commença à mobiliser ses muscles pour être prêt à frapper l'intruse, tout en demandant du coin des lèvres au prêtre de la Cavalière :

- Qu'est-ce qu'on fait ? On lui fonce dessus et on la découpe en morceaux ou on se tire d'ici ? On a déjà assez perdu de temps comme ça.

Le crissement des pas de N'Jini la firent grimacer. Elle aurait voulu en même temps s'approcher suffisamment près pour voir ce que ces deux hommes tramaient sans pour autant être vue. Dans ce paysage désolé, n'étant pas encore invisible, il n'y avait aucun moyen. Brièvement, alors que ses pensées tumultueuse élaboraient déjà des possibles plans d'attaques, de fuite, de bluff, d'intimidation dans un joli désordre chaotique, elle pensa qu'il serait judicieux de ne s'approcher qu'à une distance respectable, à portée de voix mais non d'armes de combat rapproché. La jeune femme n'était pas rassuré : il est toujours difficile de faire des rencontres en rase campagne, surtout deux hommes s'occupant d'un troisième apparemment inconscient.

N'Jini arriva à leur rencontre, détaillant la scène avec soin. Elle comprit très vite que les deux hommes étaient en train de dépouiller un cadavre. Le tout était de rester calme, surtout pas montrer son dégoût pour de telles pratiques. Après tout la vie était rude pour tout le monde et la mort subite et brutale pour n'importe lequel d'entre eux. Il pourrait aussi que le cadavre étendu à terre était un homme mauvais, qui avait attaqué les deux voyageurs... Aussi N'Jini décida de rester neutre vis-à-vis des étrangers, après tout elle n'était pas là ni pour les juger, ni pour les condamner et surtout pas pour les punir. Elle ralentit le pas doucement, alors que l'un d'eux avait aperçut son approche. Elle s'arrêta à une dizaine de mètres, appuyée sur son bâton, le visage de marbre, et les dévisagea tour à tour. Droite comme une tour de mage, elle devina dans les yeux de l'un son indécision et sa peur lui insufflant des pensées de meurtre. Il fallait le mettre à l'aise très vite ou souffrir un combat :

- Bonne rencontre voyageurs. Je suis N'Jini. Montrant du menton le cadavre gisant à terre elle continua La météo est rude ce matin... Il est mort de froid sans nul doute ?

La voix de Jua était calme et posée, son attitude ne montrant aucune agressivité mais plutôt une tranquille raillerie, cependant elle était prête à se battre.

L'inconnue donnait l'air d'être trop naïve pour l'être réellement. Il était certain qu'elle les suspectait d'être les auteurs du meurtre de leur ex-compagnon. Menthas savait très bien qu'expliquer ce qui venait de leur arriver, ne pouvait être crédible. Un histoire aussi farfelue était très difficile à faire croire à une parfaite étrangère. L'idéal était de raconter l'histoire sans entrer dans les détails.

"Non certes, avec un carreau dans la gorge, ce n'est pas le froid qui a eu raison de lui. Nous avons été attaqués par des individus, et voilà ce qu'il en reste. Les autres se sont échappés."

Le mulan profitait de sa petite histoire légèrement remaniée, afin de la rendre plus crédible, pour dissuader la nouvelle venue de toute actions inconsidérées. Il était évident que deux hommes armés, avant l'avantage face à une femme seule.
Pour montrer sa sympathie, le prêtre entama la conversation pour répondre à quelques interrogations qui trottaient dans sa tête.

"Comment se fait-il qu'une femme seule se promène dans cette région, ce n'est pas très prudent. Surtout avec les rencontres que l'on peut faire,dit-il en désignant le cadavre de Zakkarit, vous devez avez avoir une bonne raison?"

Menthas se méfiait maintenant des rencontres qu'ils faisaient, car trop leur avait causé des ennuis. Mais la présence d'une personne en plus pour voyager pourrait être d'un grand secours, pour dissuader des assaillants mystérieux de s'en prendre encore à eux. Et il était dans l'intérêt de tous le monde de voyager ensemble.

N'Jini avait une bonne raison oui de se promener sur les routes mais allait-elle le confier à ces étrangers. Elle devait s'avouer être fortement méfiante du premier, celui qui n'avait pas encore parlé. Néanmoins une réponse s'imposait, et une des choses qu'elle avait apprise dans sa vie c'est que la meilleures réponse s'avérait souvent être une question. En fait c'était pas son problème : attaquants ou défenseurs, Tyr le très juste pourra faire la différence et leur âmes aux portes de Dis prendra la juste route. Tel était le destin de tous. Jetant un bref coup d'œil vers le cadavre l'ensorceleuse revint vers l'homme qui lui avait posé cette question indiscrète. Usant du pouvoir donné depuis sa naissance (maudite ou non), elle sourit gracieusement :

- Ma foi messire, Si je suis sur les routes, je suppose que c'est pour la même raison que vous, arriver quelque part... N'Jini sourit malicieusement et rajouta Vous allez vers Fortnouveau vous aussi ?

La réponse n'était pas des plus subtile et la question des plus grossière mais elle avait le mérite de rester fort vague. Après tout elle ne s'enquérait pas de leurs affaires non plus. N'Jini observa les deux hommes, prête à intervenir au moindre mouvement suspect et affina ses sens dans la perception de son environnement. Après tout, elle en voyait deux, y aurait-il d'autres ? Dans quel cas elle serait en très fâcheuse posture

La première chose qui vint à l'esprit malade de cet imbécile de voleur dégénéré qu'était Kobalt fut qu'il valait mieux liquider cette enquiquineuse, avant qu'elle ne leur attire tous les ennuis du Monde, comme le font toutes les femmes - selon lui. Après tout, au point où ils en étaient, un cadavre de plus ou de moins, ce ne serait pas ça qui changerait grand chose à leur situation. Et puis ce serait le moyen de récupérer des fournitures supplémentaires et autres victuailles qui leur permettraient de survivre plus facilement sous ces latitudes. De plus, le roublard était encore énervé du fait de la fuite de leur agresseur. Un bon meurtre et il serait reparti pour une journée de bonne humeur.

Comme d'habitude, le prêtre ne l'entendait pas de cette oreille, et semblait décidé à entamer une de ses longues et inutiles conversations dont il avait le secret.

¤Ah oui ! Ca c'est LA méthode... Poser des questions à ce crétin de magicien a bien servi à notre cause, on est drôlement bien avancés, maintenant qu'il a cané...¤

Malgré ses récriminations qu'il gardait pour lui pour ne pas enfoncer d'avantage Menthas dans la nullité qui était la sienne, il dut renoncer à son meurtre journalier. Il voyait bien qu'il ne pourrait pas convaincre son compagnon d'occire avec lui la donzelle. Il prit alors la décision de couper court à cette convivial échange de civilités afin d'aller directement à l'essentiel :

- Ouais, on va à Fortnouveau et on est à la bourre ! Alors merci de t'être arrêtée, c'est sympa, on apprécie, mais... Au revoir !

Il reprit résolument sa route, traînant son camarade par le havresac. La politesse comme la finesse n'étaient pas le fort de Kobalt, mais là il était vrai que c'était un peu exagéré... Mais cela ne choquait pas outre mesure le sociopathe qu'était le thétyrien.

La manière que Kobalt avait pour prendre congé des gens était pour le moins originale, voir efficace. Mais dans la société dans laquelle il vivait, cela était considéré comme de l'impolitesse et de la grossièreté pure et dure. Mais ne fallait-il pas excuser le roublard d'avoir un équilibre psychologique et social totalement défaillant?
Menthas, lui ne l'excusait pas. Alors que son compagnon le trainait pas son havresac, la lanière de ce dernier lui tira violement au niveau de la gorge, commençant à l'étouffer. Bien entendu, le Téthyrien ne put trainer le Mulan bien longtemps. Après avoir repris son souffle, le prêtre décida de suivre Kobalt. Il était vrai qu'il leur tardait de rallier Fortnouveau.

"Désolé, mais comme vous le voyez, nous sommes pressés, alors adieu." Lanca t-il à la nouvelle inconnue.

Alors qu'il se remettait en chemin, Menthas pensa au don qu'avait Kobalt pour aborder les gens. S'ils voudraient tirer des renseignements sur les troubles une fois arrivés, il serait souhaitable que le roublard change son attitude, sous peine de voir leur quête échouer.

Le jeune prêtre se rapprocha de son psychopate de compagnon et lui dit doucement:

"Il vaudrait mieux être un peu plus sociable avec les gens, si on ne veut pas s'attirer d'ennuis. Maintenant il faudra surveiller la femme, parcequ'à coup sûr, elle va nous suivre de plus ou moins loin."

Narration

Les présentations étaient faites d'une certaine manière. Tout le monde avait une assez bonne idée du comportement de chacun. Les deux hommes se remirent en route pour Fortnouveau pensant que la jeune femme irait voir de son côté. Cependant, malheureusement ou bien heureusement pour eux, elle allait dans la même direction qu'eux. Elle se joignit donc au couple et ajouta sa petite note personnelle. Elle resta tout de même prudemment à l'écart afin de ne pas risquer les foudres du colérique. Cependant elle avait repéré l'anneau qu'il portait à son doigt. Cet homme là faisait partie de la compagnie des marches et à ce titre il était un allié, car elle même avait accepté d'une certaine manière l'alliance en tant que membre du monastère. Bien sûr elle était libre de les renseigner sur son allégeance, mais elle tenait sa langue pour le moment. Car après tout, ils n'avaient posé aucune question.
Le trio s'en alla donc à travers la blancheur du paysage, marchant pour éviter de subir le froid. Ils éprouvèrent parfois les pires difficultés pour avancer car la piste bien que praticable était formée parfois de plaques de neige complètement gelées où il était difficile d'avancer sans tomber. La journée leur sembla bien courte, car ils pensaient ne pas avoir avancé beaucoup, et pourtant en regardant en arrière, ils ne virent même plus les fumées de Sundabar s'échapper. Ils étaient pour le moment seuls et livré à eux même. Ils virent également la jeune femme se tenir légèrement derrière eux mais toujours à porté de vue.
La nuit allait bientôt recouvrir la vallée de son manteau d'ébène et il leurs fallait se préparer à la passer dans les meilleurs conditions possible. Par chance coincé qu'ils étaient entre les montagnes Néthères, ils pouvaient espérer trouver une grotte ou un abri du moins pour s'abriter du froid qui commençait à se faire sentir terriblement.
Ils s'avancèrent un peu vers le flanc sud de la montagne et finirent par trouver une grotte ou du moins quelque chose qui ressemblait à ça. Elle était inoccupée, et aucune trace d'odeurs suspectes ou désagréables pouvant les mettre sur la voie d'une créature qui logerait ici. En fait l'intérieur était même plutôt sec bien qu'ici et là de la glace pouvait se voir. La grotte était suffisamment grande pour accueillir un régiment de Sundabar mais son entrée ne permettait le passage que de trois hommes au maximum simultanément. Restait à savoir si les deux hommes allaient partager un peu plus qu'un endroit pour dormir avec leur invitée qui les avaient suivi jusqu'ici.