Chapitre 1 : L'astre Pourpre

Dixième jour du cœur de l’hiver
Lieu : Les monts de Galènes, frontière du Duché d’Arcata.
Moment : Matinée
Météo et températures : Froid (-20°C), blizzard.

Gulmar, Reïlo Blanche Flamme & Mirtzar Boucledacier
Un hibou se posa sur une branche de sapin, il se rapprocha de l’oiseau, et celui-ci se mit à grossir en des proportions surnaturelles, jusqu’à ce qu’il puisse le chevaucher. Ils s’envolèrent ensemble, oiseau de proie et passager, survolant des forêts calcinées, des villages en ruine, sans apercevoir âme qui vive. Il faisait nuit et la lune était rouge. En un battement de cœur, six lunes succédèrent à six soleils. Soudain, une flèche atteignit le hibou en plein cœur et l’oiseau piqua vers le sol, le cavalier pensa voir sa dernière heure arrivée. Mais lorsqu’il reprit connaissance, près du cadavre de l’animal, dans une sombre clairière où se dressait un arbre millénaire, au tronc noueux évoquant un serpent prêt à attaquer, et aux racines gigantesques. Une écœurante cérémonie se déroulait à son pied : sur un autel ruisselant de sang, un homme portant une tête de bouc sacrifiait une multitude de victimes humaines terrifiées. A ses côtés, un être tout de noir vêtu, se mit à regarder l’intrus. Il fit un geste et de multiples mains squelettiques jaillirent de terre pour le plaquer au sol, l’immobilisant totalement. L’être vêtu de noir sourit et entonna une incantation maléfique. Une sphère jaune et luminescente se matérialisa alors que tout prenait feu dans le paysage. Il se senti lever de terre et, toujours prisonnier des mains squelettiques, entrainé inéluctablement vers l’autel sanglant. Il se mit à hurler quand l’homme à la tête de bouc laboura profondément son visage à coups de griffes...

***

Les trois aventuriers se réveillèrent d’un bond, en hurlant, les cheveux plaqués par une sueur glacée, l’estomac soulevé de terreur et la gorge baignant d’une bile amère. Ils s’échangèrent des regards paniqués, révélant sans un mot la similitude de cet étrange cauchemar. Cette expérience avait été brève, nette, comme un instant de feu pétrifié recouvrant la glace.

Le sommeil avait frappé sans prévenir mettant à mal l’hypothétique garde qui devait veiller sur les deux autres. Pour le jeune théurge d’Oghma, ce fut des rêves qui semblaient bien différents des expériences offertes par l’honorable Nërissa.

Au cœur de la caverne, fumaient les braises du feu qu’ils avaient été autorisés à allumer la veille. A quelques mètres de là, le blizzard soufflait à l’extérieur et des sifflements aigus parvenaient comme de lointains spectres glacials. L’air était rare et aussi acéré qu’un caveau gelé. Suivant les consignes de la taciturne Elfe sombre, ils avaient atteints ce refuge dans cette grotte, essoufflés, épuisés et congelés. Les réserves de potion de Tusamircil étaient rapidement venues à terme, et il fallait maintenant s’en remettre aux fourrures et à la vigueur naturelle, obligeant chacun à progresser comme il le pouvait, le plus souvent plongé dans un silence obstiné.

Perdus dans l’immensité gelé de Damara, toutes leurs affaires sur le dos, n’ayant d’autres choix que d’assumer leurs choix et poursuivant cette course éperdue : la quête de Nërissa était devenu de plus en plus douloureuse et insensée au fil des jours. Autour de ce mal volontaire s’étaient construits des colères, des accès d’impatience et des rancœurs, se battant inexorablement jusqu’à ce que les membres soient rompus et les estomacs affamés.

Le froid, la faim, la fatigue... et désormais les cauchemars. La suite du trajet fut encore plus pénible que tout ce que Blanche Flamme avait pu imaginer. Lourdement chargé, il avait progressé lentement dans la neige mais son esprit, s'il était à présent incapable de formuler des réflexions complexes, était resté focalisé sur un objectif : retrouver l'artefact, son porteur et tirer au clair les interrogations de Nërissa.

L'Oghmite s'était réveillé en sursaut, en hurlant malgré lui, suite à l'affreux cauchemar qu'il venait de faire. L'expérience lui rappelait quelque peu l'étrange vision qu'il avait vécue aux côtés de Nërissa, plusieurs semaines auparavant : il essaya de se la remémorer et se souvint qu'il y figurait en compagnie de Mirtzar, Gulmar et Gon, mais sans leur cheffe et les trois elfes. Était-ce une bribe d'avenir? Était-ce également le cas pour ce cauchemar, était-il annonciateur de quelque chose? Le demi-drow finit par briser le silence :

- Ces rêves... Je ne sais pas s'ils ont une signification quelconque mais nous devons nous efforcer de ne pas les laisser nous envahir. Restons focalisés sur notre objectif et parvenons-y coûte que coûte...

Il ajouta :

- Nous aurons du mal à poursuivre comme cela : ma magie peut partiellement protéger deux d'entre nous du froid, reste à savoir qui en aura le plus besoin... Et je vous serais reconnaissant de bien vouloir porter mon armure, je n'en peux plus... Si ce n'est pas possible, je l'abandonnerai ici...

Si cela a une utilité, Reïlo remplacera ses sorts mémorisés "sanctuaire" et "soins légers" par 2 x "Endurance aux énergies destructives"

Avant que les elfes ne les quittent, Gulmar avait pu entrevoir les prémices d’une sorte de camaraderie partagée avec Elialann. Le clin d’œil et le retour de son arme perdue en était les signes. Finalement, tous les elfes n’étaient pas forcément hautains et distants… Ce fut cette pensée, ainsi que le sentiment d’appartenir à un groupe, même si celui-ci n’existait que depuis deux dizaines, qui avaient aidé l’humain à supporter la suite de leur périple. Il avait récupéré la dague et s’était promis de ne plus jamais l’égarer. C’était sa manière à lui d’honorer ce qu’il avait perçu comme de la considération de la part de la petite elfe qui venait de les quitter. Le shaarien fut heureux pour Gon, de voir le comédien à ce point soulagé de s’en retourner en des lieux plus cléments…

Le départ du prêtre elfe et de ses bénédictions ainsi que la fin du stock de potions avaient rendu les dernières heures de ce voyage très compliquées… Il allait falloir à présent que le rôdeur mette en application toutes les leçons de son mentor concernant la survie en milieu hostile. Car bien que guidés par Coreixiia, qui de ce fait tenait sa parole, les aventuriers ne pouvaient s’attendre à aucune aide supplémentaire de la part de l’elfe noire qui semblait ne pas avoir la moindre considération pour le sort que pourraient partager les membres restants de l’expédition. De plus, le rouquin n’avait encore jamais séjourné ni voyagé dans des contrées aussi froides et n’avait par conséquent pas l’habitude de gérer ce genre de climats. Plutôt qu’à la pratique seule, il lui faudrait recourir à la théorie, aux savoirs que lui avaient inculqués vieux nain dans le lointain bois de Shaar.

L’humain s’éveilla comme ses compagnons, les cheveux collés au visage par une sueur froide qui, combinée à l’air ambiant gelé, le glaçait jusqu’aux os. Croisant le regard de ses camarades, il sut immédiatement qu’ils avaient fait le même rêve. Ce que confirma Reïlo en prenant la parole en premier. Il fallut plus de temps à Gulmar pour se remettre de ses émotions, calmer les battements de son cœur affolé et laisser se dissiper le goût amer qui était remonté de son estomac… Et alors qu’il prenait le temps de se calmer, écoutant le théurge d’Oghma, il comprit qu’il s’était endormi en plein milieu de son tour de garde, ajoutant à son malaise actuel. Il jeta un coup d’œil rapide aux alentours pour s’assurer que rien ne leur avait été dérobé… Depuis maintenant quelques temps qu’ils voyageaient ensemble, une certaine confiance était née entre eux, même si elle avait d’abord été créée par la nécessité, elle n’en demeurait pas moins réelle. Il décida donc de commencer par présenter ses excuses, ne comprenant pas comment il avait pu s’endormir pendant son tour de garde.

- J’crois que j’me suis endormi pendant mon tour. J’comprend pas. J’suis désolé.

Puis, comme s’il ne souhaitait pas rester sur une note négative, il enchaina rapidement. Cet enchainement était une preuve évidente de son malaise pour le suivant d’Oghma et Mirtzar qui avaient appris à savoir que Gulmar ne parlait que peu habituellement. Très peu…

- J’sais pas trop c’que c’était c’rêve, mais si quelqu’un peut m’en débarrasser, j’suis preneur. Ça avait l’air… tellement… réel…

¤ Et effrayant ! ¤

- C’était quoi c’rêve ?

Il avait posé un regard insistant sur le protégé de Nërissa en posant cette question, comme s’il s’attendait à ce que ce dernier soit capable de leur répondre.

Il grelotta, à la fois sous l’effet du froid et sous l’effet du souvenir terrifiant. Il se rapprocha machinalement des braises encore fumantes, comme pour essayer de trouver un peu de réconfort et de chaleur dans un lieu qui en était complètement dépourvu. C’est à ce moment-là qu’il s’adressa à Blache-Flamme, comme en réponse aux derniers mots prononcé par le demi-drow.

- Alors il faudra qu’on fasse ça à tour de rôle. Porter ton armure et être sous la protection de ta magie. On devrait pouvoir s’en sortir entre tes sorts et mes connaissances sur la nature.

Il jeta alors un coup d’œil au guerrier Nain qui était de loin le plus aguerri des trois aventuriers, comme pour recueillir son avis sur leurs chances de supporter le froid et le voyage. Cherchant l’instant d’après dans son sac, comme par un vieux réflexe, mais au final ne trouvant rien, il ajouta, comme une sorte de conclusion.

- D’ailleurs si on veut s’en sortir, il faut pas rester trop longtemps sans bouger. Et il faut savoir qui fait quoi et comment.

Il s’agissait probablement d’une tentative peu diplomatique et peu talentueuse pour essayer de trouver avec ses compagnons d’infortune une organisation qui leur permettrait d’être efficaces face aux rigueurs du climat et au trajet qu’il leur restait encore à faire.



Gulmar jette un coup d'oeil alentours pour s'assurer que rien n'a disparu.

Gulmar, Reïlo Blanche Flamme & Mirtzar Boucledacier
Le chasseur se leva, encore engourdi par les visions et avec un vague sentiment de culpabilité, il jeta un regard circulaire sur la grotte, et put constater que les affaires étaient à leur place. Ses narines inspiraient un air frissonnant et ses poumons expiraient une épaisse buée dans l’atmosphère glacée. Un froid d’enfer régnait en Damara. Il poursuivit son observation en direction de l’entrée de la structure rocheuse, la neige tombait encore et le ciel semblait noirci.

Gulmar savait que s’ils s’aventuraient inconsciemment dans la tempête, ils risquaient l’hypothermie. Tandis qu’il analysait ses chances de survie dans un tel panorama, il songea au fait que le gibier devait se faire très rare en cette période, que la neige n’offrait qu’une réserve d’eau temporaire et que l’expédition ne survivait à aucun immobilisme. Une fois à l’extérieur, personne ne devrait rester à la traine.

Attendant que le Nain d’Or sorte de sa torpeur, que le prêtre métis règle ses affaires de surcharge et soucieux du confort de ses coéquipiers autant que de sa propre survivance, Gulmar pu se permettre de donner quelques conseils pour les événements à suivre.

Cliquez ici pour dérouler le parchemin...

[Gulmar] test de Survie : 14(d20) +8 = 22 vs DD ? = réussite

Gulmar, Mirtzar et Reïlo acquiert un bonus aux jets de Vigueur contre les rigueurs du climat, de +2 s’il continue de se déplacer à demi-vitesse et de +4 s’il reste stationnaire.

[Reïlo] test de Connaissances Nature : 6(d20)

[Gulmar] test de Connaissances Nature : 20(d20)

(Lorsque l’eau devient neige, le changement de température du fluide change la quantité de minéraux. En plus du choc thermique qui occasionne une perte de chaleur (et des diarrhées), ça conduit à en consommer plus, en grande quantité, cela peut endommager la fonction de certains organes vitaux (œdème au cerveau, trouble du débit sanguin, problèmes intestinaux,…) L’eau potable, dite douce, doit apporter une quantité importante de calcium et de magnésium. Une solution utilisée par certain alpiniste consiste à « saler » cette neige fondue.)

Reïlo s'était surtout préoccupé de ces rêves désagréables qui se multipliaient, de leur signification et de leur lien éventuel avec leur quête. Gulmar, avec le bon sens qui le caractérisait, lui avait ramené les pieds sur terre en le mettant face à des difficultés bien plus immédiates : survivre dans ce froid, presque sans eau et sans nourriture. La tâche ne serait pas aisée et il fallait en effet qu'ils s'organisent s'ils voulaient atteindre leur destination.

Le demi-drow constata que Mirtzar était bien chargé et que Gulmar était tout aussi affecté que lui par les rigueurs du climat. Observant objectivement la situation, il finit par déclarer :

- Abandonnons mon armure ici, elle ne fera que nous ralentir et rendre plus pénible encore notre progression. Allons de l'avant...

Il ferma ensuite les yeux et pria intérieurement Oghma, le suppliant de le conseiller pour faire face aux autres problèmes que le groupe rencontrait. Il sentit une chaleur intérieure l'envahir et de nouvelles idées surgirent dans esprit, qu'elles soient le fruit d'une intervention du Lieur ou celui d'un esprit capable de faire temporairement fi du froid et de la peur.

- Je pense pouvoir régler les problèmes d'eau que tu évoquais tout à l'heure, Gulmar. Oghma peut m'accorder le pouvoir de créer de l'eau potable. Il pourra aussi aider deux d'entre nous à affronter les rigueurs du froid. J'aurai besoin d'un bon moment de repos pour pouvoir bénéficier pleinement sa bénédiction...

Il réfléchit un instant avant d'ajouter avec fatalité :

- Pour la nourriture, je n'ai par contre pas de solution. Il faudra rationner nos vivres et espérer compter sur les maigres ressources du pays. Notre guide doit pouvoir nous conseiller...

Modification des sorts de prêtre mémorisés :

niveau 0 : assistance divine => création d’eau
niveau 1 : sanctuaire, soins légers => Endurance aux énergies destructives x2

Le rôdeur observa un moment le métis, un fin sourire se dessinant sur son visage au fur et à mesure que Reïlo évoquait l’étendue de ses pouvoirs. Lorsque le théurge eut terminé, l’humain s’étira tel un félin et fit quelques flexions des jambes et des moulinets avec les bras, comme pour se réchauffer. En effet, le climat était tel qu’il ne fallait absolument pas rester immobile trop longtemps. Dans un premier temps il remercia le demi-drow.

- Tes pouvoirs vont être notre salut ! Rien qu’pour l’eau t’imagines même pas à quel point c’est important. La neige ça t’donne une de ces chiasses avec des maux d’ventre et plein d’autres trucs pas agréables… On peut régler ça en salant l’eau, mais bon, ton pouvoir est largement au-dessus.

Il semblait réellement satisfait. Comme si le fait d’éliminer les problèmes un par un leur permettrait au final de se retrouver sans aucun souci et faire de leur enfer gelé une ballade ressemblant à une journée estivale à l’ombre du bois de shaar.

- Pour c’qui est d’lutter contre le froid, là encore t’assures. Pour celui qui n’sera pas sous ta protection, y’a deux ou trois trucs simples qui permettent d’atténuer l’froid. Bon les températures, là, sont vraiment basses, mais c’est toujours bon à prendre je pense. En gros, faut porter plusieurs couches de vêtements amples, comprenant écharpes, gants et bottes bien rembourrés, s’couvrir la tête avec la capuche et s’couvrir l’visage aussi. Porter un truc qui laisse pas passer l’vent pour recouvrir tout ça, comme des capes ou des manteaux en fourrure. Avoir de quoi se changer aussi en cas de grosse transpiration ou de quoi que ce soit d’humide qui serait passé sous la couche supérieure.

Un autre sujet d’inquiétude venait d’être traité. Toutefois l’air satisfait glissa un moment du visage de l’humain lorsqu’il en vint à réfléchir à la nourriture.

- Concernant notre nourriture, va falloir faire gaffe c’est sûr. Avec ce temps, y’a très peu d’chance de trouver du gibier. On aura un peu plus de chance avec des végétaux, même si j’connais pas forcément la région… P’t’être des oiseaux si on a d’la chance… Mais c’est sûr qu’on devoir s’rationner et pas faire les fines bouches. Mais bon, ça dépend aussi d’combien d’temps on va mettre à arriver au prochain lieu habité…

Alors qu’il prononçait les derniers mots, il se dirigea vers la sortie de la grotte, s’adressant encore à Reïlo.

- J’vais essayer d’trouver notre guide. Elle devrait savoir pour combien d’temps on en a encore. Toi, prends l’temps qui t’faut pour t’préparer et t’reposer, tu vas avoir du travail…

Il avança plus loin encore vers la sortie pour observer un peu l’extérieur et trouver des traces de l’elfe noire qui leur servait de guide, afin qu’elle leur indique ce qui allait les attendre dans les prochains jours et surtout ou ils devaient aller et ou serait la prochaine étape.

ire que le voyage n'était plus aussi plaisant maintenant que la moitié de leur group était partie était un euphémisme que Mirtzar ne se serait pas permis. sans compter que parler voulait dire ouvrir la bouche et le nain d'or était presque certain qu'à chaque fois qu'il le faisait il risquait de faire geler sa langue.

Il était resté silencieux pendant que Blanche-Flamme et Gulmar préparaient la suite de leur voyage et discutaient des arrangements à prendre. L'humain n'était pas le seul que le rêve avait troublé et le nain d'or essayait de voir s'il y avait un message caché qui échappait à ses maigres capacités de déductions, s'il s'agissait d'une sorte de vision d'un événement futur ou lointain ... ou s'ils étaient tous en train de sombrer dans la folie parce que leurs cervelles s'étaient transformées en blocs de glace. Il espérait que ce n'était pas la dernière option.

-Je suis probablement celui le plus à même de se passer de la protection magique, au moins pour commencer. Ma cape n'était pas seulement chaude, je suis, presque, certain qu'elle est magique et utile dans ce genre de situation. Et le Père de la Bataille semble prêt à veiller sur moi.

¤ ¤

Le compagnon des Marches d'Argent s'étira et se prépara, au moins mentalement, à une journée qui s'annonçait longue et pénible. En cet instant, dans la relative tiédeur de la grotte, il estimait que la perte de leurs autres compagnons en était la principale raison mais même le côté le plus romantique de son âme devait avouer qu'il semblait certain qu'avant peu, les températures polaires allait devenir plus problématique que sa mélancolie. Mais il essaya de faire contre mauvaise fortune bon coeur et de ne pas se plaindre. Au moins pour l'instant.

-En ce qui concerne l'armure, cela ne me pose pas de problème de la transporter. Elle ne m'a pas l'air bien lourde et, comme le disait si justement ma tante, il y a plus de sang d'auroch dans mes veines que d'archon. Pour une fois, cela pourrait nous être utile.

Gulmar, Reïlo Blanche Flamme & Mirtzar Boucledacier
Dès qu’il mit un nez hors du refuge, Gulmar n’eut aucun mal à retrouver l’Elfe noire. Elle était assise en tailleur à l’abri d’une saillie rocheuse, contemplant la tempête engloutir le paysage de la surface. Elle ne prêta que vaguement attention au chasseur de ses yeux impassibles, n’exprimant aucune émotion. Avant que l’humain n’intervienne, la Drow claqua bruyamment de la langue et se mit à baragouiner dans son étrange langage.

- J’espère qu’t’as bien rempli ta panse, répliqua-t-elle dans la langue commune et avec une certaine froideur. Y’fait un gel à briser les os.

Sa voix avait une teinte plaintive et nasillarde comme à l’accoutumé. Les mots se répercutaient maladroitement dans sa bouche, signe évident qu’elle faisait peu d’effort pour parler ce dialecte.

- Le hameau des Grandes plaines, tout proche tout proche, à huit lieues de là. (une main frêle sortie de l’amas de fourrure comme pour désigner un point dans la tempête) Rameute ton groupe, nous partons.

Gulmar plissa les yeux mais ne vit rien de particulier dans l’immensité neigeuse. Rien qu’un ensemble de nuances noires et blanches recouvrant un paysage grisé. On peinait pour voir à plus de dix pas, c’était comme-ci le ciel, empli d’épais nuages, s’émiettait sur le monde. La végétation et les pentes escarpées de la façade montagneuse étaient désormais recouvertes d’un épais manteau de blanc.

***

Alors que la tempête faisait rage, les braves serpentaient en une longue file titubante à travers les bourrasques de neige, cheminant sur ce qui devait être un sentier quelques heures plus tôt. Le vent hurlait sa folie, caressant les dunes, déchirant les tertres et pénétrant comme une lame impitoyable la terre en un millier de crevasses béantes. Le blizzard et les avalanches nettoyaient les rochers de toute trace de civilisation. Ils tentaient de suivre la silhouette fugitive de la guide d’Outreterre, marquant chacun de ses pas de sa lance d’ivoire, habile et immuable comme un roc face aux éléments. Elle marmonnait dans son étrange dialecte et les mots – pour ceux qui pouvaient les traduire - étaient comme des poignards qu’elle jetait aux traînards du groupe.

Écoutant les mugissements du vent, le parcours semblait interminable. Ils passaient leur temps à taper des pieds et à masser chaque partie de leurs corps. La gorge desséchée, ils toussaient, ils haletaient, ils gémissaient, les jambes flageolaient… Les nerfs étaient tendus à l’extrême. Ils fuyaient la montagne, chargés, épuisés, suivant les consignes du rôdeur du Shaar et profitant des faveurs magiques de Reïlo ; l’épreuve restait un véritable apprentissage de l’endurance. Par deux fois, ils se firent ensevelir par des rafales de neige tourbillonnante en comblant la crevasse où ils se tenaient, et par deux fois ils durent creuser en raclant avec les mains et les pieds.

Le guerrier de la phalange des ours continuait de marcher malgré les gelures qui se formaient aux oreilles et aux mains, envisageant un temps d’abandonner la charge qui lui encombrait le dos. Il tentait péniblement de protéger son visage gelé par la morsure de la tempête. Il ressemblait à une grosse chouette, sa tête rentrée dans les épaules. Mais le molosse connaissait cette peine ayant servi dans les Marches d’Argent. La force physique et mentale lui permit de poursuivre vaillamment.

Ils marchèrent ainsi quatre heures sans prononcer un mot. La ravine se terminait sur une moraine de rochers clairs de plus en plus disparates. Le terrain descendait légèrement pour se transformer en un alpage recouvert de neige. Et alors qu’ils escaladaient une colline pentue, la neige cessa de tomber et un pan de bleu déchira le ciel. La tempête qui avait débuté la veille s’était calmée brusquement. Une barre de lumière dorée miroitait à la surface du sol d’un éclat éblouissant. Ils poursuivirent encore deux bons kilomètres à bout de forces, aveugles, ils réussirent à atteindre un signe de civilisation. Ils discernèrent un petit village recouvert de neige perdu dans le dénivelé, entre roche et sapins. Une pancarte émergeait à peine de la glace et annonçait : Strumburg.

Ils dominaient un petit groupe de maisons de bois, au pied d’une pente rocailleuse et accidentée, à côté d’une immense et plate étendue de neige. Le ciel était désormais bleu et le soleil inondait les montagnes d’une clarté ardente. Le village était presque invisible, enfoui sous la glace, au cœur d’un panorama spectaculaire, est dominé par un clocher, une tour massive d’un bleu éclatant. En toile de fond, la vallée d’Arcata s’étendait à l’Est, de l’autre côté de la vallée, vers le Sud, se dressaient dans le lointain les fines arêtes de ce qui devait être les Contreforts de la Terre.
_ _ _

Une étrange voix nasillarde glissa à leurs oreilles :

’

La guide Drow disparu soudain dans un rideau blanc. Les expéditionnaires sentirent sa présence, sans pouvoir la voir. Il n’y avait eu aucune chance de pouvoir seulement lui dire au revoir.
_ _ _

Les monticules blanchâtres atteignaient parfois une hauteur de cinq à six pieds. L’hiver, ici, recouvrait tout de neige – tout le village, les jardins, les champs, les bâtiments, les charrettes et même les remparts qui encerclaient les lieux. Aucun garde ne semblait surveiller les lieux. Les vitres étaient recouvertes de buée, quelques cheminées laissaient échapper un mince filet de fumée. Alors qu’ils atteignirent les premiers bâtiments et observèrent un vieil homme au visage blême à l’abri d’un toit enneigé, qui les contempla pénétrer dans l’enceinte du village sans aucune réaction. Plus loin, un homme au visage rond, tellement ridé que ses yeux semblaient disparaitre au milieu des plis de peau. Il soutenait sa femme par le bras, visiblement amoindrie et l’air complétement abattue.

Au centre du village, un temple se dressait sur la place et de nombreux badauds ébranlés semblaient s’y diriger. Une foule de gens semblait s’être formé. Ici, l’air froid semblait être devenu trop sensible, sans savoir pourquoi, une parole prononcée entre un claquement de porte, un aboiement ou le bruit des sabots sur la route gelée, retentait comme un coup de fouet dans cet air léger, ce qui complaisait à propager les menus bruits du village. Très rapidement, sans même avoir besoin de faire preuve de sociabilité, ils comprirent que les cauchemars de la nuit passée semblaient être le sujet de conversation principal de toute la ville. Les bribes de mots des villageois stupéfaits révélaient qu’ils étaient en tous points semblables aux leurs. Pareille similitude ne pouvait être le fait du hasard.

Cliquez ici pour dérouler le parchemin...

Mirtzar : 3 dégâts non-létaux de froid, qui ne peuvent pas disparaître tant que le personnage ne s’est pas réchauffé. Etat fatigué.

Pendant leur pénible périple, Blanche Flamme avait eu l'impression que le froid avait rongé son corps jusqu'à l'os. Sans le sort que le Lieur lui avait permis de lancer et les conseils judicieux de Gulmar, il est très probable qu'il soit mort de froid avant d'atteindre le hameau des Grandes plaines.

Le jeune prêtre avait constaté que leur guide leur avait faussé compagnie presque sans un mot. Trop épuisé pour parler, il n'avait pas émis de commentaire mais il était intérieurement contrarié, sachant parfaitement qu'un tel allié leur aurait été utile dans la suite de leur quête.

¤ Quelle est-elle, d'ailleurs, la suite des événements? Espérons que les villageois du cru aient entendu parler d'un prêtre à moitié fou parcourant la région... S'il n'est jamais venu par ici... Eh bien, je ne sais pas trop ce que nous ferons : rebrousser chemin sans guide semble suicidaire... ¤

Le demi-drow savait qu'il leur fallait aller de l'avant. Il découvrit avec curiosité et étonnement la localité qu'ils venaient d'atteindre.

¤ Il est vraiment surprenant qu'une communauté se soit installée dans un endroit aussi inhospitalier et qu'elle ait pu se développer au point de se doter d'un temple et de remparts. Et, plus étonnant encore, que personne ne semble surpris par l'arrivée d'un demi-drow, d'un nain et d'un humain sortis de nulle part ! ¤

Il observait de tous côtés et essayait d'entendre ce dont on parlait : c'était la première fois qu'il entrait en contact, même sans parler, avec la population damarienne. Sa première impression ne fut guère rassurante : les gens semblaient abattus, apeurés et surtout accablés de rêves aussi horribles que ceux dont ils avaient fait l'expérience la nuit précédente.

Reïlo se tourna vers ses compagnons et suggéra :

- Rendons-nous au temple. C'est là que nous avons le plus de chance de rencontrer un érudit capable de nous renseigner sur ce que nous cherchons et ce qui se passe ici...

Etant lui-même prêtre, il accordait une grande confiance aux capacités du clergé. Tout en cheminant, il détailla les environs tout en essayant de se rappeler de toute information utile à propos de la localité et de son temple.

Connaissance histoire / géographie (+7) à propos du village et, le cas échéant, religion (+7) à propos du temple pour déterminer la divinité honorée.

Le rôdeur shaarien ne s’était pas offusqué de comportement de leur guide. Ni avant le départ, ni pendant le voyage. Il était de toute façon bien trop occupé à essayer de tenir le rythme et ne pas se laisser ensevelir sous la neige pour se plaindre du comportement de l’elfe noire… Qui plus est, elle leur faisait certainement une sorte de faveur en les guidant ainsi sans qu’ils n’aient à les rétribuer d’une quelconque manière. Et malgré son caractère, elle était l’élément vital à la réussite de leur premier objectif : atteindre le village le plus proche.

Malgré les protections de Reïlo et une préparation correcte, excepté l’absence de vêtements réellement chauds qu’il ne possédait pas, le voyage fut une épreuve qui aurait pu être insurmontable s’ils n’avaient pas mis en commun leurs savoirs et leurs compétences. Manquant par deux fois l’ensevelissement, Gulmar avait vraiment hâte d’arriver à destination afin que les choses puissent retrouver un semblant de normalité. Il jeta régulièrement un coup d’œil à Mirtzar qui évoluait sans protection magique. Il était certes le plus robuste du groupe, mais aussi robuste qu’il fut, il semblait tout de même souffrir du froid.

Ce ne fut que lorsque la tempête cessa que l’humain remarqua à quel point le nain d’or était marqué par le froid. Il n’osa rien dire et se contenta de lui adresser un sourire compatissant lors des rares moments pendant lesquels leurs regards se croisèrent. Alors que la lumière du jour revenait et que la neige cessait, la fatigue grandissait et le rouquin n’avait plus qu’une seule chose en tête : arriver à bon port. Ce qui leur prit encore une poignée de kilomètres pendant lesquels chaque pas était encore plus difficile que le précédent. Alors qu’ils virent enfin le petit village et sa pancarte nominative, la guide les quitta, s’adressant à eux dans une langue qu’il ne connaissait pas avant de disparaitre purement et simplement. Il devait bien s’avouer que cela ne lui faisait ni chaud ni froid tant elle était désagréable. Il l’aurait tout de même bien remerciée de les avoir guidés jusqu’ici, mais il était certain qu’elle n’en aurait rien eu à faire…

¤ Ca va être compliqué sans elle. Mais au moins, on n’aura plus à la supporter. Va falloir qu’on fasse gaffe. ¤

Le groupe avança alors dans le village, découvrant de plus près son architecture et son agencement. Ses habitants aussi dont les visages soucieux et désemparés n’étaient pas du meilleur augure. Comme ses camarades, et sans avoir à vraiment se forcer, l’humain comprit que les habitants avaient fait le même cauchemar qu’eux. Il commençait alors à partager leur sentiment d’inquiétude, car il imaginait bien que cela ne devait pas être une coïncidence.

C’est le demi-drow qui brisa leur silence en premier. N’étant pas forcément à son aise dans un temple, mais étant trop las pour tenter de négocier, le chasseur de Gnolls acquiesça d’un signe de tête à la proposition du théurge qui consistait à aller dans le temple.

¤ Il y f’ra plus chaud, ça c’est sûr. Et Mirtzar en aura b’soin… ¤

Il posa un œil observateur sur le guerrier nain avant de reporter son attention sur le temple et les gens qui se trouvaient autour, comme s’il essayait de savoir quel accueil allait leur être réservé rien qu’en observant leur regard et leurs manières. Il répondit alors à Blanche Flamme, tout en regardant Mirtzar.

- T’as raison. Allons au temple. Là-bas on pourra s’mettre au chaud. J’crois qu’Mirtzar en a bien b’soin. Encore plus que nous…

Il n’accordait certainement pas le même crédit que Reïlo aux prêtres, mais il n’ignorait pas les facultés curatives dont certains temples étaient dotés. Il n’avait aucun doute quant au fait que Mirtzar pourrait se reposer et retrouver des couleurs en se réchauffant auprès d’un bon feu. Ils en profiteraient certainement tous deux pour se renseigner sur l’endroit où il pourraient trouver des vêtements décents pour faire face au grand froid de la région. Il se dirigea donc en direction du temple avec ses camarades pour y pénétrer et se mettre à l’abris des rigueurs du climat.



Gulmar utilise la compétence perception pour deux choses :

1- Essayer de voir dans quel état se trouve Mirtzar (peut-être même un jet de premier secours ?)
2- Tenter de détecter si certains des présents ont une réaction hostile envers leur groupe qui vient d'arriver.