Chapitre II : La route vers le Fort, Chapitre II : La route vers le Fort

Turumbar et Aimeric avaient à leur tour officiellement accepté de rejoindre leur expédition. Ce dernier avait même tendu son bras en direction de Sahadeva afin de marquer son engagement. Le Maquar l'avait saisi en retour et échangé un sourire avec le barde. Il appréciait la compagnie de ces musiciens qui, tout comme lui, se livraient tout entiers à leur art.

C'est avec le sentiment d'être entouré d'hommes de valeur que Sahadeva reprit route. Il aurait voulu prendre la tête de l'expédition, étant mieux protégé et plus habitué à combattre que la plupart de ses compagnons, mais il s'avérait que la plupart d'entre eux possédaient une monture : seuls Vieltal et lui devaient poursuivre leur itinéraire à pied. Le guerrier d'Estagund fit contre mauvaise fortune bon cœur et chemina aux côté de la mule qui portait le gros de leur équipement.

Soudain, tandis qu'il marchait, il remarqua qu'Aimeric tournait la tête, comme s'il semblait scruter l'horizon. Sahadeva n'avait rien aperçu de suspect mais, par acquis de conscience, il posa sa main sur son chakram, prêt à le lancer en cas de besoin.

Le petit chariot noir-nuit n’était en rien identifiable, aucun blason n’y était visible, aucune couleur brisant le noir dont il était peint entièrement. Les gardes armés ne l’étaient pas plus. L’armure des montures

Aimeric eut plus de chance avec le reflet qui lui avait attiré le regard, lui-même invitant Sahadeva à s’en approcher.

Mouvement, bruissement, fuite à la hâte vers un endroit apportant un meilleur camouflage d’une ombre à une trentaine de mètres d’eux. Le « quelque chose » était « quelqu’un », le reflet, quelque chose dans ses mains !

A cette distance, il leur aurait fallu la vue d’Elfe d’Azur’ael ou la vue perçante de Célestia pour l’identifier mieux. Pour les deux des quatre aventuriers à s’en inquiéter, il s’agissait d’un humanoïde d’un mètre soixante, ou peut-être un petit peu plus s’il était fortement vouté. Rien autour de lui ne bougeait, il était passé inaperçu aux yeux du chariot armé et sans doute de bien d’autre chariots marchands. Un brigand de grand chemin esseulé ?

Qui conque avait pris la route assez souvent l’aurait indiqué alors comme l’avant d’un piège qui se fermerait sur eux de l’arrière. Encore fallait-il oser s’attaquer à leur curieuse compagnie.

S’il courrait à sa rencontre, nul doute qu’ils risquaient de pousser les chariots armés à s’inquiéter d’eux et de leur approche. Il était tout aussi évident que la personne cachée les avait repérés.

Sahadeva observait la scène avec inquiétude. Le reflet qu'ils avaient aperçus pouvait très bien être celui d'une arme mal dissimulée. S'agissait-il d'une embuscade ? Et si c'était le cas, à qui était-elle destinée? Au convoi puissamment défendu ou à eux-mêmes ? Le Maquar s'abstint de toute conclusion hâtive : bien des choses étranges se déroulaient dans ces marécages, comme le prouvait leur rencontre avec un paisible homme-lézard quelques temps auparavant.

Le guerrier d'Estagund se contenta de signaler la présence suspecte à ses compagnons :

- Il y a un humanoïde là-bas, pas très grand. Est-ce un curieux, un éclaireur ou un ennemi embusqué? Je ne puis le dire... Quoi qu'il en soit, tenons-nous sur nos gardes...

Le Maquar avait évité de faire le moindre geste en direction de la créature, se contentant de le désigner d'un vague signe de tête. Sa main avait habilement glissé de son chakram vers son arc qu'il avait empoigné aussi discrètement que possible.

Un chariot gardé part des hommes en armure noires... Cela faisait repenser à Tùrambar au convoi marchant du réseau noir, le réseau du zentharim. Le paladin n'avait pas de preuve de l'appartenance de se convois à cette organisation, aussi ce contentait il d'avancer. De toute façon, ils étaient hors de porté de sa détection du mal.
L'Ilmate s'assura juste de la bonne tenue de la sangle de son écus. Il ne lui fraudais pas longtemps pour tirer sa lance en cas de besoin.

Pendant ces réflexions, Sahadeva les mis en garde discrètement que quelque chose, ou quelqu'un, c'était embusqué plus loin sur la route.
- Il est trop loin pour que je puisse utiliser mon pouvoir de détection sur lui. Approchons tranquillement. Ce convois noir me fait penser au Zentharim, je me méfie d'eux aussi...

A partir de cette instant, le paladin maintiendrait sa détection du mal.

Il n'y avait, sur ce chariot, aucun signe distinctif qui lui aurait permit d'identifier la provenance d'en tel convoi aussi lourdement armé et peut être même aurait-il pu en déduire la raison de leur présence ici. Mais dans le cas présent, il ne pouvait rien deviner de tout cela. Et pour un homme qui aimait savoir et qui fuyait l'ignorance avec la plus grande des vitesses, pensez bien que de ne pas savoir quelque chose était un véritable supplice. Sa curiosité avait été par contre parfaitement satisfaite avec l'éclat de lumière qui perçait les buissons.En effet, il ne pouvait s'agir que d'un objet de nature métallique, une arme probablement, tenue par un humanoïde, précision portée à la connaissance du groupe par Sahadeva qui semblait se préparer au pire. Le paladin aussi semblait privilégier la thèse de l'affrontement. Il était en effet très probable que la situation actuelle se soldât par l'opposition violente de plusieurs volontés contraires.

Le barde, imitant ses compagnons de route, prit avec prudence la hampe de sa lance. Il ne s'en était jamais réellement servi, mais il se sentait fin prêt à cela. Il ne dit mot, la tension était déjà assez haute, sans y ajouter les commentaires de tout un chacun, qui ne ferait qu'inonder l'air d'hypothèses qui ne pouvaient se vérifier.

Le convoi obscur s'avançait toujours non loin d'eux, il semblait ignorait le danger qui le menaçait. Le Barde garda à l'esprit tous les éléments de cette scène. Il pourrait, s'il s'en sortait, en faire une chanson épique. Cette perspective gonfla son moral qui avait été réduit au plus bas par l'annonce d'une violence soudaine. Des nuages passaient devant l'astre solaire, sa lumière baissa soudainement. Mauvais présage, se dit Aimeric...

Le manque flagrant de sagesse du jeune barde lui valait un sourire narquois. Prêt à en découdre avec qui que ce soit, il joua le jeu et continua le long du chemin tout en se rapprochant de ses nouveaux compagnons. Bien qu’il suspecte l’embuscade, il offrait présentement son dos à l’ennemi. Un archer moindrement talentueux le criblerait de flèches en un temps record.

C’était mesure pourtant cette perspective qui motivait le barde. Le sang dans ses veines commençait à battre la. Il se surprenait toujours à penser que les gens autour de lui entendaient également le tambourinement de ses tempes, au rythme sans cesse grandissant des décharges que son cœur produisait.

Ce tempo enhardissant était la musique que le barde préférait. Ne laissant rien paraître de son excitation sinon qu’il pianotait maintenant sur le pommeau de son épée, le skald osa un regard dans les fourrées autour. Ne questionnant pas les sens aiguisés de ses compères, il espérait voir de ses yeux la chose qui les filait.

Pourrait-il lancer un message à distance comme il l'avait fait lors de la rencontre avec les orques? Un petit mot subtil pour dire au cachotier qu'on l'avait repéré?

¤Voyons d'abord comment les choses se profilent...¤ se dit-il, toujours aussi excité.

La compagnie marchait désormais à pas de loup. Si la créature cachée pouvait douter avoir été repérée, c’était fini, il devait se sentir coincé, sous la menace voilée de l’arc de Sahadeva, sous le regard de Tùrambar cherchant les auras maléfiques par la bénédiction d’Illmater. Aimeric et Vieltal ne seraient pas en reste, chacun à leur manière participerait à la chanson relatant leur rencontre.

Le chariot noir lui, s’éloignait avec les suppositions qu’il puisse appartenir au Réseau Noir du Zentharim et toutes les craintes de se frotter à cette organisation aussi puissante qu’honnie. La curiosité d’Aimeric devrait s’en contenter puisqu’ils avaient décidé de les laisser filer et qu’eux même ne prenait pas même la peine de regarder derrière eux.

La créature bougea une fois de plus, peut-être de trop, prenant même le risque de se redresser à moitié pour pouvoir se déplacer et accroitre sa protection derrière une végétation disparate, et cette fois tous la virent assez clairement même s’ils étaient en droit de douter de ce que leurs yeux leur décrivaient : un humanoïde de taille moyenne … presque humain … mais au menton et à la bouche bien trop avancés en une sorte de museau, au visage trop couvert de poils noir et marron que pour qu’il ne s’agisse que d’une barbe, vouté, aux vêtements bruns, sales, abimés, et dans chacune de ses mains, une arme reflétant la lumière du jour. A droite un coutelas, à gauche une dague.

Les deux bardes avaient reconnurent sans aucun doute possible la forme hybride d’un lycanthrope, probablement un rat-garou, et pouvait être surpris d’en trouver un si loin d’une grande cité qui leur servait beaucoup plus souvent de cadre de récits qu’une route de commerce loin de tout égout.

Si le paladin n’en avait pas une connaissance aussi encyclopédique, il eut un instant de doute, une fraction de seconde, le temps de le chasser dans la zone sombre de son esprit. Son dieu ne pouvait le tromper, il ne pouvait en aucun cas s’agir d’un lycanthrope ! Il n’irradiait d’aucun mal !

L'embuscade n'en étant plus une, vous avez l'avantage si vous entreprenez quelque chose. Il se cache dans une sorte de sous-bois. Derrière lui la forêt est plus touffue.

Le regard de Sahadeva n'avait pas quitté la créature qui semblait embusquée. Turumbar avait suggéré que le convoi qu'ils avaient aperçu puisse être lié au Zhentarim, une association dont il n'avait que très vaguement entendu parler lors de son périple : ses ramifications ne s'étendaient visiblement pas jusqu'en Estagund, du moins officiellement. Les deux bardes avaient gardé le silence et semblaient tout aussi concentrés que lui.

Lorsque la créature s'était mise à bouger, le Maquar avait plissé les yeux afin de mieux la distinguer. Il découvrit alors une forme humanoïde des plus étranges : il n'avait jamais rien vu de semblable...

¤ Les voies de l'Adama sont impénétrables... Comment le créateur a-t-il pu enfanter de tant de créatures dissemblables?! ¤

Bien que surpris, le guerrier n'en restait pas moins attentif à son environnement. Il jaugea la situation : il n'avait pas envie d'user de violence contre une créature qui ne lui était pas hostile et à qui il n'avait rien à reprocher. En usant de son arc, il risquait de la blesser gravement voire, si les dieux guidaient son tir, de la tuer net, ce à quoi il se refusait catégoriquement.

- Il ou elle ne semble pas hostile. Soit on le laisser filer, soit, vous qui avez des chevaux, tentez de le rattraper avant qu'il ne gagne les bois pour en savoir en peu plus.

De son point de vue, les choses étaient aussi simples que cela. Pour sa part, il resterait en retrait, prêt à user de son arc si la situation l'exigeait d'une quelconque manière.

La paladin prit un air interdit devant le résultat de sa détection du mal.
-Heu messieurs, vos connaissances sont peut être plus vaste que les miennes à ce sujet... Mais d'après les quelques textes saint que j'ai lut... Le paladin prit une légère inspiration, puis récita :
-Des lycanthropes, point leur vouer de haine tu ne dois. Car victime du mal sombre de la malédiction, ils sont. Si les en libérer est en ton pouvoir, tu le dois. Sinon les libérer à jamais des souffrances du mal qui est en eux tu dois.
Bref normalement les lycanthropes sont censé être tous marqués par le mal. Hors celui-ci... Son aura est limpide.

Tùrambar poussa alors sa monture pour rattraper l'étrange créature, bien décider à en savoir plus.
-Holà l'ami ne t'enfuis pas. Je ne te veux aucun mal.

Il était évident qu'Aimeric, obnubilé par cette créature dont il ne décernait pas encore les traits, avait sciemment délaissé ce convois pourtant si captivant de mystère. Sans doute n'en reverrait-il pas de si tôt, mais il n'eut pas le temps d'exprimer le moindre regret. En effet, se relevant légèrement, dévoilant que très peu l'esquisse de sa forme hybride, la créature ne fît pas regretter son choix au barde. C'était un lycanthrope, l'hybridation n'était pas encore certaine, mais l'idée que ce fut un rat-garou prenait de plus en plus la forme d'une certitude. Le seul bémol qu'Aimeric émit sur sa propre conclusion fut l'absence de ville à proximité et donc de l’environnement naturel de ce genre de créature, les égouts. Que pouvait-il faire aussi loin de sa demeure ? Que faisait-il seul ? Sahadeva coupa sa réflexion en indiquant ce qui était, selon lui, la marche à suivre pour en savoir plus. Procédure qu'il acquiesça du chef.

Le Barde pointa sa lance vers le ciel de la manière la plus amicale possible et entreprit de partir à la rencontre de cette créature. Le paladin le devança avec zèle, chargeant le rat-garou sans autre mesure de protection que l'arc du Maquar qui, pour tout aussi efficace fût-il, ne pouvait contraindre personne à s'arrêter sans que cela fût définitif. Aimeric, craignait de voir cet être nouvellement révélé s’échappait dans cette forêt épaisse qu'il avait derrière lui. Il entreprit donc de laisser la charge au paladin, et de prendre la direction de la forêt afin de couper toute retraite à cette créature. Il ne lui voulait aucun mal, mais il voulait des réponses. Trop de choses se passaient dans cette contrée, sans que rien n'en fût expliqué à qui que ce fût et ne pas savoir pour Aimeric, était la chose la plus insupportable qu'il eut à endurer au cours de sa vie.

Une mine tendue, l'homme aux cheveux blonds arriva dans les sous bois, son air attentif sur le visage. Il était possible qu'il le manquasse, le paladin avait lancé sa monture à pleine vitesse. Il espérait être arrivé à temps. Ses yeux tentaient de deviner la nature de chaque ombre que faisait naître cette épaisse zone boisée, dans l'espoir d'y reconnaître la forme caractéristique d'un rat-garou. L'espoir ferait-il place à la déception ?