۝ Sous les flots ۝, Traité de l'Eau - III

Pour imperceptibles qu’elles purent être pour les nouveaux venus, La Magouille acquiesça aux recommandations d’Euréka et leur répondit sur un ton qui ne traduisait aucune crainte. Que du contraire ! N’étaient-ils pas ces visiteurs de la surface qui avaient traversé l’Outreterre pour emprunter un accès qui faisait frémir le plus courageux des Nantarns.

- Nous sommes en recherche d’un peuple oublié dont certains individus vécurent ici pendant un temps. Loin de nous l’envie, l’idée même, de reprendre leur commerce aussi lucratif fut-il. Si vous nous disiez à votre tour qui vous êtes et sous quel prétexte vous vous êtes permis de nous agresser de la sorte ? Les vagues ont dû vous apporter d’autres informations sur notre compte. Sous-entendre que des pilleurs aient pu arriver jusqu’ici sans être repérés par la puissante garde de la cité n’est pas loin de les insulter, je gage que vous saviez très bien qui nous étions.

La Magouille n’avait pas volé son surnom, sa pensée avait suivi celle du gnome, il ne croyait pas plus à l’idée des pilleurs. A l’entendre, même Galopin reprit un peu de contenance, il clignait des yeux, sa vue lui revenait déjà. De sa cachette, Euréka pu se rendre compte que le jeune garde n’en menait pas large.

L'eau transmettait le son plus vite et plus loin qu'à l'air libre. Passé le trouble du brouhaha, ils s'en étaient rendu compte sans vraiment s'en inquiéter et leur passage par la bibliothèque n’avait pas dû passer inaperçu du tout même si ils n’étaient pas directement responsables de l’état du gardien. Le soldat au côté de la dame lui toucha le bras et elle lui répondit pleine de miel, minaudant : - « Attendons juste un instant si vous le voulez bien, que nous puissions juger ensemble qu’ils ne risquent pas de chercher à me blesser en représailles et vous pourrez nous laisser valeureux garde. Vous comprenez à quel point il serait regrettable que moi, Tula Duadil, nièce du seigneur de Naramyr soit blessée sous votre garde n’est-ce pas ? »

Elle répondit ensuite à La Magouille sur un ton qu’elle espérait supérieur : - « Je m’en voudrais de vous donner tort, visiteur mais n’étant pas Nantarn moi-même, j’en viens parfois à oublier le havre que constitue cette cité. Je réitère mes excuses, ce qui, vous le comprendrez, est le plus précieux que je puisse vous offrir. A moins que vous n’ayez une idée me permettant de vous prouver ma bonne foi ? »

obun n'aimait pas ça, bien que ce soit un jeu auquel il excellait, les deux camps entraient dans un jeu de dupe. Peut être pour rien, peut être une lutte à mort. En tout cas, si l'on s'en tenait aux faits, ils leurs barraient la seule sortie possible. Heureusement, la magouille était rusé, et ils avaient l'avantage de l'anneau, ils n'étaient pas trop de deux pour penser.

¤Elle a peur des représailles, mais quant-à nous, nous ne devons pas nous désarmer pour autant. Celle là ne m'inspire pas confiance. Le sort, je suis prêt à parier que c'était pour nous tester. Elle veux voir comment on réagit et qui nous sommes. Elle a un service, ou une mission, très certainement peu honnête, à nous demander, ou alors Garl me joue un tour. Demande lui franco, soit ils sortent les premiers, elle nous attend à l'extérieur, et les gardes partent avant que nous, nous sortions. Soit, elle reste ici, avec le garde, mais ce dernier se désarme. Il devra agir en tant que garde, c'est-à-dire rester neutre et être témoins, ce qu'ils n'ont pas vraiment réalisé jusque là. Elle craint les représailles, dis lui donc que contrairement à elle, nous ne sommes pas assez fou pour nous en prendre à quelqu'un en ces lieux. Mais que si la manie de jeter un nouveau sort lui prenait, nous serions capable de nous défendre. Pour cette raison, nous préférons qu'il y ait une personne tierce sur place, qu'on ne se fasse pas accuser d'agression à tord. Si je ne me trompe pas, ça devrait l'embarrasser. Et elle voudra se séparer du garde. Si tu vois moyen de tirer profit de la situation par ailleurs, profites en.¤

C'était maintenant à son tour de récolter des informations. Qui était-elle, elle avait mentionné cette autre citée légendaire Naramyr. Il lui fallait se rappeler quel était son seigneur, et quel genre de personnage il s'agissait. Si du moins les gens de la surface en étaient informé. Une chose était certaine, c'était un argument de poids en ces lieux pour que le garde ne moufte pas après une agression gratuite caractérisée. Depuis l'ombre, le gnome commença à la détailler. Il n'y avait pas quantité de raison pour laquelle cette femme venait les interpeller de la sorte. Elle avait besoin de personne extérieur aux lieux, à qui elle pourrait demander un service compromettant qu'elle ne pouvait pas se risquer de réaliser elle-même, et dont elle pourrait se désolidariser en cas d'échec des petites mains. Rien qui n'intéressa le gnome... à moins qu'elle n'ai quelque chose d'intéressant à proposer de son côté. Et pas monétaire, ni même en service, mais des informations, ou plutôt des secrets, sur le livre qu'ils cherchent. Néanmoins, de ce livre, il ne fallait surtout pas en glisser un mot.

¤Accessoirement, si l'envie t'en prend aussi, tu peux toujours lui demander la faveur de quitter les lieux aller voir ailleurs si Elminster ne traînerait pas dans le coin.¤

Naramyr ne leur disait rien de précis ; il devait s’agir d’un royaume des profondeurs voisin. Maintenant que les frontières de Myth Nantar étaient suffisamment ouvertes que pour accueillir des visiteurs de la surface, pourquoi ne le seraient-elles pas pour une Elfe des mers des alentours? Soit la cité avait changé de nom depuis, soit les Océanides n’avaient jamais commercé avec eux et la Cité du Destin leur avait suffi comme comptoir sous-marin car aucun souvenir de leur part ne leur revient non plus.

¤ Doucement mon jeune ami … ma langue n’est pas aussi rapide que ton esprit ! ¤

Il y avait du rire dans la réponse mentale de La Magouille, et un plaisir non dissimulé dans ce qui était véritablement son domaine de prédilection. Abondant dans le sens du gnome pour la plupart, il transmit chacune de ses idées et ses propositions d’évolution de la situation en prenant le parti d’être en position de force plutôt que l’inverse.

Son jeune âge et la réputation des visiteurs firent perdre l’avantage dans la discussion à l’Elfe. Le ton de La Magouille, intelligemment supérieur et plein de reproches sous-entendus, la déstabilisèrent assez que pour lui faire prendre le risque de l’inviter à faire partir le garde : - « Mon bon garde, je vois que nos amis sont d’assez de sagesse que pour ne pas risquer atteindre à notre intégrité. Je ne t’oublierai pas et parlerai de toi en bien à qui de droit. Laisse-nous maintenant je te prie. »

Sous ses airs supérieurs malgré la situation, sa peau aurait pu être d’ébène plutôt qu’aussi blanche que la nacre. Elle signifiait très clairement qu’elle avait effectivement quelque chose à leur demander, ou au moins à leur dire et confirmait une fois de plus que si elle n’en avait pas eu la certitude, elle espérait bien tomber sur eux et pas sur quelque voleur de corail.

- Vous n’avez pas tort, bien que je doute qu’il puisse me trahir, ce n’est jamais qu’un garde auquel il aura été inculqué que sa cité à plus de valeur que sa vie et qui l’aura pris pour parole divine. Je devais juste m’assurer que vous seriez assez … sages … que pour entendre au moins ce que j’avais à vous dire. La discussion est agréable mais passons, nous avons d’autres choses plus intéressantes à faire, vous comme moi.

Le ton mielleux que la jeune elfe avait utilisé pour parler au garde –il n’était pas difficile de comprendre qu’elle avait joué d’autant de charme que de sa position- avait totalement disparu pour laisser place à un ton sec, froid et calculateur.

- J’espérais vous rencontrer, c’est vrai, il n’y a pas grand-chose que je ne sache de vos agissements depuis votre arrivée ici et je pense que nous pourrions trouver un arrangement dont nous tirerions tous les deux profit. Avant toute chose, s’il était nécessaire de vous le préciser, vous pourriez essayer de me faire chanter pour ce que je vais vous dire, il faut que vous sachiez que j’ai d’autres entrées qu’auprès des gardes et qu’il serait très mal venu de tenter ce genre de chose.

Elle marqua une pause, jaugeant ses deux interlocuteurs : - « Vous cherchez à pénétrer sous la cité et moi à acquérir quelque chose qui m’est refusé et qui vous a été offert alors que vous étiez de parfaits inconnus. Contre l’un, je peux vous offrir une opportunité d’accéder à l’autre. Vous voyez de quoi je parle n’est-ce pas ? Qu’en pensez-vous ? »

Ce fut au tour de Galopin cette fois d’utiliser le pouvoir de l’anneau. Mal à l’aise avec ces mystères décidément trop compliqués pour lui, il devait mettre des mots derrière ces phrases lacunaires.

¤ Elle peut nous offrir l’accès aux Portes Dorées ! Ca ne peut être que ça ! La seule chose qui nous a été donné ce sont les laisser-passer de Jorunhast ! ¤

Il avait raison, ni La Magouille ni Euréka ne le contredirait, ils l’avaient déjà compris.

ls avaient eu un coup d'avance, mais voilà qu'elle les prenait de court avec sa proposition. Cette dernière était en tout point vrai. En tout points si l'on exceptait le fait qu'ils n'avaient pas, pour l'heure, prévu d'escapade dans les sous-terrain de la ville. Rien qu'à l'idée de la liche, Dobun frémissait de peur. Et puis, s'éclipser ainsi c'était risquer à la fois la colère du conseil de la ville, mais plus encore celui de leur rares alliés.

Néanmoins, la proposition ne lui semblait pas tout à fait à rejeter. Ils auraient peut-être à s'aventurer dans le dédale, et découvrir le livre de l'eau importait plus que tout, par respect pour ceux qui étaient tombés. Une chose était certaine, il fallait répondre.

A ce stade là, le gnome hésita, devait-il apparaître devant l'elfe, ou rester dissimulé dans l'ombre, menaçant, et peser ainsi sur l'échange? Il fallait admettre que la magouille s'en sortait brillamment, sans doute bien mieux que ne pouvait espérer le faire Eurêka. Ce dernier s’apercevait qu'il se sentait bien plus à l'aise, là dans les ombres, à chercher des réponses. Place qui lui seyait bien plus qu'au plus fort d'une discussion où il aurait eu bien trop tendance à parler pour ne rien dire, et risquer de révéler des informations involontaires à plus habile que lui.

¤ Si vous n'y voyez pas d'objection, je reste dans l'ombre. Maintenant, en ce qui concerne la proposition de notre interlocutrice. Je suis méfiant, et pas très à l'aise avec l'idée de trahir nos rares alliés en ces lieux pour les dieux savent quoi comme conséquences. Mais cela pourrait effectivement nous être utile. Sans compter qu'elle a moyen de peser sur nous au vu de ce qu'elle vient de dire. Un refus trop net nous fermerait à coup sur des portes. Donc dis lui que pour l'heure, aller faire un détour dans le dédale est hors de question. Mais que, peut être cela s’avérera-t-il nécessaire, et dans ce cas, nous réfléchirions à sa proposition. Qu'elle nous laisse un moyen de la contacter discrètement.¤

Et accessoirement, cela leur permettrait de se renseigner un petit peu sur la demoiselle. Mais là aussi, il leurs faudrait être rusés. Si elle découvrait qu'ils enquêtaient sur elle, il était plausible qu'elle en prenne ombrage, ou qu'elle craigne pour ses secrets. Il leur faudrait agir le plus discrètement possible, et à ce sujet, le gnome avait déjà ses petites idées.

¤Au pire, on trouvera toujours un moyen avec ou sans elle pour atteindre les fameuses portes.¤ Pensa-t-il un peu trop fort si bien que ses compères l'entendirent via l'anneau et qu'il dû se reprendre. ¤ Oui, euh,... enfin, on reste sur l'idée de départ, on pourrait peut être avoir besoin d'elle quand même.¤

Comme il était pratique d’être deux pour réfléchir et pour se permettre de laisser ses pensées suivre d’autres voies pour ne jamais paraitre surpris. La Magouille souriait –aux réflexions d’Euréka mais leur interlocutrice était totalement incapable de s’en rendre compte –reprenant, une fois de plus, l’Elfe à contrepied là où elle pensait les surprendre –ce qu’elle faisait vraiment d’ailleurs.

- Nous y voilà. Voilà enfin la raison de cette rencontre. Vous souhaitez que nous vous offrions quelque chose d’à ce point précieux qu’il justifierait de prendre le risque de vous mettre le Conseil, et la ville dans son ensemble d’ailleurs, à dos … contre … un accès aux Profondeurs de la Cité alors que c’est au travers elles que nous sommes arrivés ici ?

S’il lui laissa quelques secondes pour digérer cette première phrase, c’était surtout pour s’expliquer auprès de ses compagnons : ¤ On doit garder notre position de force, qu’elle n’oublie pas que nous sommes plus forts qu’elle et qu’elle ne pourra pas se jouer de nous non plus, quelle que soit sa position diplomatique. ¤

- Mais vous parlez certainement du Caveau, lieu interdit aux non-elfes et protégées par une armée plus grande que celle qui défend le reste de la Cité. Si votre bras est véritablement aussi long, il est effectivement intéressant que nous restions en contact le temps de notre passage ici, vous pourriez être un contact précieux.

Pour renforcer le sentiment qu’il ne s’agissait pas que d’un duel mais que le roublard parlait bien au nom de leur groupe, c’est Galopin qui conclut. Il avait retrouvé la vue et l’assurance qui l’accompagne face à cette jeune elfe qui avait tout d’une enfant, le regard vaniteux excepté : - « Pour cela ou pour autre chose parce qu’il nous a été défendu de descendre dans les Profondeurs et que nous ne souhaitons absolument pas contrarier nos nouveaux amis. Comment ferons-nous pour vous contacter si nous en avions envie ? »

La nièce s’avoua vaincue sous le coup de la conclusion de l’échange. Si tout n’était pas perdu pour elle et qu’elle ne risquait pas d’être dénoncée pour quelque chose qu’elle n’avait pas aussi clairement formulé, sa tentative d’obtenir un passe était un échec cuisant.

- Je suis surprise, vos semblables prennent peu souvent le temps de la réflexion, tout à leur pathétique mortalité. Il se peut que je vous aie légèrement sous-estimés, il est vrai. Soit ! Tant qu’il est entendu que je ne serai ni votre guide, ni votre laisser-passer pour où que ce soit sans une contrepartie de même valeur, nous pourrons encore nous entendre. Prenez cette écaille –elle décrocha une écaille vert sombre de sa tunique –et prononcez mon nom en la serrant en main et j’entendrai les quelques mots suivants que vous prononcerez.

Elle ne les salua pas. D’un bon léger en arrière, elle disparut par où elle était venue. Quelques secondes plus tard, l’eau leur transmis en murmure des mots durs, en reproche au garde qui ne s’était visiblement pas éloigné assez à l’idée de la demoiselle, puis à nouveau mielleux pour qu’il ne lui vienne pas l’envie de la dénoncer mais au contraire de rester plus ou moins à son service.

Puis plus rien. Ils étaient à nouveau seuls dans la cave de l’ancien commerce Océanide, à côté de la fresque qui leur avait presque montré ses secrets.

urêka sortit des ombres, et son premier acte fut de féliciter d'un large sourire amusé les talents de la Magouille. Ils s'en étaient sortis avec brio, et il fallait reconnaître qu'une grande partie de la victoire revenait à Kern.

- Par Garl! C'était bien joué! »

Mais ils n'étaient pas pour autant beaucoup plus au clair. Beaucoup de mystère, et pas beaucoup de pistes. Le gnome songeait à part lui-même qu'il serait drôle que l'ouvrage qu'ils cherchaient soit tout bêtement à la bibliothèque, dans un rayonnage à l'écart, ou autre bêtise de ce genre. Malheureusement, son intuition lui soufflait qu'il leur faudrait descendre dans les profondeurs à la rencontre de la liche. Et c'est avec un frisson que le gnome songea qu'il était rare que son intuition soit fausse.

- Bon, Il va falloir enquêter sur la donzelle, le plus discrètement possible car on sera tous d'accord, elle est dangereuse. Pour le reste, vous voyez ce plan. Avec l'or chez tout ce qui concerne les Dukar, la Teouxvilit pour la bibliothèque et les temples, et enfin l'acier perle au niveau des sept portes d'Amtolat, du caveau, et enfin de la fontaine de feu. Ce que vous ne voyez pas par contre, c'est qu'il y a un tracé de fils magiques sous cette carte. Avec sept fils qui partent des sept portes, un qui vient de la montagne, sans doute plutôt du caveau sous celle-ci, et un fil du colosse. Ils forment un maillage sur toute la ville, que je vais tenter de reproduire rapidement sur la tablette. A un endroit pourtant, il y a un trou. Ce trou, c'est le temple de Sashela des Profondeurs. A mon avis, il y a un code selon les matériaux. C'est assez facile pour l'or, qui ne concerne que les Dukar, et pour le cristal qui concerne le savoir et la spiritualité. Pour l'acier perlé et la magie par contre, cela reste flou, surtout que les sept portes se retrouvent dans les deux, mais pas le reste. Des deux côté on a quelque chose en lien avec le feu, le colosse et la fontaine, et des deux côté quelque chose en lien avec ta terre, le caveau et la montagne. Ce qu'il reste aussi à déterminer, ce sont les relations entres les différents éléments.

Tout en parlant, le gnome recopiait dans les grandes lignes, le plan, et les différents fils magique qui le parcourait. Tachant de voir si des fils ne recroisaient pas plusieurs lieux. Ce qui pourrait leur révéler des relations intéressantes entre les différents éléments du tableau.

- Une chose est sure, il va nous falloir enquêter fil par fil, lieu par lieu. Pour les Dukar, nous savons déjà qu'ils tenaient absolument à y rentrer, et que cela a été refusé. Je me demande s'il n'y avait pas autre chose, quelque chose plus lié à la localisation, où à ce que possédaient les Dukar plutôt que le simple fait de pouvoir y être recruté. Ils devaient vouloir accéder à quelque chose, comme cette elfe. Mais quoi? Et Pourquoi? Le dortoir me semble être un indice, si cette piste n'est pas la mauvaise. »

Dobun cherche à voir si certains lieux sont relié par un même fil, si les fameux fils se croisent et où (si cela correspond à un bâtiment marqué sur la carte). Quelques demande de précision sur le HRP.

Euréka se concentrant sur les fils de magie, pour tenter de les reprendre sur son plan, comprit son erreur de les avoir considéré sur un même plan justement. Commençant à suivre celui qui partait du Colosse, il le vit s’étendre et s’étendre encore. Non pas vers un autre bâtiment ou pour croiser un autre fil … mais à travers l’espace, à des kilomètres de là ! Son esprit s’y accrochait et c’était comme s’il se tenait à un fil lumineux dans un océan d’une noirceur insondable. Il y avait d’autres fils, plus loin sans qu’il puisse en deviner l’éloignement, qui reliaient d’autres lieux entre eux.

Sa conscience n’était plus dans l’échoppe, elle suivait le dessin d’un chemin qui traversait les plans. Le fil se terminait quelque part à la surface, très loin de Myth Nantar. Puis sa concentration se brisa comme du verre sur un sol de marbre. La voix du parangon Qos était la seule chose que ses sens lui permettaient encore de percevoir.

¤ Arrête là jeune gnome ou tu t’y perdras ! Le Pouvoir … voilà ce que les Océanides cherchaient. Comme un ivrogne cherche à boire ! ¤

Euréka était revenu auprès de ses compagnons avec deux nouvelles certitudes : les fils représentaient des chemins de traverse, permettant de rejoindre des lieux aussi éloignés que possible d’une part, Qos venait de l’aider à résoudre un des mystères qui le taraudait de l’autre.

Cette phrase était tellement pleine de bon sens qu’elle souligna des éléments que ni Euréka, ni ses compagnons n’avaient encore relié entre eux. Les Océanides étaient visiblement puissants, leurs connaissances arcaniques liées à leur maitrise élémentaire étaient exceptionnels et pourtant aucune guerre ne portait leur nom, l’histoire les avait pratiquement oublié, les reléguant au rang de simples marchands alors qu’ils avaient la prestance de rois.

Cette ressemblance avec les Néthérèses ne pouvaient être un hasard, pas plus que le choix de s’implanter là, dans cette ville riche de ce mythal, d’un savoir immense et d’une utilisation de la magie inédite dans les Royaumes. Les Dukars étaient riches de secrets qu’ils ne partageaient avec personne d’autre. N’était-ce pas là une raison suffisante ?

Et pourtant Euréka savait qu’il y avait autre chose, le Traité de l’Eau était là, quelque part ! La clé devait se trouver sur cette carte et ce trou de magie n’était pas un hasard !

- Un trou tu dis ? Ici ?

Galopin s’était mis sur la pointe des pieds pour indiquer du bout du doigt le Temple de Sashelas des Profondeurs et tandis qu’il en approchait la main, munie de son anneau de l’Ouroboros, c’était comme si le trou se comblait et Euréka ne fut plus le seul à voir la magie de la fresque. Les fils des Portes traversaient l’eau autour d’eux et, autour du temple, se dessina un serpent se mordant la queue. L’Ouroboros.

l le savait, la curiosité le perdrais un jour. Mais là, il fallait admettre que ce n'était pas passé loin. Alors que son esprit allait se perdre dans les méandres du multivers, il fut rappelé à la réalité par la voix du corail, qui décidément était un allié de choix! Dommage qu'il ne réponde pas souvent, sans cela, le gnome en aurait eu des questions à lui poser, surtout qu'il paraissait connaître les Océanides.

Mais il n'eut guère le temps de tergiverser là dessus, que déjà Galopin par une brillante idée glissait son anneau dans le « trou de magie ». Beaucoup de points restaient cependant mystérieux à l'esprit du gnome, à commencer ce mystérieux lien entre l'Ouroboros et Sashelas. D'ailleurs, il adressa une bref prière silencieuse et rituelle à l'apparition du symbole, puis après cette courte méditation, il reprit.

- Bien joué Galopin! Mais tout ça reste très confus à mes yeux. Attendons de voir s'il se passe quelque chose de plus que l'apparition du symbole divin. Sinon, il nous faudra aller là bas, car ce lieu aura très certainement un lien avec l'Ouroboros. Le lieu était peut-être l'ancien lieu de culte de l'Ouroboros. Si tel était bien le cas, les prêtres actuels sauront sans doute quelque chose. Il faudra aussi jeter un oeil à ces fameuses portes. »

Le gnome était songeur, tout en observant ce qui se tenait devant lui, Dobun réfléchissait. Quand bien même cela le tracassait, ils n'avaient pas forcément à résoudre tous les mystères. Si sa supposition était bonne, les fils indiquaient les portes. L'une d'entre elle indiquait sans doute celle par laquelle ils étaient arrivés. Si cette idée se vérifiait, ils trouveraient des informations aux sept portes. Le temple de Sashelas était peut-être l'ancien temple de l'Ouroboros. Dans les deux cas, il leur faudrait vérifier. Le dernier point à éclaircir était le pourquoi des indices en acier perlé, ce que cela recelait, indiquait.

- Si rien ne se passe de plus, je vous propose de filer au temple de Sashelas. Puis aux sept portes pour enquêter un peu. Ensuite, nous irons à l'académie Dukar, voir s'ils ont des archives de leurs négociations avec les Océanides. Ils cherchaient le pouvoir, mais ce ne sont sans doute pas les seuls. Pourquoi le leur a-t-on interdis de rejoindre l'académie? Ils devaient représenter un danger d'une forme ou d'une autre, peut être allaient-ils trop loin dans leur magie et dans les forces qu'ils mobilisaient. Et puis, là bas, nous en saurons sans doute plus sur notre collègue. »

Avec plus de précaution, le gnome retrouva le “fil” par lequel ils étaient arrivés et comprit, grâce à lui, que certains étaient à sens unique. Les 7 fils qui étaient ‘accrochés’ aux portes d’Amtola, au contraire, devait autant permettre de partir que d’arriver. Un élément de plus en contradiction avec l’idée que Myth Nantar était coupée du reste du monde à moins que ces portes ne soient plus guère utilisables depuis longtemps. Celui du Colosse permettait seulement de partir, il l’avait bien compris également.

La Magouille et Galopin donnaient raison à celui qui avait définitivement pris en main leur expédition mais le Hin ne put réprimer une grimace en entendant la liste des choses qu’il leur restait à faire.

- Y arriverons-nous un jour ? Chaque réponse amène encore plus de question … J’aime cette ville, je m’y sens vraiment bien et pourrait y passer ce qu’il me reste à vivre, même avec l’arrogance des Elfes des Mers mais qu’en est-il de notre Traité de l’Eau et de l’urgence de sa découverte ?

Sa question était compréhensible, même si ils avaient remarquablement avancé dans leurs recherches, ils étaient loin d’en avoir terminé. Comment retrouver les traces d’un peuple disparu depuis si longtemps qu’il était oublié même des Elfes ? Et pourtant ils parvenaient à déblayer les couches de corail qui avait recouvert leur histoire comme la poussière l’eut fait à la surface. Ils approchaient du but, cet Ouroboros ne pouvait dire autre chose !

- Une chose à la fois, bien sûr que nous y arriverons ! D’ailleurs, si je vois bien, les ‘sept portes’ sont à mi-chemin vers le temple, passons par-là, ce sera déjà ça de fait.

L’Humain était beaucoup moins défaitiste, ragaillardi par sa rencontre avec la ‘Princesse’. Il aimait ces enquêtes citadines, il s’y sentait bien. Dans son élément.

Quittant l’ancienne échoppe, les Porteurs se dirigèrent plein nord, en direction du temple. La nage leur devenait de plus en plus aisée, même pour Dobun qui était mu par une curiosité le poussant à se dépasser à chaque instant. Ils quittèrent le quartier des affaires en traversant l’avenue Chamal pour découvrir, de haut, une zone presque aussi dégagée que ne l’étaient les alentours des temples. Tout autour, des tours renversées, et d’autres ruines d’habitations, vestiges de la dernière guerre qu’avait subi la cité étaient prises dans le ciment implacable du corail.

Cet espace, comme les autres déblayés, donnaient une idée de la splendeur passée de Myth Nantar. Cette place d’une centaine de mètres de diamètre était recouverte de marbre vert et de corail bleu formant le motif d’une sirène prodigieuse. Ses cheveux, ses bras et sa nageoire caudale pointaient vers des arcs de corail, finement sculptés sur le périmètre du cercle. Sous la queue de la sirène, lisible même de cette distance, était écrit ‘AMTOLA’, ‘voyageur’ dans leur langue, ils le surent même si aucun ne se savait la parler.

Chaque arc portait encore les traces de la douzième guerre de Serôs, ils en avaient perdu leur magie de portes.

Auprès d’un, se tenait un personnage qu’ils reconnaissaient sans peine avec sa robe de mage nacrée parce qu’il les avait défendus contre son propre frère lors du Conseil : il s’agissait de Pharom Ildacer, Haut Mage de la cité. A ses côtés, quelques artisans ou autres, ils n’auraient pu le dire comme ça, terminaient de restaurer la mosaïque et les alentours directs.

De ce qu’ils voyaient, le Haut Mage enchainait les enchantements sur un premier arc en meilleur état que les autres d’avoir déjà été restauré. Ils faisaient courir sur toute la surface de corail des éclairs rose, azur, blanc y dessinant rapidement des glyphes absorbés par l’arc.

- On continue vers le temple ou on se pose un instant ?

obun avait bien conscience que tout ça ne menait peut-être pas au livre. Néanmoins, il ne voyait pas trop comment mener autrement sa recherche s'ils ne voulaient pas trop ébruiter l'affaire, et à ce sujet, le gnome préférait être précautionneux au vu de l’accueil qu'ils avaient eu. Certains pourraient y voir ombrage et leurs mettre des bâtons dans les roues. Le gnome se disait toutefois qu'il leur faudra bien en parler à l'un ou l'autre. Mais il faudrait choisir ces personnes avec soins.

Les sept portes indiquaient un nouveau mystère. Et après avoir fait signe à ses compagnons d'aventure de le suivre, c'est avec enthousiasme que le gnome se dirigea vers le lieu des travaux pour en observer le déroulement. Là au moins, il n'était pas question de se taire.

- Bonne rencontre! » Et Eurêka s'inclina très respectueusement en direction de Pharom Ildacer et des personnes l'accompagnant. Après cela, il jeta un coup d’œil pas vraiment protocolaire aux « travaux » en cours, si tant est que l'on puisse parler de travaux. Après un bref instant d'observation, le gnome se permit de demander le plus poliment possible.
- Vous faites là quelque chose de bien intriguant! Voyez-vous, nous étions très intrigué par ces portes des voyageurs et leur histoire, lorsque nous en avons découvert l'existence. Et voir que vous y faites des fouilles ou des restaurations rend l'affaire d'autant plus intéressante! Une nouvelle théorie historique est-elle en cours sur les lieux? A vrai dire nous ne connaissons pas vraiment quel est l'histoire reconnue de ce lieux, mais voir le savoir en action est toujours quelque chose d'enrichissant. »

C'était là une entrée en la matière pas des plus habiles, mais elle restait honnête, et pour cette raison sans doute bien plus facilement excusable. Et puis, les mages étaient des curieux, et le gnome ne doutait pas un instant qu'une personne comme lui comprendrait tout aussi bien que lui même cette soif insatiable de savoir.