L'or et le Sang à Morteneige, Là où on trouve de l'or, tout va mal

L'absence de Belgos avait sauté aux yeux du druide habitué à regarder tout autour de lui, même parfois un peu trop souvent. Il ne savait pas où se trouvait le rôdeur demi elfe, mais il se disait que lui même avait très envie de prendre la poudre d'escampette. Il préférait se retrouver dehors, plutôt que rester enfermer ici. Il se sentait à l'aise dans la maison de Dame Piqueglace, seulement sa préférence allait aux environnements sans murs et sans barrières, la nature sauvage sans frontières qui mettait toujours l'homme face à lui-même et où il se sentait réellement vivant. Evitant de penser à ça, il suivit tous les autres et monta dans le chariot, trouvant cette partie du plan ridicule. D'ailleurs, à bien y songer, le plan en lui-même était mal ficelé, reposait sur bien trop d'inconnues et sur le hasard. En fait, aux yeux du damarien, le plan reposait plus sur la chance que sur une stratégie pure. Kurtik tirait trop sur la corde tout en rognant sur la qualité se qui faisait que le druide savait qu'il ne serait guère surpris si leur plan tombait à l'eau. Cependant, il était prêt à accorder le bénéfice du doute au chef nain, le sachant plus expérimenté et concerné par ce genre de choses. Il sortit donc de sous la bâche quand on lui dit que c'était possible et s'éloigna un peu pendant une vingtaine de minutes avant de repartir vers la porte et quitter la ville.

Une fois en dehors de toute muraille, Kerlomar ne put s'enpêcher de respirer à plein poumons, savourant la liberté retrouvée. Cependant, il avait une mission et c'était bien là la seule chose qui lui faisait garder la tête froide.

¤ Bon, direction Neigeville, allons donc voir où s'entassent tous ces prospecteurs et cette fameuse racaille. ¤

Kerlomar marcha d'un pas vif pour rejoindre la cité des prospecteurs qu'il trouva assez facilement. Mais pour lui, elle était une véritable plaie pour Morteneige car sa taille, sa distance et ses habitants la transformait en zone de non droit, ou la seule loi était celle de l'argent et où ceux qui avaient la bourse bien remplie pouvaient se permettre presque tout. Certes le druide était pessimiste de nature quand il pensait à la civilisation, mais là ça battait des records. Tout en marchant, un nouveau problème se présenta à lui : Haridian. Il ne voyait pas comment il pourrait justifier qu'un prospecteur se balade avec un rapace nocturne sur l'épaule. S'arrêtant, il prononça quelques mots dans le langage secret de ses pairs et la chouette brune prit son envol silencieusement, comme si elle n'avait jamais été présente sur ce lieu. Il ressentait un petit pincement au coeur en voyant son amie à plumes s'envoler loin de lui même s'il savait qu'elle ne le quitterait pas des yeux et veillerait sur lui depuis le ciel, la nuit ne la dérangeant pas pour cette tâche. Néanmoins, il aurait préféré la garder avec lui. Etant resté sur place pour la voir s'éloigne,r il en profita pour regarder son sac et enfoncer son cimeterre le plus profondément dans son sac. Pour plus de sécurité, il passa sa couverture dessus, afin que même le bou de la garde de son arme ne soit pas visible.

¤ Bon, il est temps d'y aller. ¤

Kerlomar respira une nouvelle fois une grande lampée d'air pur, piquant et froid et reprit la route. entrer dans la cité de toile n'était pas un problème, trouver l'auberge de Vandar encore moins. Il pénétra dans le bâtiment à l'atmosphère étrange à son goût et regarda aussitôt dans tous les coins, repérant Kurtik allant s'assoir à une table avec une chopine à la main et décida de faire comme lui. Il s'approcha le plus naturellement du monde auprès du bar et s'installa en face de la femelle demi elfe à laquelle il fit un petit sourire.

- Bonsoir. Une chope de votre meilleure bière je vous prie. Et j'aimerai également avoir une chambre ainsi un repas chaud et consistant.

¤Me rassurer ? Il en a de bonnes le commandant !¤

Moins il pensait au plan, plus le sonnlinor parvenait à se rassurer et à se dire qu'il vivrait au moins jusqu'au lendemain matin. Seulement il n'était visiblement pas le seul à craindre pour l'intégrité du plan, et s'il l'avait remarqué, il lui sembla un instant, avant de monter dans le chariot, que Kurtik s'en inquiétait aussi ... Ca, plus le fait que Belgos ait décidé de partir en avant du groupe, rien n'était fait pour le mettre à l'aise.

Quand ils reçurent l'autorisation de descendre du chariot, il affubla son visage d'une expression de fatigue, la fatigue physique du prospecteur qui sort de la mine. Puis il descendit à la suite de Kerlomar, et sans perdre plus de temps, sortit des poches de sa cape sa pipe et sa blague à tabac ... avant de se raviser. Le tabac qu'il tenait entre ses mains était de trop bonne qualité pour pouvoir appartenir à un simple prospecteur, et il était hors de question qu'il ne trahisse sa couverture à cause de cela. D'un autre côté, il était aussi exclu de passer la soirée dans une taverne sans tabac.

Il avisa le départ de Kerlomar dans une certaine direction, et entreprit de partir à l'opposée, quitte à faire quelques détours pour trouver une échoppe qui vendrait du tabac. Durant cette petite balade matinale, l'idée lui vînt que quand bien même une bourse ne lui avait pas échu, il serait peut-être bon de se faire un peu remarquer par les autres commerçants avant de se rendre chez la Vandar ... dans l'hypothèse que certains d'entre eux pouvaient être de mèche avec elle.

Après l'achat d'un tabac de qualité moyenne qu'il glissa dans la poche intérieure de sa veste en compagnie de sa pipe, il se dirigea donc d'un pas vif vers le quartier de Morteneige qui donnait sur Neigeville. Là il se mit en tête de passer par plusieurs boutiques, faisant des demandes qui montraient sa richesse auprès des commerçants, sans jamais rien acheter toutefois. Quand le soleil fut haut dans le ciel, le jeune prêtre entra dans une taverne, tranquillement, et alla se poser au comptoir.

-Une bière, et de quoi déjeuner, s'il vous plaît !

Ce sur quoi il fit miroiter une pièce en argent devant les yeux du tenancier, espérant qu'ainsi il ferait vite. Et en plus, cela allait dans le sens de ses tribulations matinales. Il but et mangea comme un homme qui avait un après-midi fatiguant en perspective, et quand il s'en alla, il laissa encore sur le comptoir deux piècettes de cuivre. Sur le pas de la porte, il prit une longue et profonde respiration avant d'allumer sa pipe avec le tabac qu'il avait acquis le matin même.

¤ ¤

Et d'un pas lent, tirant sur sa pipe et admirant le paysage montagneux alentours -un panorama qu'il appréciait tout particulièrement-, il descendit vers Neigeville, le quartier taudis qui ne ressemblait à rien d'autre qu'une vaste tumeur qui pompait toutes les ressources de la ville, comme un vil parasite. Mais au moins il y avait un avantage avec les bidonvilles : la bâtisse que tenait Vandar dépassait bien et se voyait de loin ; tant et si bien qu'il ne lui fallut qu'un petit quart d'heure pour la rejoindre. Mais la nuit était encore loin de tomber, et comme il n'était pas prêt à rester assis toute une après midi dans un piège comme celui que rerésentait la taverner de Vandar, il décida finalement de faire un tour le long des grandes artères de Neigeville. Décidemment ce spectacle le désolait ...

Il revînt en vue de la taverne de Vandar environ un petit quart d'heure avant que le soleil ne s'effaçe complètement derrière l'horizon. Il vida sa pipe sur le palier, la mit dans sa poche, et rentra, le pas vif, mais avec toujours cette même expression de fatigue falsifiée. Cependant il était toujours aussi éveillé, et repéra sans problème Kerlomar accoudé au bar et Kurtik qui était assis à une table non loin. Mais son soulagement fut plus que palpable quand il crut reconnaître le dos de Belgos, assis lui aussi à une table, plus au fond. Il aurait voulu le rejoindre, mais un tel acte ne se justifiait pas puisque d'autres tables étaient encore libres ... en plus, un nain et un demi-elfe ... Non, tant pis, il se dirigea plutôt vers le bar et pris un tabouret à un petit mètre de Kerlomar. Il héla le jeune humain :

-Une bonne bière - pas la piquette qu'ils servent à Morteneige. Et un repas - de la viande. Il me faut une chambre aussi.

Quand la bière fut arrivée, un peu comme une vieille habitude qui ne l'avait pas abandonné, il tourna la tête vers son voisin, à savoir Kerlomar, et leva sa choppe en guise de salutation :

-A vot' bonne santé l'humain !

Achat de tabac moyen : 5 pa (?) ; puis 1 pa 2 pc à la première taverne. Je fais les ajustements sur ma fiche.

- Ma santé ? Je vous remercie de trinquer à celle-ci mais trinquer aussi à la vôitre. Car nous allons tous nous la pourrir à chercher de l'or, en espérant que les gens du coin n'aient pas exagérés le filon et qu'on pourra tous s'en mettre plein les pougnes. Mais à votre santé aussi le nain.

Kerlomar sourit dans sa chope, quand il porta celle-ci à ses lèvres afin d'en boire un peu de son contenu. La reposant, l'air parfaitement neutre, il essuya de son visage, la mousse de la bière qui avait coulé dans sa barbe de deux jours, n'ayant pas particulièrement pris soin de se raser avant de partir. Il en avait bien eu l'idée le matin même mais le plan de Kurtik voulaient qu'ils se passent passer pour des travailleurs et donc, passer son temps à chercher des pépites ne permettait pas d'avoir du temps pour prendre soin de son visage. De plus, il savait qu'il avait quelques cernes sous les yeux et qu'une certaine fatigue pouvait se lire sur son visage. Car même s'il avait bien dormi chez la Dame Piqueglace, il lui avait manqué quelque chose qui rendait son sommeil encore meilleur.

Le druide se tourna de nouveau vers Kebur et décida d'entrer dans le,jeu du nain, si du moins aux yeux de ce dernier cela était bien un jeu. Après tout, il ne connaissait que le nom du nain, et cette mission et cette proximité pourrait lui permettre d'en savoir plus sur son compagnon vigoureux. Il lui tendit donc la main, tout en reprenant la parole, attendant que le barbu la lui serre et accepte de faire connaissance.

- Moi c'est Alcinah, et toi ? Et tu viens de loin pour t'enrichir ?

¤Ah ! ça va devenir intéressant !¤

Quand le sonnlinor avait décidé de saluer l'humain, il avait évidemment espéré que celui-ci comprenne le sens de ses mots. Le tout dans l'idée de passer une soirée un peu plus agréable que s'il était resté seul à boire et à manger, avant d'aller finalement se coucher ...

Aussi lorsqu'il entendit Kerlomar lui répondre et rentrer dans "le jeu", il leva de nouveau sa choppe avant d'en prendre une grande lampée. Puis de nouveau un regard neutre, à la façon de celui qui essayait de deviner le fond de sa choppe à travers le liquide épais, ou encore celui qui essayait d'estimer la propreté du récipient ... chose qui n'était évidemment pas bonne à faire dans un tel établissement. Sa barbe fournie camoufla un sourire qui passa sur ses lèvres quand il se souvînt subitement qu'à Hlondeth aussi, tout avait commencé dans une taverne ... seulement là-bas, il avait faillit tout ficher par terre ! Oui, la route avait été longue ...

Il sentit le mouvement dans l'air avant même que Kerlomar ne relance la discussion, et tourna la tête vers cette main qui lui était tendue. Il s'en saisit vigoureusement et répondit :

-Moi c'est Einkil du clan Balder. Content de te connaître. Et, ouais, j'ai pas mal voyagé ces derniers mois ... Je viens du Turmish. Je me suis arrêté dans tous les villages miniers que j'ai croisé pour voir combien je pourrais me faire - les Monts Osraunes, Montagnes du Pas de Géant, Montagnes aux Trolls, les Monts du Couchant, les Pics Gris ... Et me voilà ! Et toi ? T'es là pour l'or aussi alors ?

- Et ouais, pour l'or et rien que pour l'or. Si ça avait été pour la neige, je n'aurai pas eu à voyager aussi loin. Chez moi l'hiver, il y en a tout autant qu'ici, voir bien plus. Par contre, je ne connais pas du tout les lieux dont tu parles. Et toi, tu as une spécialité ? Car j'ai connu un nain qui m'avait dit que dans son clan, ils faisaient en sorte que tout le monde ait une spécialité. La sienne, c'était la taille des pierres précieuses. C'est d'ailleurs lui qui m'a dis de venir ici.

Kerlomar but une nouvelle gorgée de bière afin de cacher le sourire qui menaçait de lui manger le visage tellement la situation lui donnait envie d'éclater de rire. Avec Kebur, ou plutôt Einkil, il était en train de monter un bateau et de se faire plaisir. Mais lui ne disposait pas d'une barbe aussi fournie que celle du nain pour cacher ses sourires trop voyants. Au moins, cette partie de la mission allait se faire dans la bonne humeur et surtout il allait pouvoir s'amuser. Comme quoi, ça se vérifiait, il lui était toujours plus facile de se lier avec les nains, même s'il en avait que très peu fréquenté. Et c'était d'ailleurs pour cela, car les elfes et demi elfes qu'il avait croisé dans la profonde forêt de Cormathor, l'avaient toute sa vie pris de haut et considéré comme un moins que rien ne méritant pas d'être parmi eux.

- C'est où exactement le Turmish ? Je ne connais pas du tout ce coin ? C'est beau ? Y a moyen de devenir quelque chose là-bas ?

¤Ca ... il manque pas de neige par ici, c'est sûr !¤

Oui, définitivement la soirée allait être agréable. Kerlomar se révélait être un très bon marin, et de toute façon, pour la frégate qu'ils étaient en train de monter, il valait mieux ! Le jeune prêtre faisait tout pour coller à un personnage moins érudit qu'il ne l'était, et tout ce qu'il espérait c'était d'arriver à le tenir toute la soirée sans que de tiers personnes ne saisissent qu'ils bluffaient tous les deux !

-La taille des pierres précieuses, hein ? Voilà un nain qui manquera à son clan quand le Père le rappelera à lui ! Non, moi je faisais pas dans la pierre précieuse ... quand j'étais encore dans le Turmish, je devais m'occuper de toute la paperasse pour l'ouverture des filons et tout ce qui en sortait. Tu comprends vite pourquoi je suis parti !

Cette fois il ne réprima pas son rire puisqu'il collait aussi avec ses paroles ... seulement, ce que les autres ne savaient pas, c'est qu'il riait aussi une bonne fois pour n'être plus tenté de sourire après pendant la conversation. Cela aurait semblé louche !

-Le Turmish ... c'est à quelque chose comme 2000 kilomètres au sud-est d'ici. Fait chaud, humide, à tel point qu'en dehors de nos demeures sous la montagne, pas moyen de tenir au soleil toute la journée : t'étouffes. Mais t'as toujours moyen de trouver du boulot dans la grande ville du coin. Hlondeth que ça s'appelle ... ah ! c'est rempli de gars en tous genres, et il paraît même qu'il y a des hommes-serpents. Yuan-Ti qu'ils appellent ça là-bas. Mais j'y suis jamais vraiment resté, et en tout cas, moi, j'en ai pas vu ! Mais toi ? Mis à part qu'il y a de la neige en hiver, tu viens d'où pour l'or de Morteneige ?

Quand Kerlomar entendit la raison du départ du faux prospecteur nain assis à côté de lui, il ne put lui non plus retenir un éclat de rire tout en le regardant. Et il se rendit compte que ça lui faisait du bien, et que ça allait lui éviter de se trahir à un autre moment. Il avait une bonne occasion de se libérer de ce poids et il rit de bon coeur avec son compagnon barbu. De plus, il appréciait dans cette conversation le fait d'apprendre quelques points de géographie, n'ayant auparavant jamais entendu parler du Turmish.

- Et bien, moi je viens des Vaux, à l'est du grand désert de l'Anaurock, et avant j'étais exploitant forestier. Mon boulot consistait à sélectionner des arbres bons pour la coupe mais pour faire court, je dirai que les habitants du Cormanthor ne sont guère accueillants ni très chaleureux quand on touche à leurs arbres. Mon patron a alors préféré mettre la clé sous la porte et du coup, je me suis retrouvé sans emploi. J'ai donc utilisé mon pécule pour venir ici. En tout cas, je comprends que tu ais quitté ton clan, la paperasse, rien que de la voir de loin, ça me donnait des boutons.

Seulement, le sourire jovial et bon enfant du druide disparut très rapidement quand Kebur lui parla des Yuan-Ti. Par réflexe, il se caressa le bas gauche à hauteur du coude, faisant glisser son doigt sur la blessure, invisible pour le moment, qui s'y trouvait. De sa main gauche, il attrapa sa chopine et avala plusieurs gorgées de bière d'affilée afin de se calmer et de retrouver sa bonne humeur puis la reposa, souriant de nouveau et espérant que son attitude n'avait pas été trop remarquée. Reprenant son attitude et son sourire jovial, il attaqua de nouveau, même si le coeur n'y était plus avec autant de ferveur que précédemment.

- Des hommes serpents, quelle horreur. Bas chez moi se sont plutôt des hyènes bipèdes qu'on croise. La forêt est peuplée de gnolls et ils prennent toujours beaucoup de plaisir à attaquer les caravanes, les voyageurs et certains villages. Sinon, le climat est plutôt bon dans les Vaux, c'est juste que l'hiver, il fait plutôt froid. Mais dis moi, ça veut dire qu'avant de venir ici tu n'avais jamais vu de neige ?

Et pour cette dernière question, Kerlomar devait se reconnaitre que ça le surprenait et qu'il espérait avoir une réponse. Pour lui qui avait vécu dans le nord des royaumes, ne pas connaître la neige revenait à quelque chose d'inimaginable.

Seulement l'homme de paperasse n'en était pas un, et sa formation de prêtre lui avait appris tout ce qu'il savait, et tout ce dont un homme pouvait avoir besoin dans une vie. En particulier à observer. Et non sans continuer de sourire, le sonnlinor ne put que sentir ses yeux attirés par cette main baladeuse et ce soudain instant de fébrilité camouflé dans une choppe ...

Il décida de n'en rien dire : lui aussi avait ses cicatrices, et certains souvenirs pouvaient aussi lui être douloureux. Son départ de Turmish en particulier ... non, il n'était pas parti avec l'accord du haut-prêtre ni de sa famille. Il s'était ...

¤Oui, enfui. Je me suis enfui ...¤

Le visage du jeune nain souriait, mais ses yeux renvoyait la noirceur de ses pensées. D'un hochement de tête il chassa toute la masse de réminiscences qui menaçait de prendre de le dessus, et rinca définitivement la place avec de la bière. Sans même cesser de sourire. Puis il se décida enfin à répondre à son compagnon :

-L'Anauroch ... oui, je suis passé pas loin en remontant vers les Marches. Et j'ai du entendre une ou deux fois ce nom : les Vaux. Mais je ne connais pas ! Bah ! Je me dis que quand je serais plus vieux, je me visiterai tout ce fichu continent. Mais pour l'instant, on creuse et on gagne de l'or, hein !

De nouveau il sourit et sortit de sa cape sa pipe, son briquet et son tabac. Le mauvais, celui de Morteneige.

-Si tu fumes, sert toi. Il ne vient pas de par chez moi, je l'ai acheté dans le coin, mais bon, on fait avec ce qu'on a ! Et à propos de la neige, si, j'en avais vu avant de venir ici ! Les montagnes où je vivais sont hautes, et il y a de la neige toute l'année sur les sommets ; en hiver, ça descend un peu plus bas, et nos galeries donnent un peu partout !

¤Partout. Absolument partout ... même à certains endroits où jamais nous ne devrions creuser ...¤

-Aller ! Ce soir, j'offre le repas. Vraiment, Alcinah, heureux de t'avoir rencontré ! Tu as prévu de rester longtemps ? Parce que je me dis qu'à deux, on est toujours plus efficaces que seul pour chercher des paillettes ou creuser dans la mine ...

Et sur ce disant, il héla de nouveau le serveur, et lui commanda tout à la fois, une bière pour lui, une autre pour son nouvel ami, et essaya de lui faire comprendre que pour le repas, il avait intérêt à s'activer !

- L'Anaurock, c'est un vrai plaisir. Entre les tempêtes de sable, les bédouins aussi accueillants que des trolls, les scorpions et autres horreurs des déserts, ça mérite de faire partie du top trois des destinations touristiques pour les vacances. Si tu as envie de te suicider, je te conseille d'aller là-bas, sinon trouves une caravane à rejoindre. C'est se que j'ai fais pour le traverser relativement tranquillement. Et sinon ouais, on est là pour creuser et devenir riches, et quand on le sera, on pourra faire se que l'on veut de nos vies.

Voyant le nain sortir son pipe et sa blague à tabac, Kerlomar sourit. Horïn avait déjà cette habitude et elle semblait appartenir à tout le peuple nain dans son ensemble. Il fut néanmoins surpris de constater que Kebur lui en proposait.

- Je ne fume pas et je n'ai pas de pipe, mais pourquoi pas essayer. Demain j'irai m'acheter de quoi me lancer dans cette occupation. Ca procure quoi exactement comme sensation ?

Kerlomar n'attendit pas de réelle réponse à cette dernière question. Songeur il regardait le nain tirer sur sa pipe et la fumée virevolter. Il s'amusait à y deviner des formes souvent indéfinies de part la volatilité de la fumée. Cependant cela l'occupait quelques instants, tout en buvant. Mais il s'étrangla dans sa boisson lorsque le nain lui dit qu'il l'invitait. Toussant et crachotant, afin d'évacuer entre autre l'alcool qu'il avait avalé par le nez sans le vouloir, le druide se tourna vers le vigoureux et pris la parole, se raclant plusieurs fois la gorge avant.

- J'accepte, à la condition que se soit moi qui payes les chambres. Pour se qui est de rester, je resterai le temps qu'il faut pour devenir riche et repartir les poches pleines, même si je compte utiliser mon or intelligemment. J'aimerai investir au fur et à mesure, afin de le rentabiliser et éviter qu'on me le vole. C'est sûr que c'est plus dur de voler une taverne ou une boutique plutôt qu'une bourse bien arrondie. dit Kerlomar en ne pouvant pas résister à rire à cette petite blague. Mais il redevint sérieux à la proposition de Kebur et se fendit d'un grand sourire en tendant de nouveau la nain vers ce dernier afin de la toper et sceller ainsi leur association. A deux nous sommes toujours plus efficaces que seuls. Buvons donc à notre alliance et notre assiociation Einkil du Turmish.

Belgos non plus ne fumait pas ... et à vrai dire, Kebur n'avait jamais rencontré d'humain qui prenait réellement plaisir à fumer la pipe devant une choppe de bonne bière. Le refus de Kerlomar ne l'étonna par conséquent guère, mais sa décision d'essayer, elle, l'étonna beaucoup plus ! Le sonnlinor afficha un grand sourire satisfait de lui, un peu comme s'il venait de recruter un nouvel acolyte pour la prêtrise.

Mais là où le nain ne put réprimer un réel éclat de rire fut quand le dit Alcinah manqua de s'étouffer à l'écoute de sa proposition. Il était vrai que, rétrospectivement, une telle offre pouvait sembler étrange à un humain - mais elle n'en restait pas moins naturelle pour un nain qui avait l'habitude de vivre dans un clan. Une proposition habituelle que Kebur ne pourrait plus jamais se permettre de proférer en présence d'un patriarche ou de membres éminents d'un clan... Depuis son départ, et bien qu'il continue à se dire appartenant au clan Poindanel, il fallait bien le dire, il était devenu un sans-clan, un banni. Il faisait partie de la lie de la société naine malgré son rang de prêtre de Moradin, et serait sans doute rejeté par tous les clans qu'il pourrait rencontrer sur son chemin.

Il fallut que ces vérités le frappent ce soir là, alors que tout ce temps elles étaient restées bien enfouies au fond de son inconscient tandis qu'il s'y refusait. Sa mine devait faire peine à voir, lui qui était si jovial un instant auparavant était devenu taciturne en une seconde. Heureusement, jamais ses ancêtres ne le renieraient, eux ... et cette idée suffit à faire retrouver au nain suffisamment de courage pour continuer et pour se dire qu'il réfléchirait au problème plus tard, dans sa cellule à la forteresse.

¤Après. Oui, il sera toujours temps de se morfondre de ses erreurs passées plus tard ...¤

Alors à la façon des siens il finit sa choppe cul-sec avant de la reposer sur le comptoir avec un bruit étouffé. Et il se réarma de son sourire et de sa jovialité avant d'aviser la main de son nouvel "associé". Il la prit dans ses deux mains et la serra quelques instants tout en lui répondant :

-Alors c'est d'accord ! Puisse cette association nous être bénéfique à tous les deux, Alcinah des Vaux. Buvons et dînons pour sceller cet accord. Et, si jamais vous décider de vous mettre à expérimenter la sérénité et la plénitude que procure la pipe, tard le soir, n'oubliez pas de me le dire, j'aurais quelque chose pour vous ! Serveur !