La Pierre du Serpent: chapitre II, Alchimiste et conspiration

epuis quelque temps Sarawak était resté plutôt silencieux.
Tout d'abord, la veille, au moment de la visite d'Haleass, le il était resté en retrait par rapport à ses compagnons. Ce matin encore, il avait laissé les autres parler avant lui. N'étant pas le mieux informé dans cette affaire, intervenir en dernier présentait l'avantage de connaître de nouveaux éléments et d'apprécier au mieux ce que chacun savait déjà.

Pas spécialement porté sur la gent feminine et adepte d'une divinité peu indulgente avec les non-orques, Sarawak, bien que fatalement marqué par la grâce de la Régente, restat aussi calme que possible au moment du face à face.
Il lui semblât qu'Anin avait nettement moins de retenue face à Dédiana. Aussi, prit-il l'initiative de lui placer un léger coup de coude dans les côtes pour l'aider à ne pas trop se décrédibiliser face à la Régente. Il se doutait néanmoins que pas grand chose dans l'attitude des membres du groupe n'échapperai à la souveraine.

Les questions que posèrent Anin, Belgos et Kebur avaient été directes et concernaient ceux sur qui les plus forts soupçons de complot portaient. Suite à son expérience avec Haleass, le demi-orque jugea que la franchise de ses compagnons était encore la meilleure manière de dialoguer avec Dédiana, celle-ci étant vraisemblablement bien trop fine pour eux au petit jeu du bluff et de la dissimilation.

Interroger la Régente sur Medusanna, la prêtresse de Sebek et le culte de Seth apparaissait sensé à Sarawak au vu des éléments recueillis (de manière disparate) par le groupe et des rumeurs qui circulaient dans la cité. Le druide n'aurait cependant pas eu de mal à avouer qu'il semblait en savoir bien moins que les autres sur la prêtresse de Sebek.

Se remémorant toutes ses connaissances sur cette affaire, tâchant d'intégrer les nouveaux éléments apportés par Anin, Kebur et Belgos, le demi-orque prit la parole en essayant à la fois de ne pas se ridiculiser et de ne pas casser l'élan de l'entrevue:

-Régente, dit-il du ton le plus solennel qu'il avait pu produire dans de pareilles circonstances, j'aimerais moi aussi vous poser une ou deux questions sur cette affaire.

Nous avons vu de nos propre yeux les agissements louches du culte de Seth à Hlondeth. Il est fort probable qu'ils préparent quelque chose de sérieux. Sinon, pourquoi comploter jusque dans les infâmes égouts de cette cité?
D'autre part, comme mentionné auparavant, des soupçons pèsent sur la prêtresse de Sebek.

Quelle crédibilité accordez-vous à l'hypothèse, fortement évoquée à l'instant par le moine Anin, que les dieux de Mulhorande Seth et Sebek aient conclu un pacte pour renverser Sseth (Sarawak insistat sur le double 's' de Sseth ) en utilisant l'infuence de leurs cultes en ville?
Et comment prendre le contrôle de Hlondeth plus vicieusement mais plus sûrement qu'en manipulant ou en s'adjugeant les services de Medusanna, grande prêtresse de Varae?

La ville est déjà peut-être aux mains des dieux mulhorandi à l'heure qu'il est. Au risque d'être insistant, avez-vous décelé des signes de complotage chez la prêtresse de Sebek, prêtresse de Varae. Ces dernières sont elles en contact?

Sarawak marqua une légère pausa puis reprit de plus belle:

-J'ai également une autre question d'importance à vous poser, Régente. Comme par les temps qui courent, votre entourage est soupçonné, puis-je me vous demander quelle confiance accordez-vous à Haleass Extaminos?

¤Pourquoi ça tombe sur moi?¤songea Sarawak en se mordant la lèvre inférieure, espérant ne pas finir à cause de cette question comme le dénommé Taril dont Belgos s'était entretenu avec la Régente à l'instant

-Dernier point. Probablement déplacé mais la culture Yuan-Ti m'intrigue et vous semblez heureuse que des étrangers s'y intéressent...

Autant que mes sens de demi-orque puissent en juger, vous me paraissez différente des autres Yuan-Ti, même de votre frère Haleass. Y a-t-il plusieurs lignées parmi la tribu Extaminos?

Sur cette question très personnelle, Sarawak préféra s'arrêter. Il fit un demi pas en arrière pour signifier que sa série de questions était terminée et attendit que la Régente ne réponde. Il espérait qu'elle se montrerait aussi coopérante que jusqu'à présent.

Seizième jour de la Flétrissure, Mille sept cent onzième année du Règne de Sseth (1372 CV)
Lieu : Autel du cœur brisé
Météo : Quelques nuages, fraîcheur du matin
Moment : L'aube

Kayana et Moreta

Le jeune novice s'empourpra immédiatement et se confondit en excuses incompréhensibles marmonnées dans sa barbe inexistante. Le regard que le Haut Prêtre lui adressa était sévère mais sans animosité, et le pauvre jeune homme commençait déjà à se retirer quand Moreta avait commencé à parler.

Le vieil ecclésiastique fut interpellé par les paroles de l'Elfe, mais encore plus par la véhémente réaction de la demi-elfe. Un être comme lui qui avait, sa longue vie durant, vécu à la fois à l'abri du besoin et dans le dédain de l'argent ne pouvait pas comprendre l'empressement et les sentiments qui pouvaient naître du partage forcé d'une telle somme. C'est donc dans une innocence naïve propre aux membres du clergé qu'il lança, au grand dam de Kayana:

-Mais pourquoi donc? Cette jeune elfe pourrait vous aider, vous ne pensez pas? Comme le dit le verset 412 du Très Saint Livre de la Main Secourable: "Quatre mains liées supporteront plus que deux paires." Vous ne pensez pas?

Puis, sans attendre la réponse, il fit signe à Moreta de s'asseoir à la table et reprit, soudainement alerté par son imprudence:

-Oh, j'espère que nous ne venez pas de la part d'un autre culte? Que faîtes-vous à Hlondeth?

Pendant son discours, le Haut Prêtre fit quelques gestes d'un main libre, la main crispée sur un symbole d'Ilmater. Bien que ce fut silencieux, ces gesticulations ressemblaient furieusement à une incantation...

Seizième jour de la Flétrissure, Mille sept cent onzième année du Règne de Sseth (1372 CV)
Lieu : Manoir d'Haleass
Météo : Quelques nuages, fraîcheur du matin
Moment : L'aube

Belgos, Kebur, Sarawak et Anin

Les questions des aventuriers avaient été très directes, parfois tournées d'une manière que d'autres monarques auraient jugées incorrectes voire injurieuses. De telles remarques à Thay ou dans les Royaumes Frontaliers auraient sans aucun doute entraîné des condamnations à mort, mais ni Haleass ni Dediana ne se départirent de leur expression insondable. Aucun parmi les aventuriers ne put déterminer s'il s'agissait d'un signe de bonne ou de mauvaise augure.

-Vos questions ont l'avantage d'être extrêmement directes, Lança la Haute Régente de sa voix douce et sensuelle. "Je dois avouer que cela me change de tous ces intrigants qui conspirent autour de moi, et m'amuse au plus haut point. Oui, mais dans une heure grave comme celle-ci, je ne peux m'empêcher de m'amuser..."

Dediana pointa son regard sur chacun, avant de poursuivre:

-Je vais tout d'abord répondre à votre dernière question: je suis, il est vrai, quelque peu différente des autres Yuan-Ti. En fait, ma mère est tombée amoureuse dans sa jeunesse d'un humain de Hlondeth, et, même si l'ascendance Yuan-Ti prend le dessus sur mes origines humaines, je suis légèrement différente de mes congénères sur ce point. Remarquez que ela n'a pas grande importance, puisque je suis née de la même couvée qu'Haleass et que personne n'a jamais critiqué cette exentricité dans mes origines. Nous autres Yuan-Ti sommes plus prompts à la tolérance sur les origines que d'autres races, ce qui peut expliquer en partie la réussite d'une ville comme Hlondeth. Quant à mon frère de couvée, j'ai une absolue confiance en lui. Non pour les liens du sang, même si nous avons été élevés ensemble dans les couveuses du Palais-Serpent, mais parce que nos intérêts convergent et une longue habitude de collaborer l'a placé dans la situation où il lui est beaucoup plus avantageux de me savoir en vie et sur le trône. N'est-ce pas, cher frère?

Le-dit alchimiste se contenta d'opiner de la tête sans marquer la moindre émotion. La Haute Régente poursuivit alors:

-Quant à Seth et Sebek, je ne suis certainement pas la mieux placée pour vous donner un cours de théologie de Mulhorande, cependant une relation de vassal à suzerain existe entre Seth et Sebek. Sebek est à la fois moins puissant et moins rusé que Seth, mais n'est pas pour autant sans avoir ses idées propres. Mais les intérêts des deux dieux coïncident souvent, ce qui justifient les actions communes. Je pense avoir répondu à vos interrogations, mais, si ce n'est pas le cas, peut-être devriez-vous demander au temple d'Oghma par exemple. Quant au prisonnier...

La Haute Régente porta à ses lèvres une coupe de vin posée devant elle, laissant comme négligemment couler une goutte sur son menton. Celle-ci donna furtivement à la souveraine de Hlondeth l'air d'un prédateur savourant le sang de sa victime.

-Nos interrogatoires ont été assez stériles. Le pauvre homme est fou, et débitait des flots de paroles incompréhensibles. Visiblement, il a reçut une vision lorsqu'il tentait une divination tout à fait anodine. Nous avons eu vent, en effet, de cette vision de serpents noir et vert. Après concertation, Haleass pense, et je rejoins son avis, que le Serpent noir représente Seth et le serpent vert Sseth. Quant à la signification du reste, cela demeure un mystère. Toujours est-il que cette histoire de crocs me fait penser étrangement à cette conspiration qui mine notre cité. Comme je ne pensais ne pas avoir d'autre utilité pour ce prisonnier, je l'ai laissé à Semorav. C'est un petit arrangement que nous avons, lui et moi. Je lui fournis régulièrement de la matière première et lui me soutiens de sa magie quand le besoin s'en fait sentir.

Cette dernière phrase avait été prononcé avec détachement, comme s'il s'agissait d'une cargaison de parchemin ou de quelques piécettes.

-Quant à Médusanna... Le sujet est difficile à aborder. Voyez-vous, Medusanna n'est pas que la Grande Prêtresse de Hlondeth, elle représente la tête du pouvoir spirituel de ce qui prient Varae. Certes, Varae n'est qu'un aspect de Sseth, mais tous les Extaminos, où qu'ils se trouvent, et nombre d'Ecaillés qui prient avec des Yuan-Tis préfèrent le culte de Varae, plus tolérant et plus ouvert, à celui de Sseth, et le dieu assume bien ses deux aspects de lui-même. Depuis que les Extaminos sont devenus des Yuan-Tis, ils prient Varae. Et depuis ce temps, la Grande Prêtresse de Hlondeth est aussi la tête de l'Eglise de Varae. Le conflit entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel était donc inévitable. Il le reste.
Médusanna voudrait que Hlondeth suive les préceptes de Varae avec moins de tolérance et plus de piété. Elle voudrait voir la ville devenir une théocratie avec les nobles qui ont des pouvoirs en fonction de leur dévôtion plutôt que de leur naissance ou leur talent. C'est un conflit des plus classiques, vous voyez. C'est ce type de conflit qui caractérise nos relations avec le Boa d'Emeraude. Le grand problème, c'est que le culte de Varae est certes moins influents que la maison Extaminos auprès du peuple, mais les nobles et les puissants suivront plus facilement l'Eglise que la Haute Régence. Et Medusanna est trop intelligente pour tenter quoi que ce soit de direct, les nobles se monteraient contre elle et l'Eglise perdrait son influence. En même temps, je ne peux pas me permettre de provoquer la colère d'un dieu, surtout le dieu que je prie et qui me protège. La situation est donc envenimée.

La prêtresse fit glisser sa main sur ses hanches inconsciemment, puis demanda:

-J'espère que toutes ces explications pourront vous aider.

Kayana était furieuse!
Il le faisait exprès n'est ce pas? C'était impossible qu'un homme aussi vieux soit aussi simple d'esprit! Il devait avoir des origines d'orque. C'était forcément cela. Elle ne pouvait pas l'expliquer autrement sinon.

Elle aurait donné cher pour lui dire sur un ton mordant « Quatre mains liées supporteront plus que deux paires. Ah oui? Dans ce cas, qui va délivrer l'autre? » Elle était sûre qu'il en resterait sans voix jusqu'à ce qu'il se ressaisisse et réponde que dans ce cas pourquoi elle refusait l'aide de l'elfe. Elle lui aurait rétorqué qu'il pouvait se brosser, les elfes, elle les aimait pas et que de toute façon, cette elfe était comme elle et que s'il voulait qu'elle travaille avec l'autre qu'il débourse pour chacune six milles cinq cents pièces d'or ainsi qu'une prime parce qu'elles auraient du travailler ensemble et se côtoyer alors qu'elles ne pouvaient pas se sentir.

Peut être que sa colère l'avait un peu emporté en fait... Mais il fallait être diplomate dans ce genre de situation. C'est pourquoi, la roublarde rongea son frein et attendit tant bien que mal la réponse de l'autre. Elle ne pouvait l'appeler rivale car c'était admettre qu'elle se sentait menacé or, Kayana était au dessus de cela n'est ce pas? Bref, l'autre était un nom qui convenait parfaitement, juste assez dégradant sans être trop insultant. Parce qu'il y avait pire bien sûr. C'était ça qui était bien lorsqu'on avait vécu chez les elfes, on connaissait leurs insultes.
Donc, la jeune demoiselle, satisfaite de sa réflexion, regarda l'elfe et attendit qu'elle réponde, elle n'avait pas remarqué que le prêtre gesticulait dans son coin. Elle était bien trop fâchée contre l'elfe qui avait eu l'honneur de recevoir aussi bien la colère de Kayana concernant la bêtise du prêtre que sa hargne contre les Elfes.

Moreta n’aimait guère les prêtres, surtout celui-ci qui faisait des réflexions bêtes :

¤Imbécile !¤ Pensa-t-elle, ¤Quatre mains feront forcément deux paires, quelle que soit la manière dont tu les lies. ¤

Malgré son aversion pour le prêtre, elle aimait encore moins cette demi-elfe, qui paraissait avoir encore moins de patience qu’elle-même. Peut-être serait-ce une bonne chose dans le futur, mais dans tous les cas, cela ne l’arrangeait pas vraiment pas pour le moment. Pensant qu’elle risquait de s’énerver très vite si l’elfe ne lui répondait pas très vite, surtout que Moreta ne pensait pas l’épargner, du moins verbalement. Le prêtre paraissait plus patient, il risquait de devoir attendre quelques instants.

– Madame, commença l’elfe puisque, vu ce qui allait suivre, elle préférait être polie, je pense que, lorsque le moment viendra, vous préfèrerez sûrement avoir derrière vous quelqu’un qui agit que quelqu’un qui se demande s’il doit vous aider, et qui ne se décide qu’une fois que vous êtes morte. Enfin peut-être préférez vous aussi perdre votre temps dans une ruelle, en plusieurs morceau, cela est à votre discrétion.

Revenant au prêtre, l’elfe répondit de bonne grâce à sa question :

- Je ne viens pas de la part d’un autre culte, je ne savais même pas où j’arrivais lorsque j’ai croisé votre novice, qui ne m’a d’ailleurs pas laissé le temps de le contredire avant de m’amener ici. Je suis à Hlondeth sur les traces de quelqu’un, perdu de vue depuis des années, mais quelqu’un ne doit pas avoir envie que je le retrouve, et me recherche pour cela, c’est d’ailleurs ce qui a conduit à mon arrivée dans ce bâtiment.

¤ Voilà qui devrait expliquer mon arrivée impromptue, car, comme je me le répète souvent, mieux vaut un mensonge qui prend d’avance une question qu’un autre qui répond à celle-ci. ¤

Elle observa du coin de l’œil la demi-elfe qui semblait s’être calmée, au moins un minimum, elle la chassa donc temporairement de son esprit et demanda au prêtre :

- Maintenant que nous sommes tous d’accord, commença-t-elle en jetant un coup d’œil à l’autre, comme si elle la défiait de dire le contraire, peut-être pouvait-vous m’expliquer plus en détails ce qui va arriver, et ce qu’il est maintenant de mon devoir de faire.

Hésitant à demander un siège, l’elfe se ravisa en se disant que cela ferait tout de même beaucoup d’un coup pour les deux autres.

Au jeu du chat et de la souris, les Yuan-Tis devaient certainement tirer leur épingle du jeu. La question du demi-orque sur la loyauté d’Haléass était pertinente, Lui-même y avait songé mais il s’était refuser à la poser directement, étant en présence de l’alchimiste. Ce qui pouvait se révéler dangereux. Bon, tant qu’ils y étaient, il fallait aller jusqu’au bout. Alors autant y aller !

Sans plus attendre, le demi-elfe ajusta la bandoulière de son sac et sortis une pile de vieux parchemins, quelques amulettes, une dague et un vase sacrificiel qu’il présenta à la régente. La vasque sacrificielle était noire, gravée avec soin et délicatesse dans l'obsidienne et l'onyx. Entre chacune des plaques arrondies de pierre, un serpent d'or était monté pour maintenir la solidité de l'édifice. Le pied était lui aussi d'or, mais recouvert par une sorte de poussière noire brillante. Il représentait deux cobras enroulés, gueule béantes, au dessus de cadavres animaux. On y voyait une vache, un faucon, un crocodile, un chat et trois hommes, décapités et sanguinolents. Les motifs de la dague étaient très semblables, représentant aussi un immense cobra noir s'enroulant autour d'une lame d'obsidienne plus tranchante qu'un rasoir. Enfin, le cobra prêt à mordre était visible sur chacune des quatre amulettes d'argent, enroulant ses noirs anneaux autour de différents symboles inconnus des deux compagnons.

- J’ai encore une ou deux questions Régente et après nous nous retirons pour nous acquitter au mieux de cette nouvelle mission qui vous incombe. Moi et mon ami Kebur avons trouvé quelques objets dans les égouts qui nous étaient complètement sortis de la tête jusqu’à maintenant. C’est une prise de guerre en quelque sorte que nous envisagons de faire évaluer en ville comme comptait le faire notre bon Anin Sound avec l’ouvrage découvert sur le prêtre Yuan-Ti que nous avons combattu dans ces mêmes égouts et que Maître Haléass à pour sa part examiné avec soin.

Il afficha un grand sourire, confiant.

- A moins que vous ne connaissiez quelque personne à qui nous pouvons nous adresser?

Glissant un regard amical au frère de couvée de la Haute-Régente puis reportant sa attention tout aussi amicale sur Kebur puis sur Dediana, Belgos attendait quelques éclaircissements sur ces objets.

- Ah si une dernière question Haute-Régente...Quels sont vos alliés dans cette cité?

Cette dernière question avait l'avantage d'être directe.

- De ce que je peux en déduire de par mon maigre intellect je dirai que... mise à part la masse populaire qui vous admire... noble régente... tous vos alliés sont réunit ici même et en ce moment même dans ce laboratoire.

Répondit innocemment Anin à la question Belgos le sourire au lèvre.

- Si un attentat devait avoir lieu à votre encontre ou à celle de vos desseins ce serai le moment idéal pour agir !

Le moine fit quelque pas en arrière et s'apprêta à faire demi-tour pour sortir de la pièce il marqua cependant une pause et, sans daigner regarder la régente, ajouta :

- Je suppose que les raisons qui vous empêche de vous débarrasser de la prêtresse du dieu crocodile sont tout aussi valable que celles qui s'applique à Médusanna. Sinon cela aurait été accomplie bien avant notre arrivée n'est ce pas ?

Sur cette interrogation le jeune homme replaça une mèche de cheveux rebelle en arrière puis s'avança vers la sortie.

- Pour ma part je sais tout ce dont j'avais besoin de savoir ! Je vous attends dehors.

Seizième jour de la Flétrissure, Mille sept cent onzième année du Règne de Sseth (1372 CV)
Lieu : Manoir d'Haleass
Météo : Quelques nuages, fraîcheur du matin
Moment : L'aube

Anin, Belgos, Kebur et Sarawak

Somon frémit au moment où Anin parla d'attentat, et posa déjà sa main sur sa dague au cas où la situation dégénérerait. Mais le régente garda son sourire calme et indéfinissable, répondant d'une voix tout aussi posée qu'auparavant.

-Jeune humain, si quelqu'un devait ici attenter à ma personne, il serait mort avant d'avoir pu faire trois pas. Je vous en prie, ne commettez pas l'erreur de croire un Yuan-Ti sans défense ou pris au dépourvu. Mais vous avez tort, la Haute Régence possède d'autres alliés dans vette ville. Certaines familles nobles des alentours, tous des humains, possèdent un sens... Disons, étrangement élevé de la loyauté. Si je leur demandais la levée d'une ost pour raser Hlondeth, ils s'éxécuteraient au nom de leurs serments. De nombreux cultes aussi, notamment ceux d'Ilmater et d'Oghma, sont depuis des siècles liés à la Haute Régence et fidèles dans leurs engagements, ce qui est aussi une raison pour laquelle nous les finançons. Mais, parmi les nobles de la Cité et les notables, il en est beaucoup qui ne sont alliés que lorsque le profit est certain. Je crains qu'il ne faille pas compter sur leur loyauté.

Puis la Haute Régente ondula légèrement, et fixa Anin un instant.

-Quant à la prêtresse de Sebek, poursuivit-elle "mes motivations sont tout autre que celles qui maintiennent un status quo entre Medusanna et moi. Si elle trempe dans ce complot, il y a toutes les raisons de lui faire croire que je ne suis pas au courant et tâcher de traquer ses contacts. Du moins avons-nous une piste qu'il serait sage de ne pas griller dès à présent. Cela répondra à votre question, maître Soud.

Ce sur quoi, Anin quitta la pièce sous les regards de l'assemblée. Sauf naturellement d'Haleass, qui était plongé dans l'étude des nouveaux éléments apportés par Belgos. Pour la première fois, son visage reflétait une émotion: un très vif intérêt pour ces objets. La Haute Régente se tourna alors vers l'alchimiste.

-Alors, cher frère, qu'est-ce que ceci?

Haleass Extaminos

C'est très intéressant. Une chose est certaine, ces objets sont des ustensiles du culte du Dieu Mulhorandi Seth. Et des objets d'une très grande valeur, ce qui indiqueraient plutôt une cellule plus importante que nous le pensions de ce culte. Voyez, ce cobra noir ici, c'est le symbole de ce dieu mille fois maudit. Sans aucun doute nous avons ici une dague et une vasque sacrificielles. Les amulettes indiquent des rangs dans l'église de Seth, probablement. Ce qui suppose que le culte doit être caché, et ses membres dissimulés dans la population. Quant aux parchemins, ils contiennent différentes sorts de magie divine, pour la plupart des sorts d'obscurité et de nécromancie. Rien d'incompatible avec des parchemins utilisés par des adeptes de Seth. Seulement... -------------------- A la différence de nombre de ses congénères, ce yuan-ti ne cherche nullement à dissimuler ses traits ophidiens. Une intelligence aiguë se lit dans son regard reptilien.

Haleass s'interrompit, prit la vasque et la présenta au groupe, pointant des éléments figuratifs.

Haleass Extaminos

Seulement ce travail est sans aucun doute de l'art Se'Sehen. Ces motifs et cette manière de ciseler l'or et l'argent sont caractéristiques de cette tribu du Sud. Une tribu Yuan-Ti. Même si quelques-uns à Hlondeth maîtrisent cette technique, ce sont tous des Yuan-Tis, jamais un humain ne pourraient obtenir le droit d'apprendre un tel artisanat. Ce qui est extrêmement inquiétant. Visiblement, il existe un groupe de Yuan-Tis, ici, à Hlondeth, qui vénèrent ce dieu maléfique. -------------------- A la différence de nombre de ses congénères, ce yuan-ti ne cherche nullement à dissimuler ses traits ophidiens. Une intelligence aiguë se lit dans son regard reptilien.

Un silence gêné tomba alors sur la pièce, comme la révélation rendait la Haute Régente et son frère cois.

Seizième jour de la Flétrissure, Mille sept cent onzième année du Règne de Sseth (1372 CV)
Lieu : Autel du cœur brisé
Météo : Quelques nuages, fraîcheur du matin
Moment : L'aube

Lorsque Moreta commença à débiter son mensonge sur la prétendue personne qu'elle rechercherait, le prêtre fronça les sourcils mais ne dit rien. Ce n'est qu'à la fin qu'il prit la parole:

-Vous ne m'avez pas raconté la vérité sur votre venue ici, mais au moins suis-je sûr que vous ne venez pas sous le mandat d'un autre culte. Cela devrait suffire pour la présente affaire quoique, à l'avenir, vous aurez certainement à vous repentir devant votre dieu. Bien, dans cette affaire j'ai le préssentiment que rien n'est dû au hasard, et qu'Ilmater vous a guidé jusqu'à moi. Aussi je pense que vous devrez vous joindre à nous, mademoiselle... Euh? Quel est votre nom déjà?

Puis, soudain, le prêtre remarqua l'attitude de Kayana et, se méprenant sur la cause, commença à rectifier tout de suite.

-Ah oui, j'avais oublié ce détail. Bien, donc... Hum... Si vous êtes deux à plancher sur l'affaire, il va falloir augmenter la prime, n'est-ce pas? Bon, disons dix mille pièces d'or à vous partager, cela vous conviendra-t-il? Vous y perdez un peu, certes, mais le travail ne devrait en être que plus rapide, non?

Puis, sans attendre de réaction, il invita Moreta à s'asseoir et commença.

-L'affaire qui nous occupe, comme je l'expliquais à votre camarade, est des plus graves. Jurez-moi d'agir dans la plus grande discrétion et de garder le secret. Bien. Nous avons eu vent d'un... Sa voix se réduisit au plus bas. "D'un complot fromenté contre la Haute Régente. Il faut absolument que vous deux déjouiez cette trame affreuse!"

Surprise par la diatribe de l'elfe, Kayana haussa haut les sourcils.

¤Parce qu'elle croit que je suis une froussarde? Et qu'est ce que c'était que ce coup d'oeil? Vas y que je te jauge, cap ou pas cap de me défier, c'est ça que ça veut dire?¤

Un sourire mauvais étira les lèvres pleines de la jeune femme. Un peu plus et cela aurait pu être un rire plein de folie qui aurait remplis la petite pièce. Mais non voyons, elle rirait lorsqu'elle aurait gagné, pas avant.
Ce regard voulait tout dire. L'autre la provoquait et la défiait. Elle lui montrerai à l'elfe que sa race s'inclinera devant elle, une Demie. Papy Laenan l'aurait battu pour avoir eu cette idée. Oh oui il la maltraiterai, lui et tous les autres et c'est justement pour cela que Kayana mit tant de ferveur à cette pensée. Cette elfe payerait pour les autres. Elle avait enfin trouver quelqu'un sur qui rejeter sa rancœur sans aucun état d'âme.

C'était décidé, l'autre allait voir ce qu'elle allait voir. Elle allait payer pour lui avoir pris son travail et son argent et elle allait payer pour les autres, oui, oui. C'est papy qui lui avait appris ça, la vengeance il disait.
En apparence, la jeune femme semblait paisible, mais en vrai l'excitation se propageait comme un feu en elle et la perspective d'être enfin libérée d'un poids lui faisait instinctivement passer sa langue sur ses lèvres, comme si elle se régalait déjà du sang qui allait couler...

Et pour preuve, l'autre lui facilitait la tache, si quelqu'un en voulait à sa peau dans la ville, pourquoi ne pas donner un ptit coup de pouce à ce quelqu'un?

¤Ah non? Elle aurai mentis au prêtre, tiens, mes soupçons étaient bon alors, bien sûrs qu'ils étaient bons, ils le sont toujours! Dans le doute, qu'elle soit recherchée ou non, il sera toujours utile de laisser trainer quelques informations sur sa personne ici et là. Au cas où le quelqu'un existerai vraiment.¤

Mais à peine le vieil homme eut il finis sa phrase que Kayana l'interpella d'une voix cinglante.

- Haut Prêtre! En plus de vouloir baisser notre prime, vous souhaitez aussi notre mort?! Il aurait fallu que vous soyez né aveugle et sourd pour ne pas avoir remarqué le comportement
que nous avons l'une envers l'autre. Me promettre une prime alléchante puis me dire qu'en réalité, je gagnerai moins c'est me prendre pour une demeurée! Impossible de travailler pour si peu alors que vous avez osé me faire miroiter une prime plus grosse. Serriez vous devenu en l'espace de quelques instant, un vieux grippe sous? J'exécuterai le travail que si vous offrez treize milles pièces d'or et pas moins. Je ne pense pas que l'autre agira différemment, c'est nous insulter que de nous donner moins que le prix initialement proposé et cela, sous le prétexte qu'on travaillerai plus vite. Votre ignorance dans le domaine de la tractation me désole. Je suis une honnête marchande et j'exige de mes employeurs cette même qualité.

La roublarde fit une petite pause le temps de reprendre son souffle et laisser ses paroles pénétrer dans le cerveau du prêtre.

- J'en profite aussi pour vous dire que vous accordez trop facilement votre confiance à qui ne devrait pas l'avoir. Je comprends que vous êtes désespéré et trop bon, mais si vous souhaitait tant vous faire tuer, promener vous tout nu dehors, ça faciliterai le travail de ceux qui veulent nuire à votre Régente et épargnerai la vie de vos frères d'Ilmater ainsi que la mienne. Dire aussi clairement vos projets, surtout à des personnes que vous venez tout juste de rencontrer est dangereux. Je vous l'assure, vous n'avez rien à craindre de moi mais des autres, qui sait?

¤Allez, vous voyez n'est ce pas qui j'pointe du doigt?¤

- Vous êtes une bonne personne c'est sûr, mais vous n'êtes pas fait pour être l'investigateur d'une telle mission. Bientôt, à cause de votre trop grande bonté, vous deviendrez la cible numéro une, et vous seriez abattu avant la Régente elle même!

¤Exagérer les faits, ça fait pas de mal... Après tout ce que je lui dit, c'est pour son bien, s'il veut vivre plus longtemps et puis sa peur le mettra en garde. S'il savait s'que je fait et compte faire pour lui, enfin un peu pour l'argent aussi, il me payerait plus et me prendrait moins pour une avare. Ah lalala...¤

- Si vous payez les treize milles pièces d'or, je ferai ce que j'avais prévu de faire, sinon et bien je crains que votre Régente ne le sera plus pour longtemps... Que comptez vous faire?

Observant plus attentivement l’autre qu’elle ne l’avait fait jusqu’à présent, Moreta remarqua dans ses traits une ascendance elfique, et assez proche, un parent peut-être, ou un grand parent au minimum lui avait légué ces traits fins, bien que l’elfe n’arrivait pas à se décider si cette ancêtre était l’un des siens ou l’un de ces égoïstes d’elfes dorés, peut-être faudrait-il lui poser la question, mais Moreta songea qu’elle préférait rester ignorante à ce sujet, surtout face à quelqu’un d’aussi tendu que l’était cette demi-elfe, d’aussi énervé également.

Moreta n’avait vraiment pas confiance dans cette demie de sa race, mais si le prêtre pouvait déceler des mensonges aussi minuscules, il pourrait aussi le faire sur des plus gros. A moins que ce ne fut les quelques gestes esquissés quelques instants auparavant par le vieil humain. Mieux valait donc trouver un compromis, un vrai nom mais qui ne serait pas le sien : son nom d’enfance. Puis il fallait s’arranger pour passer directement aux choses sérieuses ou plus utiles, comme trouver le moyen de supporter l’insupportable, incarné dans une demi-elfe, au moins le temps de toucher sa part, et si possible aussi la sienne, et surtout comment réaliser cette mission avec un poids attaché à sa cheville. Au moins, l’autre prenait la peine de faire monter les prix, et ainsi arrangeait l’elfe tout en encourant seule la colère de l’ecclésiastique. Moreta se frottait mentalement les mains, et apprit la nouvelle sur le complot contre la Haute Régente comme si on lui avait apprit ce qu’il y aurait au dîner, elle se souciait à peine de cette Haute Dame, et seule une annonce de ce style aurait pu forcé quelqu’un à lâcher autant d’argent d’un seul coup, et pour une seule personne, bien que l’elfe se soit plus attendue à une tentative d’assassinat des plus basiques.

« - Ma relation avec mon Dieu ne regarde que lui et moi, mais si les nôtres se sont entendu pour que nous rencontrions, nous nous devons de nous arranger, quelles que soit les obstacles ou les personnes qui se dressent sur la route de cet accord. Mon nom est Ilséa, pourrais-je savoir le votre et celui de celle qui nous tient compagnie ?
Par ailleurs il ne faut pas vous inquiéter sur ma discrétion, je ne pense pas que j’aurai plus d’avantage que vous à être prise si cela tournait mal, et je n’ai donc aucun intérêt à me faire remarquer plus que nécessaire. »

S’attendant à demi à voir l’autre sortir de ses gonds après sa dernière réplique, si elle ne l’avait déjà fait avant, Moreta réfléchit en se disant qu’elle aurait peut-être pu trouver un pire compagnon de voyage, à la condition de tomber sur un de ces orques pas encore défraîchis n’ayant pour notions de loyauté que celle des autres envers eux-mêmes, bien qu’un tel compagnon pouvait parfois s’avérer utile, surtout lorsqu’il s’agissait de garder les arrière pendant que l’elfe s’en allait le plus tranquillement du monde avec le butin.

¤ Puisse Erevan foudroyer les intelligents ! Et cette... chose en particulier ! ¤ songea-t-elle sur ses réflexions, pensant bien que son infortunée camarade serait bien trop maligne pour se faire avoir dans de basses ruses de cet acabit.

Attendant à la fois que le prêtre daigne répondre à l’autre et qu’il donne de plus amples informations sur le fameux complot, Moreta se demanda toutefois si sa compagne n’avait pas raison, non qu’elle ne fût pas digne de confiance, mais le prêtre la connaissait à peine. Mais pour l’instant, cette naïveté arrangeait plus Moreta qu’elle ne la gêner, mais peut-être devrait-elle revoir un peu plus tard son jugement sur ce point.

Le moine allait commencer à s'éloigner de la pièce, empruntant le couloir menant à la sortie lorsqu'il entendit les dernières déclaration d'Haleass.

¤Non sans blague ? Alors le personnage qu'on avait battu à mort dans les égouts n'était pas humain ? ça alors ! Je ne l'aurai jamais deviné moi-même !¤

Oui, c'était certainement un commentaire déconcertant qu'il se serait volontiers amusé à placer dans ce silence qui exprimait la gravité des dires du Yuan-ti. Peut-être auraient-ils alors fait bougé les muscles raidis de leur visages d'écailles.

Astrid était restée à l'extérieur de l'édifice, attendant le jeune homme sans poser de questions. En ressortant, il se plaça à ses coté en face de la porte qu'il venait de franchir et s'assit en tailleur comme à son habitude.

- Bon ben au moins maintenant j'ai compris ce qui importait réellement le plus aux Yuan-ti.

Se tournant vers la jeune esclave affranchie il le va un doigt vert le ciel comme pour souligner sa prochaine phrase.

- Les apparences ! Les Yuan-ti mettent beaucoup en oeuvre pour conserver de simples apparences ! En tous cas la régente à été vraiment très coopérative. Elle compte réellement sur nous à présent et n'essayera surement pas de se servir de nous. C'est toujours ça de gagner en assurance !

La fraicheur de cette matinée commençait à engourdir les articulations du moine. Il attendit patiemment que le reste du groupe eu finit de converser les dernier détails avec Dediana. Une fois qu'ils était sortis à leur tour il se dirigea vers Somon.

- Bon vous connaissez déjà mes intentions mais je n'ai pas ouïe votre opinion. Me suivrez vous à la recherche des ingrédients restants ? Il nous reste encore la piste des œufs d'homme-lézard, nous devions nous rendre de nouveau au caravansérail pour accompagner notre ami reptile au village de cet espèce et négocier avec le chef de leur tribu. Si vous avez d'autre objectifs en tête vous aussi alors je suis à l'écoute. Sinon je prendrai Saline avec moi bien qu'elle soit moins bavarde que vous !