Aucun son ne sortait de la bouche du nain depuis plusieurs heures déjà. Raidi par le froid et encore un peu tremblotant malgrès lui, le barbare semblait avoir perdu sa capacité à s'exprimer. Autrefois bavard comme trois même dans les moments les plus noirs, l'accumulation de gel, de mauvaise humeur et d'elfes avait achevé le papillement de sa langue. Aussi raide que le tronc d'un arbre, sa langue n'était pas de bois mais de pierre, trop lourde pour s'agiter, trop lourde pour se mouvoir et articuler.
L'oncle du muet n'était pas avare d'explications. Le feu de camp des elfes semblait avoir revigoré l'esprit et les paroles du magicien qui se complaisait à discourir sur leurs dernières aventures, relatant pourtant la fin de leur supposé compagnon avec parcimonie. Mais au son des dernières paroles du chef de l'expédition elfique, nommé Greath et venant expressément d'Eauprofonde pour relever leur camarades de leur campement si le nain avait bien tout suivit, la langue encore gelée du nain commença à se réchauffer lorsque celui-ci voulu ajouter quelque chose aux propos de son oncle.
- Naaar Aaaaahhh chaaaa CCHAAAR ... AAArrrhhh ...
Il tourna plusieurs fois sa langue dans sa bouche, émit différents bruits d'animaux sauvages plus étranges les uns que les autres. Il réussit pourtant après des maints efforts à articuler cette courte phrase :
- Pas question de retourner dans la forêt ! Marre des arbres et des efles ! JE VEUX MA BIERE !
Obnubilé par l'utopie d'un lit douillet, d'une fraiche bière et de deux-trois femmes de compagnie facile, Khazuk ne pouvait prendre en compte la situation présentes et les présentes obligations qui incombaient aux deux envoyés de l'Assemblée : aider les représentants d'Eauprofonde et les accompagner pour en savoir plus sur les étranges événements de la forêt.
Les gardes assimilèrent les informations faites par Braenor, et enfourchèrent leur monture. Ils fixèrent tous une sorte de baguette de bois entouré d'un chiffon. Ils ôtèrent, le morceau de tissu pour laisser apparaitre une vive lumière qui contrastait avec le noir de la nuit. Ils élancèrent leur chevaux dans la direction d'où étaient venu les deux nains qui se retrouvaient encore une fois livrés à eux mêmes. Ils seraient bien repartis immédiatement mais la fatigue commençait à se faire sentir en même temps que le sommeil. Et puis un bon feu de camp était toujours appréciable par ce froid. Surtout que ce dernier était remarquablement installé. Il n'était pas visible sur une longue distance et permettait de profiter pleinement de la chaleur du feu. En restant près du feu il remarquèrent qu'un sac avait été oublié lors du départ quelque peu précipité des gardes d'Eauprofonde. Il n'était pas de taille importante mais pouvait contenir au moins un tonnelet de bière, même s'il y avait peu de chance d'en trouver à l'intérieur. Il était peut-être important que les deux nains rapportent le sac à leurs propriétaires à moins de le ramener pour la cité des splendeurs ou encore de le laisser sur place. La question du voyage de nuit se posait de plus en plus également. Une marche contrainte ne pouvait que fatiguer physiquement et mentalement les deux nains. Valait-il mieux ne pas trop trainer sur ce voyage qui durerait encore un certain temps ou rester à l'abri pour cette nuit ?
Les semaines passèrent et on entendit plus jamais parler des deux nains. Des recherches furent menées sans aucun succès. Personne ne sut ce qu'il advint de l'oncle et du neveu. Avaient-ils succombé à de mystérieuses créatures ? Erraient-ils quelque part dans Féerûne toujours vivant ? La seule trace de leur passage sur cette terre fut deux pipes retrouvées brisées sur le sol près d'un campement abandonné.