Un très long voyage, mission pour la compagnie des marches

endant la main, le druide parvint à recueillir délicatement toutes les baies qu’il lui était possible sans endommager la plante. Blotties dans le creux de sa main, il les examina un instant avant de débiter une série de syllabes courtes et hachées qui l’aidèrent à apposer la bénédiction de Mailikki sur ces fruits au teint blanc cassé. Désormais, ils reposaient à l’abri dans une poche de lin ficelée qui dans une autre vie avait été considéré comme une chute inutile avant de croiser sa route.

Engoncés dans ce réduit, la plupart de ces fruits finiraient par coûter plus cher à l’hiverboisier qu’ils ne lui auraient apporté. Sans animaux pour les disperser, la plupart ne s’éveilleraient pas à la vie de par leur isolement des maigres rayons du soleil du fait de la cabane, la colonnade et surtout par leur génitrice.

S’attardant quelque peu autant pour assouvir un besoin naturel, accentué par le froid mordant, que pour s’acquitter de ce qu’il considérait comme un échange avec la vigne.

- Toka koka…

Murmura-t-il, énonçant sans vraiment s’en rendre compte, nommant ainsi la notion à laquelle il rendait hommage dans sa langue natale. Rhabillé, un doute l’assaillit soudain, la lueur étrange à la sortie de la grotte ne l’avait pas interpellé.

¤ Pourquoi ? ¤

Revenant sur ses pas, il revint vers l’endroit où il avait laissé les autres dont celui qu’il rangea mentalement dans son esprit comme ‘le tigre au coup de poing’ ou tout simplement ‘tigre poing’. Lui aussi, il ne l’avait pas identifié immédiatement. Où avait-il la tête ? Cette lumière pouvait et devait bien être le fait de la varathar !

- (commun) Séluné de bleu colore, pour qui veut le voir, la varathar
Sur un arbre mort prennent leur essor, les griffes de Heaum
L’hivernoisier tout enchevêtré et le pouceboisier
Comme outre bien gonflée, aident le voyageur fatigué.

Lance Baies magiques. Cherche encore.

ace à l’étonnement des deux hommes, Satis ne put répondre elle aussi que par de la surprise.

¤ Peut-être ont-il mal compris mes propos ? ¤

Le Commun était une des langues qu’elle avait apprivoisée. Elle en connaissait la grammaire, le vocabulaire mais aussi les nuances et quelques expressions courantes. Seulement, à l’instant présent, elle s’interrogeait sur ses connaissances linguistiques.

- Armée… nous parlons bien d’une armée, un groupe militaire composé de troupes ?
La prêtresse se rappelait bien être entrée dans une sorte de caserne le matin même mais elle restait dubitative quant au rôle de la Compagnie. Leur nombre était bien trop restreint, leur pouvoir en était d’autant plus limité et surtout elle se figurait difficilement Théodus comme un militaire.

- Quoiqu’il en soit… les Thayens sont les ennemis de mon peuple depuis des siècles. Nous connaissons leur cruauté et je ne doute pas qu’on en entende parler jusque dans ces terres. Les plus sombres rumeurs circulent sur les supplices qu’ils infligent. Les Thayens, non seulement en pratiquent le double mais en imaginent le triple. Une fois qu’ils auront tiré ce qu’il voulait de mes deux compagnons – et je ne parle pas que des informations, leurs vies cesseront aussi tôt.

Satis posa un moment sa voix. Quelques images de ses pérégrinations, notamment en pays Thayen, lui revenaient en tête, laissant sur leur chemin un étrange frisson. Ses tortures, elle en avait pratiquées ou juste observées, des plus basiques aux plus complexes : les souvenirs en étaient d’autant plus vivaces. Comme pour se réchauffer, et se rassurer, la prêtresse croisa les bras pour se les frictionner.

- Je suis assurée, reprit-elle, que vous ferez de votre possible pour les ramener vivants. Toutefois, cela peut s’avérer insuffisant. Rencontrer les magiciens rouges laisse une trace bien plus profonde que n’importe quelle cicatrice. Leur sanité mentale est mis à rude épreuve. Si vous parveniez à les trouver, sans pouvoir les délivrer, leur épargner d’avantage souffrances, aussi bien physique que psychique, serait presque de la charité. Aussi, si ils ont suffisamment de loyauté envers la Compagnie et en ont la possibilité, ils emmèneront le secret de leur mission jusqu’à la tombe avec dignité et sans peur. Car s’ils doivent mourir, c’est peut-être que leurs Dieux en ont décidé ainsi.

Satis jeta un regard autour d'elle. D'un signe de tête, elle signifia aux deux hommes qu'elle devait maintenant s'ocupper d'Erya, qui peinait à rester debout. S'exécutant, elle plaça l'épaule de la Shaarienne sur sa nuque. Le poids de la guerrière était étonnement plus grand qu'elle ne l'avait imaginé.

- Si vous avez quoi que ce soit d'autre à me dire, je vous écoute, ajouta-t-elle avant de se diriger vers la cabane.

Narration

Satis

-Mais j'avais très bien compris. Sauf que pour dépêcher une armée jusqu'ici, cela prend du temps. D'ici là je pense qu'ils seront partis. Et puis nous avons quelques raisons de les laisser agir de la sorte. Sinon, non je ne vois pas quoi ajouter. Nous reviendrons demain pour vous conduire à l'endroit souhaité.

Il laissa sur place Satis qui tourna les talons en direction de la cabane. Il ne s'agissait que d'une simple cabane en bois, mais son assemblage avait été consciencieusement fait. A l'intérieur il y a avait des peaux de bêtes qui tapissaient les murs permettant de garder une bonne chaleur à l'intérieur. Une étrange boule métallique était diposée au centre de la pièce. Où il se dégageait une douce chaleur, sauf si on s'approchait trop d'elle car elle était brûlante. Ce qui était étrange c'est qu'il n'y avait aucun feu à l'intérieur de visible. Elle était cependant utile car c'est elle qui chauffait la pièce principale de la cabane. Sur le côté quatre lits étaient disposés près des parois. Erya avait été disposé par l'un des hommes sur l'un d'entre eux.

Xoralundra

Le servant de la nature eut beau chercher encore pendant un bon moment, il n'y avait rien. Il avait pratiquement regarder sous chaque souche d'arbre, chaque pierre et observer chaque brin d'herbe sans rien trouver de nouveau. De dépit, il se résout à faire appel à sa magie nourricière. Il recueillit quelques baies et les chargea de son énergie. Comptemplant son oeuvre, il récupara en tout 5 baies transformées par ses soins ainsi que trois autres qui n'avaient pas été modifiées. Il commençait à faire très froid et il avait du mal à voir à deux pas devant lui.

e soudain changement de température amorça toute une mécanique. Les épaules de Satis, jusque là crispées par le froid, se détendirent. De même, ses doigts se décontractèrent jusqu’à laisser tomber l’arbalète sur l’un des matelas. Instinctivement, la prêtresse observa ses mains reprendre des couleurs. Elle s’agenouilla et tendit ses bras dans la direction de la boule métallique. Cette vive chaleur qui l’imprégnait petit à petit était presque douloureuse, mais elle n’en avait cure.

Ce ne fut que lorsque toutes ses veines se dilatèrent, laissant apparaître des joues bien rouges, que Satis s’éloigna de la boule pour se dévêtir. Elle se déchargea d’abord de son lourd havresac avant de déboutonner son manteau qu’elle lança à côté de son arbalète. Puis, prenant son temps, la prêtresse ôta sa côte de maille. Ses épaules en furent d’autant plus soulagées. Quand elle eut fini, elle s’assit sur le lit.

¤ Erya a l’air bien faible… mais je suis fatiguée de jouer le rôle d’infirmière. Qui plus est, je ne pourrais rien faire de plus. Non, pas tant que l’heure ne sera pas venue de prier à nouveau ¤.

es baies n’étaient pas à son goût et il comprenait parfaitement que les cerfs et chevaux ne les apprécient guère plus. L’impression piquante et désagréable se répandait sur la langue sans s’effacer et le druide grimaça intérieurement en avalant l’unique baie magique qu’il s’était réservé. Avant longtemps, les dernières traces des gênes diffuses occasionnées par leurs péripéties de la journée disparurent.

Agenouillé au chevet d’Erya, il lui glissa quelques brefs mots à l’oreille avant de mâchonner les quatre dernières baies bénies pour les régurgiter doucement entre les lèvres de sa cousine. Elle allait bientôt reprendre des forces et il serait offensant pour elle de s’attarder plus à ses côtés. Cela aurait été équivalent à mettre en doute ses capacités de récupération.

Xoralundra ressortit donc en emportant les couvertures inutiles de deux lits qu’il plaça comme il pût sur les montures restants à proximité de la cabane. De même, il jugea inutile de leur enlever leurs selles. La sueur gelant instantanément leur serait bien plus dommageable que le poids de leur harnachement.

S’arrêtant au pied d’un arbre, il adressa une prière que le froid mordant rendit plus brève qu’à l’accoutumée.

- [Shaaran] Soutiens mon bras, guide mon cœur, toi… Ô Mailikki… Et ton serviteur qui a juré de protéger tes forêts ne faillira pas…

En rentrant, il avisa que la prêtresse quand elle était assise et vêtue d’une simple chemise de lin avait l’air un peu plus vulnérable. Puis il posa son sac dans lequel il avait rangé les pierres luminescentes qui l’avaient induit en erreur à l’entrée de la grotte et se roula en boule à une distance raisonnable du brasero magique.

Narration

La nuit fut calme et réparatrice, surtout pour Erya. Au petit matin alors que la luminosité du jour était à peine apparue, l'homme qui les connaissait alors qu'ils ne l'avaient jamais vu arriva alors qu'ils se levaient à peine.

-(commun) Bonjour à tous. Bien dormi j'espère. Préparez-vous rapidement, nous partirons dans une heure, il s'est passé quelque chose de grave cette nuit au village. Je vous attendrai dehors pour en parler.

L'homme sortit rapidement, laissant sur leur faim les trois occupants encore un peu endormis. Erya était de nouveau opérationnelle, mais encore très faible. Il lui aurait fallu un peu plus de temps et de soins pour récupérer complètement. Elle se prépara rapidement, désireuse de connaître la mauvaise nouvelle portée par l'homme. Puis elle sortit de la cabane pour le rejoindre en attendant les autres. Il fallait aussi qu'elle s'occupe de sa monture aussi elle décida de ne pas perdre de temps.

oralundra grogna en ouvrant les paupières. Il roula de côté pour se mettre quatre pattes et s’ébroua, laissant cliqueter les bijoux accrochés à sa longue chevelure noire. Comme à son habitude, il n’avait pas enlevé son armure et il sentait que les marques des renforts métalliques de celle-ci resteraient imprimées dans sa chair quelques minutes, tout comme les rugosités du sol qui devaient apparaître sur la moitié de son visage.

Se levant, il se mit en devoir de s’échauffer durant quelques minutes, le temps de vérifier que chacun de ses muscles voulait individuellement encore lui obéir. C’était un des exercices quotidiens qui structuraient ses journées avec les deux prières à la Dame des forêts.

¤ Et elle ne devrait pas manquer ses propres exercices si elle ne veut pas retomber au combat ¤ Pensa-t-il voyant sortir sa cousine.

Bientôt, il prit son sac et sortit à sa suite pour s’agenouiller dans la neige, au pied du plus grand arbre en vue pour la prière matinale. Le froid était mordant, il se rendait vraiment compte du contraste à chaque fois qu’il quittait un lieu chauffé. C’était là un paradoxe curieux, il était habitué à une chaleur aride, presque stérile mais ne la retrouvait dans le Nord que dans les endroits habités...

Dès que Maïlikki serait satisfaite, il s’occuperait de ses enfants, leurs montures.

’un geste, Satis écarta sa couverture. En vérité, cela faisait déjà plusieurs minutes qu’elle était réveillée mais elle était restée immobile sur le lit. Ses aventures nocturnes l’avaient habituées à dormir exactement le temps d’un cycle du sommeil. De quoi rendre la nuit réparatrice et profitable à quelques actions ecclésiastiques.

Après sa prière, réduite à l’essentiel par la présence de ses camarades, elle s’était rapidement couchée. Seulement, malgré la fatigue des combats et du voyage, la prêtresse avait tardé à trouver le sommeil. L’odeur pestilentielle de Xoralundra, accrue par la chaleur de la pièce et le manque de ventilation, y était pour quelque chose. Enfouie sous sa couverture, dos tournée à l’Animal, elle s’était finalement endormie.

La Mulhorandi prit son temps pour enfiler sa côte de maille et son manteau. Tandis qu’elle se chaussait, elle passa machinalement ses doigts dans ses cheveux. Elle regrettait l’absence d’un esclave pour les lui brosser ou même d’un miroir pour qu’elle le fasse elle-même. De toute façon, elle n’avait pas de peigne.

¤Inutile de demander à Erya… et encore moins à Xoralundra. Il doit utiliser les mêmes pour lui et les chevaux.¤

Prenant tout son attirail, elle rejoignit ses compagnons.

Il y eut un soir, il y eut un matin et l'on ne revit plus jamais Satis, Xoralundra et Erya. Ils partirent pour la Haute-forêt sans jamais en revenir. Que leur étaient-ils arrivés ? Qu'avaient-ils découvert ? Nuls ne le saura sans doute jamais.