Enquête Macabre, Prélude du retour aux sources du Mal

Troisième jour de la Flétrissure, Anno : 1372
Lieu : Désert d’Halruaa
Temps : premiers rayons du Soleil sous une chaleur écrasante
Moment : Petit matin


Tous
Plus le soleil grimpait dans le ciel, plus les avertissements fusaient. Luna commença à être sérieusement agacée par le comportement bouché du demi-drow, qui voulait plus que tout, posséder toutes les cartes du destin de ses « compagnons » en main. Cet être là pensa Luna, voulait à tout prix comprendre ce qui se tramait autour de lui pour ne jamais avoir trop de retard sur le temps. Plissant les yeux en deux petites fentes meurtrières, Luna se précipita vers le tapis, coupant la route à la petite peste, qu’elle ignora royalement. Enmorien, voulant monter sur le tapis, recula de quelques pas, presque propulsée involontairement par la rapidité de la demi-elfe de lune. La hin serra les dents puis observa la jeune femme avec un intérêt soudain. Celle-ci agitait les mains près du tapis et sembla prononcer quelque chose, ou des bouts de phrase intelligibles. Cela devait probablement activer le tapis, une sorte de mécanisme magique à effectuer. Enmorien pensa alors qu’elle aussi pourrait tout à fait utiliser le tapis, mais alors, elle devait connaître les mots de pouvoir qui le faisaient fonctionner.
Luna, debout sur le tapis, prononça le dernier mot et tourna son regard courroucé vers Tharak. Celui-ci, en contre bas, vit s’élever le tapis à la verticale. Luna trônait dessus, bras croisés et s’approcha du bord.

- Ecoute le Gris, c’est toi qui va déboucher tes oreilles, et pour de bout, compris ? Ce que je sais, je te l’ai dit, et redit, et reredit. Maintenant, j’ai des oreilles, et je sais me débrouiller dans des situations délicates. Et il se trouvait justement que mon hôte était tellement sûr de lui à un moment, qu’il ne prenait même plus les précautions nécessaires afin de cacher ses petits secrets. Maintenant en effet, ce tapis est le mien, ce qui fait donc que c’est à moi de décider si « TU » feras partie du voyage ou pas, et non l’inverse. « TU » ferais mieux de ne pas l’oublier. Saches aussi que tu es très loin de me faire peur, mis à part ton physique repoussant, tu ne sembles pas plus offensif qu’un moustique dans le désert, contrairement à la petite prêtresse.. Luna regarda un instant Enmorien et lui sourit, comme pour lui rappeler qu’elle lui était assermentée. Ou comme le mage.. Puis elle le regarda à son tour, faisant la même mine étrange. Bah, tu peux toujours aller pleurnicher auprès de tes compagnons, mais ça m’étonnerait qu’ils apprécient tes jérémiades, un groupe a besoin de personnes fortes en son sein, ce qui semble t’exclure pour le moment, pas vrai ? Et je doute que tu saches vraiment que ce qu’est la mort, alors ne joues pas ce petit numéro avec moi. Pour ma part je préfère m’attacher au maximum à un semblant de vie, et à le défendre corps et âme, je ferait tout pour rentrer chez moi, ou pour retrouver ce sale bouffon nain de gnome, afin que ses tripes aillent pendre au bout de ma lame, maintenant que j’ai une idée de sa méthode de capture.. Quant à la mort elle-même, tant que je serais fidèle à mes croyances, aucun autre dieu ne pourra m’enlever sans.. altercation divine.

Luna souri une dernière fois à Enmorien, et ses lèvres se resserrèrent pour ne plus devenir qu’un masque impassible. La petite était débrouillarde et avait du répondant, en quelques instants elle avait renversé la situation, montrant qu’elle-même était plus indispensable que Tharak, qui ne faisait que déblatérer de vaines paroles, et entretenait une relation paradoxales avec l’elfe pure souche. Luna, bien que sincère dans ses propos quant à sa situation présente, cachait elle aussi un petit jeu de son cru, ainsi que quelques tours qui lui procurerait une défense parfaite.

- Bien, maintenant que nous semblons tous d’accord, vous allez m’accepter comme votre compagnon pour ce voyage improbable, et me dire ce que vous voulez faire dans le nord, ainsi que vos rapports avec cette espèce de sombre entité qui s’est transformée en chauve-souris cette nuit. Si vous ne voulez rien en dire, alors j’irai seule voir ce qui en est là bas, à moins que l’elfe veuille m’accompagner, vu qu’il est arrivé étrangement la veille, et qu’il fait autant l’objet de suspicion que moi. ’

La jeune femme sourit, mais son invitation était sincère. De vrais alliés ne se refusaient pas, et s’ils l’acceptaient comme compagnon, ce ne serait que par pure hypocrisie. Elle voulait néanmoins savoir le déroulement de cette sombre trame. Ses quelques mots en elfique allaient jeter le trouble chez Tharak et Elwë, car peut-être Luna en savait-elle plus long sur ces deux zigotos qu’il n’y paraissait.

a demi-elfe aurait giflé le crinti en public qu'il n'aurait pas été plus vexé.
Non, cela ne pouvait s'être produit, il avait forcément eu une hallucination. Pas à lui, échappé d'une société matriarcale pour fuir le joug des femelles de son propre peuple. Cette deuxième petite peste n'avait pas décemment pu oser lui parler de la sorte. C'était peut-être la forte chaleur déjà assomante qui lui jouait des tours.

Mais un coup d'oeil vers la demi-elfe suffit à confirmer au roublard qu'il n'avait pas rêver.

Depuis qu'il avait rejoint Halarahh, Beshaba semblait encline à semer le parcours de Tharak d'épreuves. En l'espace de deux jours, deux femelles se jouaient ouvertement de lui.

Les pensées les plus assassines se bousculaient dans son esprit.
Non.
Un crinti, eusse-t-il renié ses origines, ne pouvait se laisser traîner dans la boue ainsi.

La Lame de l’Amasstarte, qui se dirigeait vers ce qui allait devenir le moyen de transport du groupe, lâcha prestement son sac et ficha son regard vers celui de la sang-mêlé, trop haut perchée pour être accessible directement par le bâtard.
Seules les paroles pouvaient pour le moment atteindre l’impudente et la contraindre à regagner le plancher des vaches. Et là… Elle paierait.

Aussi, s’adressa-t-il à elle d’un ton sarcastique.
- ah oui ? tu es donc convaincue d’être indispensable ? ne désirerais-tu pas prendre la direction des opérations ?… mais descends donc que nous te consignions tous les éléments qui nous ont conduits ici même. Tu pourras ainsi prendre les décisions qui s’imposent et nous donner tes directives… si tu n’as pas rejoint le dieu de notre petite prêtresse avant tout cela !
tu veux que je te dise ? tu as bien fait de monter là-haut avant de me menacer de la sorte. Tu as du cran petite… enfin tu crois nous persuader que tu en as mais descends donc et nous en parlerons. Vois-tu, pas mal de races ont parfois quelque remords à violenter une femelle, pas moi. J’ai vécu dans une société ou les femelles imposent, et ce le plus violemment possible, leur volonté à tout un peuple. Alors permets-moi de te dire que c’est avec un plaisir non dissimulé que je t’expliquerai ma vision de l’aventure qui s’offre à nous.

Luna & Karan Goroth


Tharak sermonne Luna : Intimidation : 11(d20)+1= 12 >< Test opposé de Luna : 15(d20)+1(niveau)+2(Sagesse)= 18 – Echec de Tharak

Luna leva un sourcil amusé, agrémenté d’un petit sourire presque moqueur. L’assurance que pouvait afficher le demi-drow n’était qu’illusoire, et il manifestait une certaine crainte envers les femmes, apparemment. Mais plus il parlait, plus il commençait à l’agacer.

- Indispensable ? Alors tu me vois comme ça ? C’est touchant tu sais. Je ne me qualifierait pas comme ça moi-même, bien que je puisse rendre ce voyage terriblement, agréable.. Quant à prendre la direction des opérations.. ce serait tentant, si au moins j’aimais cette responsabilité ennuyeuse qu’est la garderie, surtout quand je vois les enfants turbulents qu’il y a autour de moi.

Le tapis se déplaça horizontalement dans les airs, jusqu’à aller au dessus du demi-drow insolent. Pendant un moment, le silence s’installa, jusqu’à ce que la voix de Luna le rompît.

Luna joue des coudes à son tour : Intimidation : 16(d20)+7= 23 >< Test opposé de Tharak : 18(d20)+1(niveau)+0(Sagesse)= 19 – Réussite de Luna
Tharak est Intimidé : Son attitude devient plus positive

- Tu te la joue membre d’un gang de rue maintenant ? Tu manques cruellement d’imagination, et tu n’as pas assez de prestance pour impressionner ne serait-ce qu’un ver gluant. Et soudain Luna sauta, non sans prononcer un autre mot discret, et atterrit sur le sable, droite comme un piquet, devant le Gris. Ton passé de traumatisé ne m’intéresse pas, arrête de branler ton râtelier et d’émoustiller ta testostérone avec des futiles paroles qui n’intéressent personne. Maintenant que je suis là, qu’est ce que tu as à redire ?

Luna colla presque son visage contre celui du demi-drow, et cela la dégouta. La demi-elfe dégageait une odeur suave et sensuelle, mais aussi fatale. Derrière elle, le tapis volant s’était enroulé et flottait dans les airs derrière celle qui le commandait. Le soleil révélait à travers ses amples vêtements de dangereux éclats métalliques intelligemment dissimulés.
Karan, intrigué, et surtout amusé par cette altercation ne prit pas la peine d’intervenir. Cela l’agaçait qu’ils perdent du temps ainsi, mais il était d’une certaine façon heureuse que sa poulaine ait autant de bon esprit. Le nécromant se rapprocha à pas de loup vers l’étrange couple. L’homme, qui la veille n’avait l’air que d’un petit apprenti en magie semblait à présent dégager une sorte de nouvelle prestance. D’un regard en biais, il observa la soi-disant prêtresse et ne détecta rien de divin en elle. Il mit ça sur le compte de sa récente dévotion puis reporta son attention sur le tapis magique qui l’intriguait au plus au point.

- Allons allons, faisons au moins semblant de nous apprécier, comme nous le faisons si bien ! Mon bon Tharak, pourquoi ne pas lui expliquer dans les grandes lignes ce pourquoi nous allons au Septentrion ? Vous savez bien, notre expédition pour le compte de mon école, afin de retrouver des tombes et certains artéfacts familiaux ? reprit Karan avec un sourire entendu à son collègue.

Le mage insinuait sournoisement au crinti de dévoiler une infime partie de leur plan, c'est-à-dire un aperçu géographique. Pour le reste, Karan avait posé les fondations d’un mensonge que Tharak pourrait exploiter, afin d’embobiner Luna.

’étrange dialogue entre la demi-elfe et le crinti emplit Enmorien d’un mélange subtil de profond dépit et de réconfort. Son agacement face à la stagnation de la situation et le caractère borné des deux bâtards n’était atténué que la possibilité d’utiliser ce conflit à son avantage. L’intervention du mage prouva de nouveau que celui-ci était le nerf de cette expédition, et que le véritable pouvoir dans ce groupe était en ses mains. Et cela plaisait grandement à la halfeline. De tous, il était celui qui résisterait certainement le plus longtemps à l’insidieuse corruption qu’elle comptait distiller au fur et à mesure de la quête, mais en lui-même le pouvoir ne tarderait pas à rendre Karan plus sensible aux discours fourbes de la halfeline.

Mais cela prendrait du temps, et, justement, aucun membre du groupe n’avait intérêt pour l’instant à favoriser les conflits et à traîner dans ce désert alors que le soleil montait. Sentant déjà la morsure de la chaleur sur sa tête, la fausse prêtresse enroula l’un des rubans de sa tenue de la veille autour de sa tête, assez lâchement pour ne pas lui serrer le crâne et former un écran aux rayons du soleil.

Ce n’est qu’après cette précaution qu’elle décida de rebondir sur les paroles de Karan.

-Nous avons déjà parlé de cela, Karan. Lança Enmorien en direction du mage, avec l’intonation de ceux qui sont las de longues conversations. « Seule votre orbe sera retirée du tombeau, le reste des possessions appartient aux morts. Et le but premier n’est pas de ramener l’artefact pour votre école, mais bien de ramener les morts là-bas au Repos Eternel. Je n’accepterai pas que l’on pille les sépultures impunément. »

Un instant, un masque de résolution infaillible se forma sur le visage de la fausse prêtresse. Puis, dans un soupir, elle relâcha la tension de ses traits et haussa les épaules.

-De toute façon, il faudrait déjà que nos rumeurs soient fondées. Votre école et mon ordre ont beau avoir reçu tous deux des informations sur des agitations anormales de ceux qui devraient reposer en paix, nous n’en n’avons pas pour autant la position exacte des dites tombes. Notre priorité reste de savoir si oui ou non ces rumeurs ont raison d’être. Mais bon, si effectivement un mort-vivant traîne dans le coin, il se pourrait que je ferme les yeux sur les possessions de ce monstre.

La halfeline reprit son sourire et son apparente légèreté.

-Mais bon, ce n’est pas en restant ici que nous allons faire avancer les choses. Qui plus est, les lourdes chaleurs ne sont pas mes plus grandes amies, aussi je conseille de partir au plus vite. Nous aurons tout le temps de discuter des détails de l’expédition une fois sur le tapis. Luna, voulez-vous ?

Elwë, curieux de la nature de la magie utilisée pour son voyage, questionna le mage qui s’interrogeait encore sur ce prodige. Mais il n’offrit à l’elfe pour seule réponse qu’un silence glacial qui contrastait avec l’étouffante chaleur du désert tant il était accaparé par un autre problème.

Tharak et Luna s’invectivaient l’un l’autre depuis plusieurs minutes et cela ne s'arrangeait pas. Cette dernière, qui tenait tête au sombre, usa de son tapis pour impressionner la galerie et ainsi prouver sa bonne foi, sans tenir compte de l’ordre qu’il lui avait donné auparavant, ce qui le plongea dans une rage noire. On ne se dérobait pas à ses ordres ! Mais l’accrochage avec Tharak s’envenimait, et le nécromant, partagé entre irritation et amusement, se surprit à glisser au sombre l’idée de lâcher quelques informations, aussi fausses ou incomplètes fussent-elles, afin d’instaurer un calme relatif et surtout propice à un départ rapide de cette fournaise. Le temps passé par le crinti à réfléchir à une histoire et ils seraient loin. Du moins il l’espérait…

Malgré l’apparente sérénité affichée à ses compagnons, il ne put retenir, après un long silence, quelques signes d’énervement. Il tambourina nerveusement du pied dans le sable et laissait son regard fou courir d’un visage à l’autre. Ses joues s’empourprèrent d’une fureur grandissante.

Mais ce fut Enmorien, en proie à une profonde lassitude, qui réclama à son tour à Luna le départ du groupe. S’adressant au mage, elle rappela à tous quelques objectifs de leur mission et surtout dévoila quelques informations, jusque là gardées secrètes, concernant l’objet et son éventuel possesseur… ou gardien. L’arcaniste contint l’expression de surprise que la révélation faillit lui arracher. Seule une lueur de convoitise illumina ses yeux habituellement noirs. Il songea qu’Enmorien possédait encore des indices intéressants. Par cette démonstration elle devenait un pivot important dans cette affaire. Son ordre ne l’avait pas placée sur cette intrigue pour rien. En évoquant le clergé de la hin, qui prêchait toujours avec la même ferveur les paroles de son temple, il repensa à cette étrange impression qu’il avait eue ce matin en la regardant… Mais il chassa ce sentiment d’un haussement d’épaules, imaginant l’orbe et ce mystérieux gardien mort vivant qui alimentait en lui une réelle fascination.

- Merci pour ces précisions Dame Enmorien. Dit-il à la jeune prêtresse avec un air satisfait.

¤ Remettre cet orbe à mon école ?! Au vieux fou qui la dirige ?! Mérite-t-il seulement un tel honneur ?... Et qui sait ? A l’heure qu’il est ils sont peut être tous morts. Et il est hors de question que je retourne me jeter dans la gueule du loup, dans cette ville où l'on assassine les nécromanciens tous les jours. En revanche je promets seulement de garder et de faire bon usage de cet objet…¤ Le nécromant retint un rire machiavélique. ¤Et ce mort vivant… si cela est vrai... Quelle aubaine. ¤

Karan repensa aux notes de Brion et la langue ancienne dans laquelle elles étaient pour partie rédigées. A la forteresse de Talathgard ils auraient du temps pour étudier cela et trouver des réponses. Mais encore fallait-il s’y rendre ! Il fixa sévèrement Luna qui, il l’espérait, obtempèrerait cette fois ci, et lui dit d’une voix ferme comme il ne voulait pas perdre l'emprise qu'il était censé avoir sur elle :

- Dame Luna, auriez vous l’obligeance d’une part, de cesser ces chamailleries puériles avec votre camarade de jeu, l’enfant Tharak, et d’autre part, comme plusieurs d’entre nous vous l’ont déjà demandé, de nous conduire, sur votre merveilleux tapis, dans les montagnes au nord de ce désert afin de poursuivre notre voyage qui ne devra plus, désormais, souffrir d’aucun retard ?... Notre périple ne fait que commencer ! La prochaine étape de... la « Compagnie du désert »... est la forteresse de Talathgard !... Hâtons nous je vous prie! Que les dieux nous guident et veillent sur nous durant le voyage.

Le mage, un léger sourire au coin des lèvres, observa avec malice l'impact du nom qu'il venait de donner à leur groupe, la « Compagnie du désert », sur chacun des membres.

Mais sa préoccupation se reporta ensuite sur l’objet qui attisa sa curiosité quelques instants auparavant. Le tapis de Luna et sa manipulation. Après avoir pris place dessus, il observa la jeune femme avec intérêt, guettant les mots et les gestes qui commandaient l’artéfact. Cette fois ci, il voulait mémoriser chaque mot prononcé et chaque geste effectué par la sang mêlé. Il se plaça donc de façon à observer ses lèvres et ses mains. Il voulait comprendre et apprendre la magie qui transformait un banal ustensile de salon en un extraordinaire moyen de transport…

L’envenimement de la situation avait totalement échappé au crinti. Ce qui se voulait juste il y a quelques minutes comme un simple éclaircissement sur la présence de la demie-elfe en ces lieux si reculés s’était transformé en un conflit intestin au sein de la petite communauté. La sang-mêlé se méprenant sur les intentions du bâtard, puis celui-ci cédant à son impulsivité, une bénigne interrogation avait pratiquement abouti à une véritable provocation en duel.

Réalisant qu’il fallait au groupe un minimum de cohésion, Tharak entreprit de clarifier pour tant que faire se pouvait la situation.

- Bon, les jeunes, il me semble qu’on s’égare en effet un peu du cœur d problème. A commencer par toi, petite. avança l’assassin en direction de la demie-elfe. A aucun moment, je n’ai voulu me positionner en tant que chef de notre détachement. Reconsidère bien les paroles que j’ai prononcées et tu pourras te rendre compte que je t’avais juste demandé comment tu étais arrivée au cœur de cette étendue désertique. Tu as interprété mes propos et t’es enflammée bien vite. Tu comprendras bien sûr que notre voyage, comme viennent de te le décrire sommairement nos deux compagnons, n’a rien de touristique et qu’il est légitime de vouloir savoir avec qui on fait route dans de telles circonstances. Mais nous dirons que tu es amnésique et que si des éléments te reviennent tu voudras bien nous en faire part... si tu le veux bien !

Bref, le gentil organisateur de ce voyage, vois-tu, est bel et bien le sieur Karan. C’est pourquoi, nous suivrons aussi fidèlement que possible ses consignes. Non qu’il revendique une position de meneur, mais il dispose d’éléments disons…techniques qui nous sont étrangers. Alors si vous le voulez bien, cessons de tergiverser et si notre charmante amie daigne nous faire profiter de son bout d’étoffe, voguons vers de nouveaux cieux, plus au nord.

Comme pour détourner l’attention du groupe du conflit qui venait d’être étouffé, Tharak s’adressa ensuite au Gantelet.

- Et toi l’archer, tu as également oublié d’où tu viens ? Qu'à ce la ne tienne, quittons ces rtuines avant que le nabot ne pointe à nouveau le bout de son gros nez.

Tharak était conscient qu’il risquait de mettre l'autre membre de sa guilde dans l’embarras en lui demandant de justifier sa présence ici mais il était évident que ce dernier avait déjà un scénario tout établi quant au pourquoi de son arrivée impromptue parmi eux. Du moins le crinti l'espérait-il...


Le subit retour au calme de la Lame avait fait l’objet au plus profnd de lui-même d’un âpre combat contre ses propres réflexes. Et Tharak avait peiné à se convaincre que son impulsivité avait été l’unique cause de l’affrontement qui venait de se produire. Un sentiment de frustration été néanmoins né en lui et cette autre bâtarde de perdait rien pour atttendre

onscient que Tharak essayait désormais de calmer le jeu, Luna se convint qu'elle ferait mieux de l'imiter, pour deux raisons aux moins. Premièrement, même s'il n'y avait que peu de chances que le gnome réapparaisse, il ne servait strictement à rien de s'éterniser dans ce lieu à se quereller. Enfin, continuer le conflit avec le demi-drow alors que ce dernier avait décidé de s'en tenir là ne ferait qu'énerver inutilement les membres de la communauté. Sa dispute avec Tharak les avait peut-être impressionés, mais il valait mieux ne pas insister si elle voulait conserver ce léger avantage quelques temps encore.

-Soit l'ami, ironisa t'elle, "puisque ces paroles n'avaient pas, bien qu'elles en avaient tout l'air, le sens que j'en ai compris, et que tu sembles vouloir t'excuser, je consens à en rester là". Elle avait prononcé le mot "excuser" sur le ton de la provocation en espérant cependant que cela ne relance pas le conflit. Chassant cette idée, elle se dit qu' après tout, le demi-drow n'avait que peu d'avantages à reprendre les hostilités. Elle repensa aux paroles de l'assassin à propos de ce qu'il appelait son "amnésie". "Bien que visiblement, mon pauvre ami, tu n'as pas tout compris à ce que je t'ai répondu auparavant." Continua t'elle à l'adresse du demi drow, d'un ton compatissant.

-Enfin bref, arrêtons nous en là, et je suis d'accord avec toi, ...Tharak, cessons de perdre du temps avec ces discussions stériles et inutiles, et essayons de quitter cet endroit avant que les conditions ne deviennent réellement embarrassantes. Si vous êtes tous prêts à partir, je le suis aussi et le tapis n'attend que mes mots pour décoller. Elle aurait pu faire remarquer une fois de plus à Tharak que c'était elle qui avait le contrôle du tapis et par conséquent de la durée du trajet d'aujourd'hui, mais préféra s'en abstenir ; il n'y avait nul besoin d'envenimer encore plus la situation.

-Donc dès le moment où quelqu'un pourra me dire quelle direction prendre pour aller vers cette fameuse forteresse de ... Talathgard, il n'y aura plus aucunes raisons pour que nous restions ici un instant de plus.

Elle n'avait pas questionné directement Karan, mais c'était à lui qu'elle avait adressée sa dernière phrase, vu que selon Tharak, c'était lui qui dirigeait actuellement les opérations. Elle alla ensuite s'asseoir sur le tapis, attendant une quelconque réaction de la part du mage ou d'un autre membre du groupe, où tout simplement qu'ils s'approchent du tapis afin de se préparer à partir.

Le calme revint enfin parmi les membres de la compagnie, présageant du moment tant attendu de tous, le départ.

- A la bonne heure, voici que nous pouvons enfin retourner à nos affaires.

Le crinti convint, comme Enmorien le fit précédemment, que le mage était le guide de ce voyage, et que c’était à lui que revenait le choix des destinations, du moins jusqu'à la grande bibliothèque. Il redressa, avec une certaine fierté, le menton alors que le sombre ajoutait la fidélité à l’entente. Mais le nécromancien le perfora du regard, une étincelle de folie au fond des yeux, quand il réfuta sa position de meneur, arguant qu’aucune revendication n’avait été faite.

¤ Je n’ai nul besoin de la revendiquer, imbécile ! Elle s’impose naturellement… Et pas seulement pour des éléments techniques ! S'il n'y avait que cela! Tu le découvriras sans doute à tes dépends… mais trop tard... ¤

Il étouffa un petit rire nerveux alors que l’air s’emplissait de nouveau d’une tension palpable entre le sombre et le mage. Mais il puisa dans cette nouvelle force intérieure le calme qui retenait son bras et ses incantations. Son visage crispé se détendit mais ce figea dans une expression dure et fermée, imperméable aux émotions qui le submergeaient trop rapidement, à l’image de celle du grand prêtre du temple d’Azouth.

Il nota aussi l’allusion au manque d’échange sur les indices, qui semblaient en sa possession et celle de la hin. Mais il savait que, pour le moment, le groupe serait derrière lui car il lui manquait des éléments. Et cela lui suffisait.

Karan se tourna ensuite vers Luna et, d’abord hésitant, puis enhardi par la curiosité qui le gagnait, il foula le textile imprégné de magie posé à même le sol. Il observa la texture et la qualité de la matière qui le constituait, et y déposa son lourd paquetage. Il ne résistait plus à l’envie de survoler les désert halrhuéen et le fit savoir, enthousiaste.

- A la Paroi nord, très chère Luna ! Au nord! C’est dans cette direction que nous nous dirigeons. Il pointa la direction de son bras fin et osseux. « Apprenez d’abord ce qu’est cette fameuse Paroi nord. Il s’agit d’une barrière rocheuse réputée infranchissable et dangereuse qui sépare l’Halrhuaa du Shaar dans sa partie septentrionale. La forteresse y est bâtie sur ses contreforts. » Il se tourna vers Tharak et distribua ses consignes. « Sire Tharak, vous veillerez à maintenir le… cap, est ce cela ?… au septentrion. Nous nous orienterons ensuite légèrement vers l’occident quand nous apercevrons les montagnes, si nous les atteignons avant la nuit. Je n’ai pas idée des possibilités de ce vaisseau, mais j’espère que nous aurons parcouru suffisamment d’ici à la nuit. Nous aviserons pour faire une petite halte, si nécessaire, et pour bivouaquer cette nuit, en restant éloignés des montagnes, elles n’ont pas bonnes réputations. N’hésitez pas à me faire part de tous les détails que vous apercevrez durant le trajet, je les ajouterais à ma carte. Cela pourrait s’avérer utile. »

Gagné par l’excitation que lui procurait ce voyage, Karan vérifia rapidement que chacun des voyageurs avait pris place sur le tapis, et annonça avec force et entrain le départ.

- Maintenant, Dame Luna, si personne n’a plus d’objection à formuler, vous pouvez procéder au décollage.

Le mage fut vite rattrapé par sa soif de connaissance. Il restait attentif au moindre mouvement des mains et des doigts, et écoutait chaque syllabe que la jeune femme prononcerait pour activer et diriger ce tapis. Il n’avait pas ressentit une telle excitation depuis cette nuit chez Brion. Il restait suspendu, concentré, le souffle court et le cœur tambourinant, au bon vouloir de la demi-elfe…

Troisième jour de la Flétrissure, Anno : 1372
Lieu : A proximité de la forteresse de Talathgard
Météo : Première fraîcheur après une journée étouffante.
Moment : Début de soirée

Le soleil avait déjà disparu depuis plus d’une heure derrière les montagnes à l’Ouest, mais ses rayons violet et ocre semblaient ne pas vouloir cesser d’éclairer le ciel, projetant des ombres démesurément allongées sur le sable du désert. Au Nord et à l’Ouest, les masses imposantes des montagnes, déjà envahies par l’obscurité, formaient une barrière apparemment infranchissables. Et le plus haut de ses massifs, qui semblait avancer vers le désert comme pour le défier, captait encore les derniers ratons du soleil sur son pic élancé. Karan ne put se retenir de s’ébahir car, au-delà de la beauté du paysage, il en connaissait le caractère sacré : il avait devant les yeux Talath, le Haut Lieu Saint de l’église de Mystra.

Le voyage en tapis avait été long et pénible, sous un soleil de plomb et sans pause. Mais personne ne semblait s’en plaindre. La perspective d’une nouvelle nuit en plein désert (et peut-être donc d’un nouvelle apparition monstrueuse) ne réjouissait aucun des aventuriers et c’est avec grand soulagement que la ‘compagnie du désert’ distingua enfin au loin les lueurs des torches de la forteresse.

Du groupe, seul Karan connaissait cet endroit, même s’il n’y était jamais allé. Talathgard était une forteresse bâtie pour protéger à la fois le chemin menant au grand temple de Mystra sur la montagne, et le passage menant en Halruaa. Une garnison mêlant chevaliers et mages de guerre s’y trouvait en permanence, et son efficacité redoutable était réputée dans tout l’Halruaa (et certainement au-delà, pour autant que Karan le sache).

Elwë et Luna, qui avaient tous deux la vue la plus perçante dans la pénombre, distinguèrent alors rapidement une forme étrange au-dessus de l’austère et massif fort. Aucun des deux ne put au premiers abords croire cette vision, mais quand Tharak puis Karan leur confirmèrent, ils durent bien admettre la réalité : un vaisseau flottait au dessus du krak. Un vaisseau de belle taille, qui plus est. En dessous, une dizaine de grandes tentes rondes avaient été dressées dans l’ombre du fort. Alors que Luna entamait la manœuvre de descente, les aventuriers distinguèrent une paisible animation autour du campement sommaire…

La chaleur accablante de la journée avait laissé la place à la fraicheur de la nuit. Ils avaient traversé le désert halruéen en une seule et longue étape grâce à l’artefact insolite de Luna et apercevaient désormais l’objet de leur voyage. Epoustouflé par le spectacle, Karan retint son souffle et admira la majesté de la forteresse qui dominait de toute son imposante structure cet océan de sable étalé à son pied.

Il observa le navire volant stationné au dessus de la forteresse, ainsi que le campement. Il recherchait toutes armoiries ou couleurs permettant d’identifier la maison du seigneur qui séjournait ici, à Talathgard. Il se rappelait ce détail, peut être insignifiant mais qui n’avait cessé de le tarauder, d’un vaisseau flottant au dessus de la ville la nuit où Brion avait été assassiné.

La nuit s’installait et ils devaient penser à se reposer. Luna, dont il observait avec grand intérêt tous les mouvements liés à la manœuvre du tapis, dirigeait avec maitrise son engin et amorçait une descente lente et régulière afin de ne pas déstabiliser ses passagers. Le mage lui indiqua un endroit devant la porte principale de la forteresse où poser l’esquif. Il songea qu’il devait bien y avoir quelques formalités à remplir avant d’accéder au sanctuaire. Et de toute façon il faisait trop noir pour poursuivre jusqu’au temple. Ils demanderaient le gite et le couvert pour cette nuit.

Demain, si les dieux leurs étaient favorables, ils entreraient dans le sanctuaire de la déesse. Il frissonna à l’idée même qu’une telle chose put lui arriver un jour. Le pèlerinage n’avait été qu’un prétexte, mais ici, maintenant, ce mot prenait un sens nouveau pour lui. Il vouait sa foi à une autre divinité, mais il ne pouvait pas négliger de prier Mystra en son temple pour la remercier de lui laisser utiliser la toile à sa convenance, et il l’espérait, accéder à la grande bibliothèque qui jouxtait son temple. Il sentit sa gorge se nouer. Demain, ils découvriraient les raisons de leur voyage.

Il attendit d’être au sol et que ses compagnons et lui aient repris leurs fardeaux pour se diriger vers le poste de garde.