Enquête Macabre, Prélude du retour aux sources du Mal

Le mage attendit patiemment que le carnage commença. Mais à sa grande surprise, et pour sa plus grande déception, la prêtresse décida d’user de persuasion et de nouvelles menaces pour convaincre la captive de se rallier à leur cause tout en reniant son dieu. De ses souvenirs, Mask était le dieu des voleurs. Demander à une menteuse en puissance de renier sa divinité pour s’associer sous la contrainte à ses tortionnaires, voilà une démarche peu conventionnelle et surtout peu durable.

¤ Marché de dupes, pensa-t-il. Tu viens de signer ton arrêt de mort, petite sotte ! Je prendrais soin de ton corps, ne t’inquiètes pas. ¤ Il ricana nerveusement, puis d’un hochement de tête exprimant sa frustration, il se détourna d’Enmorien et de sa prisonnière, qui, sans nul doute, accepterait ce marché. Il ne pouvait en être autrement, sa vie en dépendait. Mais ensuite...

L’elfe sortit enfin de sa cachette. Tharak, incapable de maîtriser cet archer, ne pensait qu’à converser avec lui. Mais, Karan savait maintenant pourquoi le Sombre hésitait tant à se frotter à cet intrus. Ils étaient alliés, même s’ils ne paraissaient pas se connaitre. Gantelet ou lame, peu importait. Ils appartenaient à la même organisation. Il se rappela la douleur qui les frappa simultanément à leur première rencontre. Il devait bien y avoir plus discret et moins douloureux comme signe de reconnaissance. Quel pouvait être ce signe ? S’il le trouvait il saurait les démasquer plus tard, si sa route croisait de nouveau celle de cette guilde.

Le coureur des forêts parla de ces seigneurs du désert. Ainsi le mage n’avait pas rêvé. Tous avaient entendu cette voix. Ainsi il ne sombrait pas dans la folie… L’homme sans perdre de son assurance, posa même une question qui inversait les rôles. Il passait pour une victime et s’associait à ce que la voix avait dit, mieux il souhaitait déjà faire partie de cette troupe et voyager avec eux.

Il revint au pied de cet escalier, et fixa l’archer d’un regard froid comme l’acier. Le mage n’était pas à son avantage dans cette obscurité, et se battre contre un archer elfe n’était pas la meilleure solution. C’était même du suicide. Il voulut laisser au Sombre le soin de traiter cette affaire, mais il avait un tout autre plan pour lui.

L’elfe posait un regard craintif, ou… méfiant… sur sa personne. Il le redoutait ! Etait-ce cela ? Ce sentiment nouveau le renforçait, le flattait même. Il devait travailler ce côté ténébreux de sa personne. Image noire qui inspirerait la peur sans qu’il eut besoin de démontrer sa puissance. Oui… Il souhaitait user de son faible avantage, la crainte qu’il lui inspirait, et lui lança d'une voix méprisante et sifflante :

- Seigneurs du Désert ? De quoi parles-tu ? Où vois-tu des seigneurs ici ? Le mage décrivit un cercle avec les bras invitant les protagonistes à s’observer. « Par contre, tu ne manques pas d’audace, toi qui plonges tête la première dans le sable, à nos pieds, à l’instant même où nous arrivons à ce point d’eau pour bivouaquer entre… amis. » Le mage pointa son bâton dans la direction de l’elfe, menaçant. « Tu n’es pas en position de force pour réclamer quoi que ce soit de nous. Mais je te retourne la question. Qui es-tu ? Et que fais-tu là ? Cet avorton, ton complice j’en suis sûr, semblait t’attendre avec une prisonnière. Qui était-il ? Que faisiez-vous ici ? Vous attaquez les voyageurs, c'est cela ? De vulgaires gredins… Dommage, cette fois vous êtes tombés sur plus fort que vous… Et maintenant te voilà disposer à changer de camp... Mais avant il va falloir t'expliquer... Aller ! Parles sans détours ou le Sombre se chargera de toi. Ne vois tu pas comme son arbalète le démange ?…

Le mage sourit à l’attention de Tharak… ¤ Décides toi, « ami » ¤ Il ricana.

près tout, Luna pouvait peut être avoir une chance de s'en sortir. La halfeline lui avait en effet proposé la vie sauve et la liberté si Luna reniait son dieu et jurait de suivre le groupe. Du moins, c'est ce que la prêtresse avait laissé entendre au groupe. Mais, par un moyen que Luna ignorait, la halfeline s'était adressée directement à son esprit, ce qui l'avait -très- désagréablement surprise. Mais plus étonnantes encore avaient été les "paroles" tenues par la halfeline ; celle-ci lui proposait en effet de la suivre afin d'obtenir des pouvoirs occultes et ténébreux. Si Luna n'avait pas été dans cette position délicate,elle aurait souri. La halfeline lui proposait donc de lui laisser sa liberté, avec pour seul gage sa bonne foi? Dans ce cas, elle pouvait lui jurer n'importe quoi. Luna avait désormais statué sur la halfeline ; cette dernière était particulièrement naïve. Luna reprit confiance, et esquissa un léger sourire, qu'elle effaça cependant bien vite.

¤Tu peux me demander de jurer n'importer quoi, je ferais tous les serments qu'il te plaira si ça peut m'aider. Par contre, ne compte surtout pas que je les tiennes, parce que tu ferais une grave erreur. Je peux même renier mon dieu et tout ce qui m' importe, si cela te fait plaisir. Mais ce ne seront que des paroles en l'air, et elles le resteront, tu peux en être sûre. L'important est cependant de te faire croire le contraire.¤

Elle se moqua intérieurement de la naïveté présumée de la halfeline, tout en évitant soigneusement d'en faire apparaître tous signes extérieurs, afin d'éviter une nouvelle réaction violente de la part de celle-ci, puis repensa aux paroles qu'elle lui avait mentalement délivrées.

¤Drôle de langage d'ailleurs, pour une prêtresse censée vouer sa vie au service de Kelemvor. Je m'étais laissée dire que ce dieu n'avait pas grand chose à voir avec les ténèbres qu'elle m'a proposée. Ses compagnons sont ils au courant de la "particularité" de cette prêtresse?¤

Délaissant ses pensées, elle répondit à la halfeline, de la voix d'une personne affaiblie moralement, mais de manière à ce que sa réponse soit audible par tout le groupe situé autour de la halfeline.

-Je ne crois pas de toutes façons avoir le choix, j'accepte donc de renier Mask, mon ancien dieu désormais. Je jure totale fidélité à ce groupe, et promet de le suivre. Elle fit descendre le volume de sa voix jusqu'à ce qu'elle soit sûre que seule Enmorien puisse l'entendre. "Et je vous suivrais vous, en particulier."

Une fois sa réponse à la halfeline terminée, elle prit la liberté d'examiner plus attentivement le groupe qui s'était formé progressivement autour d'Enmorien, et plus particulièrement l'elfe qui venait de rejoindre ses compagnons. Celui-ci avait littéralement été pris à partie par un de ses compagnons, mais avait également échangé d'étranges paroles avec l'individu que Luna avait identifié en tant que demi-drow. Mais plus que ses paroles, c'était l'attitude de l'elfe qui attirait l'attention de Luna. Celui-ci semblait moins agressif, plus conciliant...

¤Plus naïf? Si je m'en faisais un allié, je pourrais peut être m'en servir contre la halfeline... Et le laisser se débrouiller seul quand je n'en aurais plus besoin.¤

’elfe aurait pu le tuer d’un simple trait et n’en avait rien fait. Peut-être était-ce parce qu’il voulait le soumettre à a l a question auparavant, savoir quelles étaient les informations qu’était parvenu à glaner la Lame avant de reprendre le flambeau au nom de la guilde.
Quoiqu’il en fût, Tharak s’était convaincu que le Gantelet ne le tuerait pas tout de suite.

Avant de remettre l’œil sur son collègue, Tharak s’était alors adressé à la halfeline.
- Je te sens bien encline à la pitié chère prêtresse. Dois-je me convaincre qu’il s’agit là d’un élan de solidarité féminine ou d’un accès de bonté ?

Puis ce fut à la prisonnière que le crinti avait adressé la parole.
- Quant à toi, sache que la solidarité elfique est une faiblesse qui m’est étrangère. Ne sachant quel coup du sort t’a mis sur notre route, je t’accorderai donc le bénéfice du doute pour le moment. Qui sait ? peut-être nous seras-tu d’un quelconque utilité par la suite. Mais sache qu’au premier faux pas, utile ou pas, tu ne seras plus.

C’est alors que, tel un couperet, tombant d’une ruine avec la félinité de ceux du Peuple, Elwë avait, involontairement semblait-il, illustré la promesse de Tharak à la demi-elfe.

Au dernier échange verbal qu’avaient brièvement effectué les deux membres de l’Amasstarte, il avait semblé à Tharak que le mage tentait de suivre le cours de leurs dires. Peut-être celui-ci maîtrisait-il leur langage.
Mais Tharak savait que les mages étaient réputés pour leur intelligence. Rien d’étonnant donc à ce qu’ils soient polyglottes.
Quoi qu’il en soit, il fallait aux deux agents prendre garde de ne pas être percés à jour. Aussi le bâtard s’abstint-il de poursuivre leur discussion relative à leur guilde.

En revanche, tout autant que l’archer, Tharak aurait lui aussi vraiment aimé savoir à quoi faisait allusion le gnome avec cette appellation de « Seigneur du désert ».
Soucieux de faire comprendre à l’archer que l’elfique se devait d’être réservé à des conversations plus personnelles, Tharak se décida à utiliser le langage commun pour donner suite à son interrogation.
Mais le nécromant lui coupa l’herbe sous le pied en invectivant l’elfe. Si la sang-mêlé avait fait l’objet de remarques acerbes de la part du crinti, l’archer, lui, apparaissait comme la cible privilégiée de l’intervention du mage.

- En effet partenaire. Il est vrai que je suis en mal d’action depuis quelques jours. Cependant, je suis porté à penser que notre nouvel ami ne représente guère de danger pour notre intégrité physique.

Puis le bâtard entreprit de répondre à l’elfe, désireux de calmer un tant soit peu la tension qui naissait au sein du groupe. Chacun se livrant depuis quelques minutes à des attaques verbales résultant certainement de l’incompréhension générale des faits qui venaient de se dérouler.

- Je n’ai aucune idée de ce que signifie ce malencontreux titre Archer. Nous étions juste sur le point de prendre quelques heures de repos lorsque tout s’est précipité. Ton arrivée, la leur et voilà tout. Je ne peux t’en dire plus pour le moment.

Pour le moment, je vous propose de bénéficier de ce repos mérité. Quant à elle, ajouta-t-il en désignant la prisonnière, je suis d’avis de la laisser ficelée pour la nuit. Cela ne devrait pas l’empêcher de dormir. Et quand bien même ne dormirait-elle pas, nous servirait-elle tout au moins de chien de garde.
Je vous propose de nous grouper pour les tours de garde. La confiance réciproque n’étant pas el caractère principal de notre communauté, nous n’avons qu’à allier l’un de nous trois avec l’un de nos récents alliés.

a fausse prêtresse partit d'un grand éclat de rire devant la situation. Elle se tourna et félicita Tharak d'un large sourire.

-Aucune raison de t'inquiéter, Tharak. Je ne comptais nullement la détacher. Seulement, mon devoir en tant que prêtresse est d'assurer que les âmes arrivent toutes devant la justice de Kelemvor, et évitent les horreurs des Plans Inférieurs. Seulement...

Elle se tourna vers Luna, cachant le sourire qui lui venait aux lèvres pour parler avec gravité.

-Maintenant qu'elle a renié publiquement son dieu, et tant qu'elle n'aura pas fait acte de repentance, cette malheureuse sera condamnée aux traitements que subissent les Infidèles dans la Tour de Cristal. Traitements que même les archidiables trouvent cruels, Kelemvor n'a aucun amour pour les parjures. Désormais, sa seule chance d'éviter les tourments éternels est de trouver un prêtre acceptant sa sincère repentance.Le terme 'sincère' avait été volontairement appuyée par la halfeline. "Et au milieu du désert, il lui sera difficile de trouver quelqu'un d'autre qu'une certaine prêtresse du Dieu des Morts..."

Malgré elle, Enmorien ne put s'empêcher de sourire. Son plan avait parfaitement fonctionné, et ce premier parjure présumait une longue suite d'actes abominables menant irrévocablement à la corruption et la dépravation. Il suffisait désormais d'attendre, et...

-Quoi qu'il en soit, je suis d'accord avec Tharak. Dit-elle en se tournant vers le reste du groupe, laissant là Luna dans ses liens. "Des tours de garde doivent être effectués en duo. Je suis d'avis de laisser notre prisonnière dans ses mailles quelques temps encore, qu'elle comprenne où se situent ses chances de salut. Je me propose pour prendre le second tour de garde, réveillez-moi quand viendra mon tour.

Ce sur quoi la halfeline sortit sa couverture et se blottit contre quelque pan de mur en ruine. Après avoir avalé un morceau, elle se laissa dériver vers le sommeil...

Le mage hocha la tête alternativement de droite et de gauche en signe désapprobateur. Un rire sarcastique sortit de sa gorge, et il ne put réprimer une grimace de dégout. Voilà qu’en quelques instants que de la frénésie assassine de leur groupe, il ne restait plus rien.

¤ Tout allait bien dans le meilleur des mondes donc… Foutaises !¤

La captive n’avait eu d’autre choix que d’accepter la proposition de la prêtresse et tomba dans un piège malicieux tendu par la petite garce qui s’extasiait de son succès. Quel succès y avait-il à obtenir le parjure sous la contrainte ? Quel dieu serait dupe d’une telle supercherie ? Kelemvor ? Non, il ne pourrait se faire berner aussi facilement comme il ne pouvait cautionner de tels agissements de ses prêtres. Karan préféra laisser Enmorien se satisfaire de sa maigre victoire, car elle lui avait tendu une perche et indiqué une voix qu’il allait emprunter dès que possible.

Tharak quand à lui ne trouvait rien de mieux que de traiter l’elfe d’ami… Un titre dont il affublait qui croisait sa route. Là où Tharak trouvait compagnons et partenaires, Karan y voyaient espions de Shar et assassins potentiels… Une simple nuance qui pouvait différencier un mort d’un vivant, surtout en ces temps troubles où les nécromanciens finissaient en pâtée sanguinolente ou en momies desséchées. Faillait-il donc qu’il soit si naïf ? Non, en fait la seule raison logique, et il l’a lui confirmé, c’est que cet homme ne leur ferait rien… car ils faisaient partie tous deux de la même organisation. Mais ça, ils le cachaient. Lui aussi, ne dirait rien pour le moment.

Karan, fou de rage, s’acharna à monter son campement au pied de l’escalier, sous Luna encore ficelée comme un gigot bon à cuire. Il enfonça les pieux de bois dans le sable tel des poignards dans le cœur d’une offrande bonne au sacrifice, puis tendit la toile qui lui offrirait une certaine intimité quand il consulterait son grimoire. Sa veillée promettait d’être longue. Il déroula avec ampleur et rapidité la paillasse sur laquelle il jeta pelle mêle sa couverture.

Il trouva dans un gros morceau de pierre sculpté un siège suffisant pour manger confortablement. Fragment de statue vestige d’un massacre avorté. Durant son diner qu’il n’apprécia pas, il rumina de sombres pensées. Il vit la prêtresse aller se coucher et partir dans un sommeil réparateur... Omettant une chose importante. Mais lui ne dormait pas encore. Il ne fit aucune allusion à un tour de garde. Il ne prononça plus le moindre mot depuis ceux qu’il s'adressa à l’elfe.

Il finit sa collation et laissa les reliefs à Splinter. Il se leva, doucement, et silencieusement pour ne pas éveiller Enmorien il gravit lentement les marches jusqu’à Luna. Il lui attrapa les cheveux et souleva lentement son visage. Il y colla le sien, bien en face, et plongea son regard noir et mauvais dans le sien. Puis il s’approcha de son oreille au creux de laquelle il murmura quelques phrases en elfique.

’ ’ ’ ’ ’ ’ ’ ’ ’ ’ ’ ’ ’ ’ ’

Ainsi, elle avait été jouée. Luna ne savait que penser, l'étonnement étant dans son esprit plus présent que la colère. Son étonnement venait plus particulièrement du fait qu'elle était tombée en plein dans le piège d'un être qu'elle jugeait naïve. Elle n'avait "reniée" Mask que pour s'en sortir, en pensant le contraire, et ne pensait pas que sa phrase puisse avoir de quelconques conséquences. Mais la halfeline avait mis tellement d'assurance dans sa voix lorsqu'elle avait annoncé que Luna était désormais considérée comme infidèle et parjure, que cette dernière doutait maintenant fortement de l'absence de conséquences de ses paroles.

Comme si cela ne suffisait pas, la prêtresse avait approuvé la proposition du demi-drow qui souhaitait la laisser attachée encore quelques temps. Ce dernier lui avait d'ailleurs fait comprendre qu'elle ne pouvait sûrement pas compter sur son aide. À défaut d'être amical, le demi-drow avait été au moins particulièrement clair. Tout cela, c'était de la faute de la halfeline, que Luna haïssait désormais au plus haut point.

Laissée seule au sommet de l'escalier, Luna ruminait ses pensées, tout en entendant les autres manger et se préparer au repos. Contrairement à ce qu'avait pensé le demi-drow, elle ne dormirait pas, tant à cause de l'inconfort causé par ses liens, que par ses pensées qui la torturait. Pour se rassurer, elle se dit qu'au moins elle serait bientôt libérée, même si Enmorien avait désirée que la demi-elfe soit gardée prisonnière pendant un certain temps encore.

¤Pour que je comprenne où sont mes chances de salut... Tu parles! Jamais je ne viendrais vers toi, même si ma vie et mon âme étaient en jeu! ¤

Soudain, Luna chassa toutes ses pensées, ayant entendu comme un léger bruit de pas. Cela lui fut très vite confirmé par la vision d'une silhouette se dirigeant vers elle. Au fur et à mesure que l'individu s'approchait, Luna commença à distinguer qui était cette personne. Elle reconnut l'acolyte de la prêtresse qui avait été pris d'un grand rire lorsque celle-ci l'avait menacée. L'apparition ne la rassura pas particulièrement, surtout que l'homme était le membre de la compagnie dont elle en savait le moins. Elle avait eue l'occasion d'être confrontée à la personnalité de la prêtresse et du demi-drow, et avait également entendue quelques paroles à propos de l'elfe du groupe. Mais sur l'homme en face d'elle, elle ne savait strictement rien. Peut être cela était dû au fait que ce dernier était resté plutôt distant vis-à-vis de ses compagnons.

Quoiqu'il en soit, l'individu, une fois à proximité de Luna, finit par s'adresser à elle, lui proposant de l'aider à se venger de la halfeline. Tout cela avait un prix, bien entendu ; l'homme souhaitait l'allégeance de Luna, jusqu'à ce qu'elle puisse se libérer de son parjure et se venger de la halfeline. Les paroles de l'individu concernant la pseudo-trahison de Luna envers Mask lui firent froid dans le dos. Il y avait donc vraiment des conséquences à son mensonge? Oui, si l'on en croyait l'homme. Et fallait il accepter le marché qu'on lui proposait? Après tout, elle avait déjà été roulée, et malgré ses belles paroles, le nouveau venu n'en semblait pas moins connaître la prêtresse. Mais la proposition de faire payer la halfeline était tentante, et Luna aurait fait n'importe quoi pour parvenir à réaliser ce but. Elle se résigna donc à accepter le marché, même si son interlocuteur lui paraissait loin d'être bienveillant et désinteressé.

-

Certaines réactions le surprenaient, et celle de Luna n’échappa pas à la règle. Elle avait accepté sans condition son marché. C’en fut même trop facile. Il contint un sourire de satisfaction à l’entente de son serment. Usant du même stratagème que la prêtresse, il avait renversé les plans de la halfeline en y insérant un ver, et pouvait à tout moment la contrer dans ses projets si ceux-ci lui nuisaient d’une façon ou d’une autre. Il jubilait d’une telle fourberie. Il apprenait vite, et s’estimait efficace dans ses manœuvres. Seule interrogation, Luna lui obéirait elle avec autant de docilité qu’elle l’avait juré ? Il mit à profit immédiatement la situation et murmura ses premiers ordres au creux de l’oreille de Luna, toujours penché sur elle :

’ … ’ ’ ’ ’ …

Il trouvait exaltant d’exercer un tel contrôle sur ses semblables. Il se disait que finalement, elle le servait mieux vivante que morte. Un plan commençait à se dessiner. Il pensait que même si elle ne lui disait que ce qu’il voulait entendre, il en apprendrait toujours plus de cette façon.

Après son discours aux oreilles de la jeune femme, il vérifia ses liens avec des gestes visibles par les deux compères qui montaient la garde plus bas, leur donnant le change sur sa méfiance naturelle envers tous ceux qu’il croisait, même ligotés.

Il descendit les degrés sans le moindre regard pour Luna et regagna sa tente qu’il ferma soigneusement une fois installé sur sa paillasse. Il alluma une bougie dont la faible lueur suffisait à éclairer les caractères fins et précis qui composaient les sortilèges qu’il sélectionna et apprit pour la journée qui débutait. Une fois cette tâche indispensable effectuée, il rangea son grimoire dans son havresac et souffla la bougie, plongeant l’abri dans une obscurité totale. Alors qu’il faisait face au mur contre lequel il avait dressé son campement, il sentit une émotion particulière l’envahir. Il laissa son esprit se vider de tous les sentiments ressentis durant cette journée, pour ne garder qu’une pensée unique envers Velsharoon et son culte.

Assis sur les talons, le buste légèrement penché en arrière, les bras écartés du corps, les paumes des mains tournées vers le ciel, le regard plongé dans l’ombre de la chapelle improvisée, il lui adressa quelques prières dans un langage ancien, profane par définition et certainement divin, que les Dieux devaient comprendre.

- Voslshëraae, Duosi doss oarts Vuvëets, Pèros doss eécraoëecuoses, osetoseds oae ëpposl, osetoseds tae fuls qiu tos sosrs ëijaird’hiu, ost tos sosrvurë dosoëue, ëvosc fosrvosir. Jos défosedrëus tae tosoplos, ost caestutiosrëus buosetôt ieos ëroéos ose tae eao. jos caobëttrëus toss oseeosous, loss sëcrufuosrëus ost loss ëssosrvurëus pair të plis grëedos glauros. Ô Voslshëraae, ardaeeos ost j’abéurëus. Daeeos oau të farcos ost fëus dos oau l’uestriooset dos të vosegosëecos ose coss hosiross saobross.

Il médita ensuite sur ses paroles, espérant que son Dieu l’eut entendu et que, à force de prières, il pourrait lui répondre par un signe.

La fatigue était écrasante. Il arrangea en quelques secondes sa couche, puis, roulé dans sa couverture, sombra dans un sommeil lourd, chargé de voix, de souvenirs, et de cauchemars surgis du passé…

- Ylliandra… Bientôt… Tu me rejoindras… Oui… Bientôt…

L'elfe n'avait tout simplement pas répondu à l'invective du mage, se contentant d'arborer un sourire narquois et confiant.Afficher une assurance à toute épreuve était une seconde nature chez lui, même si, comme dans ce cas là, elle était toute relative.Il hocha la tête en direction du demi-drow, pour le remercier de son intervention...et pour lui faire comprendre que le message était passé.
Lui aussi soupçonnait le mage de toucher à l'elfique : les jeteurs de sorts étaient réputés pour leur grande érudition après tout, quoi d'étonnant.De plus, savoir quelle position occupée le bâtard dans l'organisation ne lui importait guère finalement.Il était évident que celui-ci n'était pas là pour le tuer et c'est tout ce qui importait.

Ne s'occupant plus de ses nouveaux compagnons, Elwë leur tourna délibérément le dos histoire de montrer clairement qu'il n'avait aucune crainte...tout en gardant toutefois tous ses sens aux aguets du moindre bruits ou mouvement.

- Je prendrais le premier tour de garde, si personne n'y vois d'inconvénient.M'accompagne qui veut.

Il entreprit de gravir les escaliers menant à une petite alcôve, tout en haut d'une ruine.Assis en tailleur, il ramena sa cape autour de lui pour se protéger du froid et posa son arc sur ses genoux, une flèche encochée.
¤ Si seulement j'avais eu le temps de prendre quelques affaires...maudite magie ¤

Un oeil noir posé sur le mage, Elwë sortit alors de son sac son jeu de Talis et s'amusa à battre les cartes.Il battait plus souvent ses cartes qu'il ne jouait avec, à vrai dire.C'est tout juste s'il connaissait les règles du jeu d'ailleurs...l'elfe préférait s'en servir pour "entretenir" la dextérité et l'agilité de ses doigts qu'il considérait comme ses "outils de travail numéro un".

Il jeta un regard au demi-drow, l'air perplexe.Il ne savait trop que penser de lui.En l'espace de quelques instants, il s'était montré cruel envers la sang-mélé et conciliant avec lui...
¤ Il doit toujours réfléchir au but de ma venue...s'il savait que je ne suis pas plus au courant que lui ! ¤
Elwë ne savait pas s'il devait jouer franc jeu avec lui ou au contraire travailler ce côté ambigüe.
¤ Bah! de toute façon je ne m'en ferais pas un ami...autant jouer un peu ¤

Un sourire énigmatique accrochée aux lèvres, l'elfe reporta son attention sur le campement endormi.
¤ S'il on m'avait dit que j'aurai un jour de tels alliés... ¤

a scène prit peu à peu les allures du bivouac tant attendu par les corps fourbus des trois acolytes.
Enmorien s’était avant cela attaché à avoir le mot de la fin vis-à-vis de la prisonnière. Sitôt se fut-elle allongée pour quelques heures de repos que le nécromant avait à son tour gravi les quelques marches ornant les ruines du site pour s’adresser à son tour à la sang-mêlé.

¤ Mais que peut-il donc bien lui avoir dit lui aussi ? Et surtout, pourquoi lui avoir susurré à l’oreille ? si ses paroles ne consistaient qu’en une énième mise en garde, il les lui aurait assurément assénées à haute voix. Ces nouveaux secrets ne me disent vraiment rien qui vaille. Encore une fois, les faits appellent à la plus grande méfiance.

Tous les êtres vivants sont-ils donc plus fourbes les uns que les autres ? et ce sans notion de race.

Et c’est moi le bâtard du lot ? ¤

Ses secrets diffusés, le mage s’était à son tour retiré sous un pan de toile d’où devait bientôt émaner pour quelques minutes la faible lueur d’une bougie. Le crinti en déduisit que le nécromant s’était alors livré à ses études quotidiennes, action indispensable au renouvellement de ses capacités magiques.

Mais ceci rappela un autre point à l’esprit de l’assassin.
En effet, d’une manière similaire aux mages, les prêtres également se doivent de se ressourcer de façon quasi-quotidienne en s’adressant à leur divinité. Ceci afin de se voir octroyer à nouveau ses bonnes grâces. Or, depuis qu’il avait fait la connaissance de la halfeline, il ne lui avait jamais été donné d’être témoin de la transe communicative de celle-ci avec son prétendu dieu. Certes, les discours dispensés à profusion par la halfeline semblaient emprunts de crédibilité et de véracité, mais Tharak eut bien l’impression, enfin, d’avoir pris la hin à défaut.

¤ Foutue communauté va ! ¤

Le Gantelet quant à lui semblait totalement reclus dans sa propre bulle. Il ne donnait aucune suite aux propos de la Lame. Désirait-il ainsi éviter toute compromission vis-à-vis des autres personnes présentes ?
Le temps le dirait assurément.

Le crinti, binômé avec l'elfe, se concentra alors sur la garde du camp de fortune.

- Si tu tiens les hauts l'archer, je m'occupe des bas.

Responsable de la sécurité du groupe pour quelques heures, le crinti tenait bien à se garder du moindre faux pas à l’encontre de ses comparses. Fussent-ils imposés par le sort, ou par on ne sait quelle puissance malveillante. La situation était par trop tentante pour être envisageable.
Trop de faux-semblants avaient émergé. Point trop n’en fallait !

Aussi le demi-drow entreprit-il de se munir de l’une de ses rations séchées avant d’entamer le tour des ruines. La présence de constructions aux abords de l’oasis avait-elle une raison autre que le repos de caravanes itinérantes ?
Subsistait-il une entrée, quelque relative richesse ou un quelconque objet récupérable ?
La nature curieuse de l’exilé allait lui permettre de combler les deux heures de faction qui l’attendaient.

Sa maigre ration engloutie, arrosée d’une gorgée d’eau bienvenue bien qu’échaudée par l’atmosphère pesante, Tharak se rappela qu’il se trouvait en possession de la bourse de la prisonnière. Aussi la décrocha-t-il afin d’en étudier le contenu à la lueur de Séluné.

Troisième jour de la Flétrissure, Anno : 1372
Lieu : Désert d’Halruaa
Temps : premiers rayons du Soleil sous une chaleur écrasante
Moment : Petit matin


Tous
Luna était en bien mauvaise posture, non seulement depuis qu’elle fut capturée, mais pis encore depuis qu’elle se trouvait en compagnie de ces étranges personnes. En quelques instants, elle se retrouva à jurer fidélité à plusieurs personnes, rien que pour avoir la vie sauve. Elle sentit par ces manigances, que bien que le groupe ait l’air soudé par sa malveillance propre, des dissensions semblaient jouer intra muros, peut-être même en sa faveur. A moins que cela ne fut un piège pour la tester ? Auquel cas elle était tombée droit dedans. Elle en avait même jusqu’à douter de ses propres mensonges d’allégeance. Mais au plus profond de la nuit, elle se rassura en se rappelant qu’elle servait le roi des voleurs et de l’escroquerie. Ses petits mensonges entraient en toute concordance avec ses relations déifiées, et elle en conclut que ce n’était en servant son dieu que l’on se retrouvait en parjure devant Kelemvor.

Les nuages étaient hauts dans le ciel nocturne, à tel point que les ténèbres avaient complètement envahi le désert et que l’on y voyait pas à plus de quelques centimètres. Le vent glacial soufflait comme pour attiser la colère des voyageurs, et emporta le jeu de talis de l’elfe au loin, sans que celui-ci ne puisse retrouver toutes ses cartes.

Luna tente de se défaire de ses liens : Evasion : 20(d20)+2= 22 >< DD ?? – Réussite

Dans l’obscurité ambiante, la demi-elfe s’évertuait à se défaire de ses liens. Elle était sans surveillance et soupçonnait que personne ne pouvait la voir. Grâce à un coup de chance, elle arriva à passer son poignet hors du nœud qui la serrait et réussit à se dégager de ses liens. La jeune femme s’empressa de récupérer ses biens restants et retourna s’asseoir sur le grand tapis posé à terre. Le vent soufflait de plus en plus et levait des tonnes de sables, comme si une tempête voulait l’empêcher de bouger.. Car Luna était détentrice d’un secret qui pouvait la sauver elle, ou aider ceux qui voulaient la garder capturée. Le temps était trop maussade pour partir, aussi pensa-t-elle que révéler ce petit secret attirerait sans doute la bonne opinion sur elle, surtout sur le mage qui, contrairement à la halfeline, avait dégagé une sorte d’aura de mort irrésistible et terrifiante à la fois. Avec ce qu’elle savait, Luna pouvait commencer à négocier avec le groupe, et ne plus devenir une ligotée. Restant dans ses pensées, la roublarde se mit en boule par terre et essaya de dormir tant bien que mal.

Le tour de Tharak se terminait, ainsi que celui d’Elwë. L’elfe pur sang n’avait pas bougé d’un iota et semblait vouloir dormir en hauteur, tandis que le demi-drow revenait de sa petite expédition dans les ruines de l’oasis. Il n’y avait rien trouvé d’intéressant à cause de l’obscurité, tout autant que dans la bourse de Luna. Déçu, il s’en alla réveiller Enmorien à coup de pied pour son tour de garde. La petite avait passé une première partie de nuit horrible, presque totalement recouverte de sable. Sur sa droite, Splinter couinait et « montait la garde ». Au Moins, Karan devait dormir comme un bébé et n’avait pas besoin de se lever..

La nuit passa, et les hurlements du désert avec. Un soleil rouge avait à peine pointé ses rayons que la chaleur montait déjà d’un cran. Les aventuriers se réveillèrent lentement, ayant tous mal dormi à part Karan qui s’éveilla le premier et s’étira tranquillement dans le sable..
Luna, accroupie sur son piédestal, observait le mage depuis sa hauteur.
A présent, le groupe devait éclaircir leurs derniers préparatifs, et surtout, traverser le désert jusqu’à leur point d’arrivée, et cela ne serait pas évident, à moins que..