Enquête Macabre, Prélude du retour aux sources du Mal

a Lame ne parvenait à se remémorer quel était l'aspect extérieur de la boutique d’où était sorti le nécromant quelques minutes auparavant et se maudit d’une telle erreur, d'une telle faute d’observation. Mais qu’avait-il donc en tête à ce moment-là ? Peut-être le fait de rencontrer, à quelques mètres de lui, l’un des regards qui avaient tant perturbé sa nuit l'avait-t-il omnubilé au point de faire table rase des faits présents.
Quoi qu’il en soit, Tharak renonça à retrouver cette échoppe.

D'autres obstacles au bon déroulement des choses vinrent noircir encore l'humeur du crinti. Il n’avait aucune idée de la façon dont se déroulerait le voyage vers la paroi nord. Ses compagnons forcés disposaient-ils de montures ? Quelle était la distance qui séparait la capitale de la nécropole ? Il avait lui-même conseillé à la halfelin de s'y rendre mais il n'avait aucun élément supplémentaire à ce sujet.
¤ Echec ! Cette mission se dirige à grands pas vers l’échec. Il serait bon de se ressaisir. Vhaeraun, entends-moi et sors-moi de ce bourbier veux-tu ! ¤

Après quelques rues et autres cours, le jeune aventurier se retrouva sur la Promenade, haut-lieu de la capiltale halruéenne, qu’il emprunta en direction de la porte Nord. Rien, il n’y avait plus rien qu’il puisse faire pour rattraper ses erreurs de débutant. Qu’allait en conclure la guilde s’il rentrait sans le moindre résultat ? cette pensée obsédait désormais le crinti.

Mais après quelques minutes à ressasser ses faux-pas successifs, le bâtard aperçut une silhouette qui lui sembla familière. L’homme était penché à proximité d’une calèche et semblait occupé à en inspecter l’intérieur.
S’approchant avec précaution, Tharak eut bien vite la confirmation que l’homme affairé à l’étude de la voiture était bien Karan, le nécromant, dont il distingua le familier sur l’épaule.

¤ Tu m’as donc entendu Seigneur Masqué. Grâce te soit rendue. Mes prochains agissements te seront dédiés. ¤

L’exilé se fondit pour tant que faire se peut dans la foule qui déambulait sur la large avenue afin d’observer le nécromant qui semblait maintenant passer en revue les façades successives qui bordaient la Promenade. Le flot de passants où tentait de se noyer Tharak approchait inexorablement du mage. Le crinti prit alors la décision de renouer avec le mage et de tenter de la convaincre de la nécessité d’une coopération cordiale. Il parvint à se détacher de la foule et se plaça sur le bord de la Promenade opposé à celui où Karan se trouvait. Ce dernier avançait lentement le long des portes cochères, son rongeur toujours sur l’épaule.

Tharak entreprit alors de rejoindre Karan. Afin d’éviter que le mage n’interprète à contre-sens l’acte du crinti, Tharak s’abstint de faire preuve de discrétion et fit en sorte que son comparse détecte sa présence au plus tôt. Il s’adressa donc à lui dès qu’il fut à portée de voix, prenant en considération le brouhaha ambiant de l’avenue.

« Alors Maître Karan, vos préparatifs se déroulent-ils ainsi que vous l’entendez ? J’espère ne pas vous déranger mais il reste encore quelques points sur lesquels des questions persistent… Accepteriez-vous que nous cheminions ensemble ? En effet, je n’ai aucun lien sur place. De plus, toutes mes possessions tiennent dans ce sac, argumenta l’assassin. Je suis certain que nous gagnerions l’un et l’autre à discuter quelque peu de notre affaire et à repartir du bon pied. Il en va de la bonne conduite de notre action. Sommes-nous d’accord ? »

Le mage attentionné à cherché la trace de son camarade Gillian, n'avait pas vu arriver Tharak, son nouveau comparse. Lorsqu'il fit face à l'homme à la peau cendrée, il se bloqua net, une moue de contrariété sur le visage, le regard glacial.

¤ Non contents de me mépriser, voilà que les Dieux ont décidé de me tourmenter! Azouth! Velsharoon! Cessez de jouer avec moi, je vous en conjure! ... Je promets de faire attention avec la prochaine divinité qui viendrait à s'intéresser favorablement à moi. Mais je doute qu'un tel dieu existe. ¤

Non seulement, il le dérangeait belle et bien en pleine investigation, mais en plus il voulait bavarder de « leur » affaire. Cela le surprit. Comme plusieurs questions qui l'assaillirent. D'où sortait-il? Le suivait-il? Il était là où la carriole de Gillian était arrêtée. Se pouvait-il qu'il fusse de mèche avec son camarade et que ces deux compères se jouaient de Enmorien et de lui même? Avaient-ils rendez vous pour échanger des informations avant leur départ? Cette coïncidence lui déplut fortement. Il avait un sombre pressentiment. Le mage décida d'envoyer paître ailleurs ce gêneur.

Il lui fit signe de marcher un peu, se plaça à sa droite, et lui plaqua sa main gauche dans le dos l'invitant à prendre les devants, son bâton dans la main droite. Il s'assura de garder sa main au contact de l'homme et de suivre tout mouvement qui viserait à se dégager de ce geste cordial. Il prit un ton très courtois et répondit à cet empêcheur de tourner en rond:

- Messire Tharak, quelle surprise! mais d'où sortez vous donc? Et que faites vous là?... Enfin ça ne me regarde pas... Mes préparatifs? Hum... Oui oui,ça se finalise, à un détail près... Sachez d'abord que je tiens à vous exprimer mon accord avec votre raisonnement. Certains aspect du voyage ont été négligés, et je suis très heureux que vous y aillez pensé vous aussi, et je souhaite que nous en débattions tous ensemble prochainement. Vous m'envoyez ravi, aussi, d'apprendre que vous êtes prêt au départ, avec votre équipement même réduit, il vaut mieux voyager léger. Je crois aussi deviner, et il faudrait être un simple d'esprit pour ne pas s'en apercevoir, que vous vous posez des questions et je vous rassure, je suis moi même impatient de discuter de nombreuses choses avec vous même et Dame Enmorien. Il prit un ton solennel et sans équivoque... "Mais je propose d'échanger toutes nos interrogations une fois sur la route, à l'écart de cette cité, de ses oreilles indiscrètes de ses traîtrises et complots. Alors, en réponse à votre question première, oui, vous me dérangez, je vous prierais donc de m'attendre à la porte de la cité comme convenu."

Le mage s'arrêta alors qu'il prononçait ces dernières paroles et de sa main gauche, invita gentiment mais fermement Tharak à poursuivre son chemin, mais sans lui. Il surveilla la réaction de son compagnon, et s'assura de son départ, ne le quittant pas des yeux, fermement planté sur ses jambes prêt à agir en cas de manoeuvre suspecte. Karan n'avait pas la moindre confiance en lui. Pire, il s'en méfiait comme de la peste.

Narration

Lieu : Halarahh
Temps : Ensoleillé
Moment : Début d'après midi


Karan Goroth

Karan scrute l’horizon : Détection : 8(d20)+1= 9 >< DD18 – Echec

Karan observait les alentours à la recherche d’éléments suspects, ou plis bizarres qu’à l’accoutumée. Dans une cité qui respirait la magie comme celle-ci, chaque chose pouvait être suspecte pour Karan, aussi ne remarqua-t-il rien d’anormal.
La calèche, garée semblait-t-il à la va-vite n’était qu’à quelques centaines de mètres de la porte Nord de la capitale. Ce quartier était peu visité par les autochtones, et l’on y rencontrait beaucoup de voyageurs du désert de passage pour se rafraîchir.
Quelques enseignes aux vocations commerciales, ainsi qu’une poignée d’auberges et de tavernes bordaient les limites politiques d’Halruaa, afin d’accueillir cette clientèle souvent mal vue en ville.
A ce jour, de petites troupes de soldats habillés de grands voiles patrouillaient dans ce district, mais leurs regards ne se portaient pas sur nos aventuriers, du moins pour le moment...

De ce fait, Karan ne venait jamais pas ici, et il ne reconnaissait pas ces bâtiments. Il se demanda bien ce que Gillian pouvait faire dans un endroit pareil, peut-être voulait-il quitter la ville ? Mais partir à l’assaut du désert à bord d’un carrosse n’était pas des plus banals.
Le nécromancien lâche Splinter sur l’engin, et le suivit dans sa fouille.

Splinter renifle le siège du conducteur : Fouille : 10(d20)+4= 14 >< DD25 – Echec

Après son inspection extérieure, aucune trace suspecte ne fut trouvée par l’investigation du rongeur.
Ne s’avouant pas vaincu, le mage le jeta à l’intérieur de la voiture à la recherche d’indices..

Karan observe l’intérieur : Détection : 16(d20)+1+2(Vigilance du familier)-1(Obscurité)= 18 >< DD15 – Réussite

L’intérieur de la voiture était plongé dans son obscurité habituelle. Cependant, les deux coussins moelleux qui étaient censés se retrouver sur les couches étaient cette fois ci par terre. En y regardant de plus près, Karan et Splinter retrouvèrent plusieurs plumes d’un noir de jais étalés sous les coussins et accrochés sur les rideaux fermant les fenêtres. L’une d’elle portait même une trace de sang séché.


Tharak
Le crinti, qui fut éconduit par son interlocuteur, passa lui aussi une main dans le dos de son camarade, avant de se faire propulser en avant.

Tharak touche Karan : ?????????? : 12(d20)+5= 17 >< DD20 – Echec
Test opposé de Karan : Détection : 8(d20)+1= 9 >< DD17 – Echec

Karan s'était débarrassé de ce fouineur. Il le surveilla quelques instants, et ne notant aucune réaction de la part de celui-ci reporta aussitôt son attention sur la calèche. La découverte d'un certain désordre et d'une plume maculée de sang séché n'annonçait rien de bon pour son Gillian. Le carrosse garé à la hâte confortait son intuition. Un drame s'était produit. Mais où pouvait bien être Gillian? Un sentiment d'impuissance le saisit. Karan ramassa quelques plumes dont celle avec du sang. Il les fit sentir de nouveau à Splinter.

- Beau travail Splinter, tu vois quand tu veux. Maintenant il nous faudrait savoir où ce Gillian peut bien avoir été emmené. Dommage que tu n'ai rien trouvé...

C'était bien l'attelage de Gillian, et les plumes pouvaient parer son corbeau, ce qui faisait de son camarade une victime potentielle. Mais ne pouvait-il pas s'agir de leur espion que Gillian aurait intercepté avec son groupe de jeunes mages, pour leur faciliter leur départ, ou juste obtenir des informations sur ce complot qui se tramait en ville? Il l'interrogeait peut être en ce moment même dans l'un de ces bâtiments avec ses sbires....

¤ Et si... ¤ Il haussa les épaules, lassé de ses propres hypothèses. ¤ Ah! Avec des SI on pourrait faire entrer Halarahh dans une fiole! Ce sont des preuves dont j'ai besoin!... Se montrer mettrait en danger notre expédition, compromettant tout ce que j'ai déjà accompli, et tout ce qu'il reste à découvrir de cette histoire. A chacun ses affaires! Qu'il se débrouille! Allons rejoindre mes compagnons et discutons de tout cela dans un coin tranquille. Mais vite !... Ça devient invivable ici...¤ Il sourit à cette dernière pensée.

Le mage convint que sa méfiance à l'égard de Tharak avait été disproportionnée et il n'en était pas plus affecté que cela. Il avait été même amusé de l'avoir éconduit de la sorte. Mais le drame qui se déroulait là, derrière une de ces façades, démontrait bien la prudence dont ils devaient tous faire preuve, même envers leurs proches « collaborateurs ». Ce n'était qu'à ce prix qu'ils vivraient plus longtemps que les autres, en restant constamment sur le qui vive.

Karan lança un dernier regard sur les façades, les enseignes des boutiques et tavernes les plus proches du carrosse et mémorisa leurs noms et emplacements. Il se dirigea ensuite activement vers la porte nord à quelques centaines de pas plus loin, retrouver ses comparses et discuter de la situation qui devenait plus dangereuse d'heure en heure.

Arrivant à la hauteur de Tharak qu'il avait rattrapé il lui lança:

- Hâtons nous de retrouver notre jeune prêtresse, les choses empirent si tant est qu'elles le puissent encore. Saviez vous qu'elle est prêtresse? Son accoutrement actuel n'est pas très représentatif de son clergé. Depuis combien de temps vous connaissez vous tous les deux?

Le jeune mage profita de l'occasion pour se faire plus loquasse, et curieux, qu'à l'habitude tout en marchant à un rythme soutenu vers la grande porte qui se dessinait au loin. Il cherchait la petite forme qui aurait pu se confondre avec celle d'un enfant parmi la population hétéroclite du quartier.

ne potion de rétrécissement... Un voile de mystère venait de se soulever sur cette affaire. Voici donc comment le meurtre avait été commis. Astucieux, très astucieux. D'autant plus que dans cette ville, trouver une telle potion était d'une simplicité diabolique, sans compter que la moitié des habitants devaient pouvoir la fabriquer avec un bon grimoire sous les yeux.

Enmorien faillit retourner dans la boutique pour interroger de nouveau l'apothicaire, mais elle réalisa que ce serait une perte de temps. Une perte de temps d'autant plus regrettable que cela risquait d'attirer encore davantage l'attention sur elle...

Partir d'Halarahh. Elle ne voyait aucune autre alternative. Le groupe (ou la sombre puissance) qui avait provoqué ces problèmes se moquait bien d'être retrouvé. Aucune preuve ne serait suffisamment robuste, Enmorien le réalisait désormais, et son enquête devait la mener à l'extérieur. Quelque chose veillait à les faire partir, Karan et elle, vers la Paroi Septentrionnale. Et cette chose avait tout organisé depuis le départ. Cette perspective n'était guère réjouissante, mais la halfeline réalisait soudain le guépier dans lequel elle s'était fourrée. Elle qui avait l'habitude (et l'ambition) de manipuler les êtres autour se trouvait au coeur d'une machination ésotérique et complexe. Et qui ne lui laissait que peu de choix, finalement. Elle qui pensait avoir trompé son monde avec son faux demi-indice sur le Shaar se voyait doublée, et amenée depuis une longue date vers ce paysage désertique. Elle qui croyait pouvoir utiliser le crinti se rendait compte que ce qu'elle avait considéré comme un hasard bienfaiteur n'avait rien d'une coïncidence.

Et cette situation lui déplaisait.

Une seule voie de sortie était possible: aller au devant de ce destin, comprendre toute cette histoire, et... Retourner toute cette histoire à son avantage. Les enseignements de son dieu avaient appris à Enmorien à accepter les puissances supérieures, non pour y obéir, mais pour les détourner à son propre profit. Et, pour cela, il fallait faire croire aux puissants qu'elle marchait dans leurs mensonges et manigances...

La halfeline se dépêcha de s'équiper dans quelques boutiques et échoppes, puis rejoint ses deux compagnons à la porte nord de la ville, pleine d'entrain, et de cette volonté de traîner tous ceux qui la manipulait à cet instant un jour aux pieds du Seigneur Caché.

insi qu’il l’avait pressenti, le nécromant venait de débouter le crinti de sa demande de coopération.
S’il n’avait reçu pour mission de se joindre à cette misérable équipe de menteurs et de de truqueurs, Tharak se serait bien chargé d’ajouter ces deux minables en tête de la liste noire de la Lame de l’Amasstarte. Cette mission aurait alors pris un tour plus prometteur et au moins aurait-elle été menée avec un plaisir non dissimulé.

Mais, après tout, peut-être sa guildmestre lui donnerait-elle cet ordre dès les responsables des disparitions et des assassinats découverts.
Cette pensée, si incertaine fut-elle, remit du baume au cœur de l’exilé. Il poursuivrait cette mission avec ce but, mettre fin aux agissements de ces agents pour le moins troubles.

¤ Et puis quand bien même, l’ordre de les supprimer ne viendrait pas,… ¤
Tharak se plut alors à imaginer quelque initiative… histoire de faire le ménage.

Pour le moment, il devait se rendre à la porte Nord et y attendre sagement ses compères. Pour cela, l’exilé reprit sa marche solitaire au fil de la promenade, se laissant voguer au gré des badauds.
Ainsi que dans toute capitale, les halruéens étaient minoritaires dans cette foule de passants. La plupart des êtres que croisait Tharak, étrangers à l'Halruaa, n’avaient d’yeux que pour les vaisseaux volants qui allaient et venaient dans le ciel de la métropole. C’est la raison principale pour laquelle le crinti se gardait de faire de même.

Si toutes les races pouvaient parcourir les avenues d'Halarahh sans crainte de se voir subir la question, Tharak, bien que sang-mêlé, était assimilé à l’une des engeances les plus avides de criminalité des Royaumes. A cela s’ajoutait sa situation de fuyard, et ce aux yeux de son propre peuple.

Le suivait-on ? Un contrat avait-il été lancé pour ramener la tête du crinti parmi les siens ? Tharak n’en savait rien et se gardait bien de chercher des réponses à ces questions. Agir comme s’il était traqué sans en avoir l’apparence était bien assez ardu pour aller se compliquer à chercher les ennuis où ils n’étaient pas.

Un court instant, Tharak crut qu'en effet, ses craintes se matérialisaient bel et bien à ses côtés, que les agents des Honglath l'avaient retrouvé.
Alors, pour la première fois depuis qu'il avait fait la connaissance des ses comprarses imposés, le crinti fut soulagé de reconnaître les traits du nécromant qui semblait vouloir renouer avec lui.

Arborant une mine si cordiale que ses sinistres traits le lui permettaient, l’exilé entreprit de lier connaissance avec son compagnon.
" Cette petite menteuse chronique de halfeline voulez-vous dire ? Je ne la connais que depuis quelques heures vous savez ! Le hasard d'une discussion dans une taverne a fait que nous avons convenu de faire un bout de chemin ensemble. J’ai bien remarqué que son but était de faire croire à qui le veut bien qu’elle servait une divinité quelconque. Mais je vous avoue que je n’ai encore pu percer à jour sa véritable nature. Cependant, je lui accorde le bénéfice du doute jusqu’à ce que j’ai un soupçon de preuve que son but réel n’est pas la résolution des ces assassinats. Car c’est bien là que repose notre seul point d’inquiétude commun non ? Pourriez-vous me faire part des éléments qui sont de notoriété publique au sujet de cette affaire ? Combien déplorez-vous de disparitions ? Le mode de suppression est-il toujours identique ? et puis que voulez-vous dire par « Les choses empirent » ?"

La porte Nord se profilait alors au détour de la Promenade. Si la halfeline était déjà présente, Karan n'aurait peut-être pas suffisamment de temps pour dévoiler quelques pans du rideau qui planait encore que le sujet même qui avait motivé leur association. Tharak entreprit alors de ralentir leur avancée en retenant le nécromant d'une pression de la main dans le creux du coude de celui-ci.

Comme le mage s'y attendait l'homme à la peau sombre n'avait pas pu s'empêcher de fournir une réponse chargée de questions.

A la fin de son allocution, il l'avait même saisi par le bras et l'invitait à ralentir pour mieux lui laisser le temps de répondre. Ou alors peut être préparait-il un coups bas? Karan resta sur ses gardes. Au fond Tharak n'était pas très différent de lui. Il se méfiait de la petite prêtresse qui n'avait pas daigné lui dire de quel culte elle défendait la cause et qu'il ne semblait guère apprécier allant à la traiter de menteuse chronique. Le jeune mage sourit à cette description peu flatteuse de la halfeline. Nous étions peut être un trio mais nous étions surtout trois personnes distinctes à la confiance limitée envers l'autre et au goût prononcé pour le mystère. Après une courte hésitation, il décida de combler partiellement la curiosité de son compagnon.

- Tharak, je vais m'efforcer de réponse aussi précisément que possible à quelques unes de vos interrogations. Concernant la dégradation de la situation, il y a un mage, non loin d'ici, qui a laissé des plumes ensanglantées dans cette carriole là bas. Il montra la plume et désigna la calèche plus loin dans la grande rue. Ce qui ne présage rien de bon. Je me demandais juste qui est le propriétaire de ce corbeau, qui sont ses agresseurs, dans quel état est-il, que savent-il ou qu'apprendront-ils de cet enlèvement et quels sont leurs plans. Pour l'identité du mage enlevé, je pense à mon camarade Gillian qui m'a placé sur cette affaire et confié quelques informations. Il est aussi propriétaire d'un corbeau et d'une calèche, celle ci en l'occurrence. Ce qui me laisse supposer que la liste des cadavres ne va pas tarder à être allongée de son nom. Mais je crains surtout que l'étau ne se ressert autour de nous désormais et que nous soyons les prochaines victimes s'il venait à livrer ce qu'il sait, donc ce que je sais. Vous saisissez?

Karan chercha à percevoir, dans le regard sombre de Tharak, s'il avait répondu à une de ses attentes.

- Cela répond donc aussi à votre autre question sur le mode opératoire des assassinats, qui dans le cas présent, est différent de celui auquel j'ai eu affaire dernièrement et que je n'ai toujours pas élucidé. Quant aux précédents meurtres, je n'ai pas d'informations à ce sujet. Pour le reste, nous devons en parler ensemble et au plus vite. Hâtons nous donc au lieu de traînasser, Halarahh ne sera plus sûr pour nous d'ici peu!

Le mage essaya, d'un geste sec d'énervement, de se dégager de l'emprise de Tharak et accéléra le pas.

- Où peut bien être cette petite peste d'Enmorien? La voyez vous?

a relation semblait se nouer entre les êtres, tous deux voués par nature aux sombres desseins. Les forçant à nouveau au ralentissement de leur progression, Tharak s’adressa au nécromant d’une voix la plus emprunte de ventriloquie possible.
« Je crains que le fait de nous être intéressés à ces mystères nous implique directement et nous mette en danger où que nous nous trouvions. En Halruaa ou ailleurs.

C’est donc dans votre recherche de renseignements que je vous ai perturbé tout à l’heure. Là n’était pas mon intention. Je désirais juste en savoir un peu plus voilà tout.

Vous craignez que votre camarade ne soit tombé dans les mains des assassins qui sèment la mort au sein de votre École.
Peut-être devrions-nous alors nous mettre en quête de votre ami, qui semble bien plus impliqué dans cette affaire que nous trois réunis ! Nous pourrions espérer le retrouver avant qu’il ne connaisse le même sort que les autres. Cette voiture aurait pu nous mettre sur une piste, ne pensez-vous pas ? avez-vous envisagé l’hypothèse selon laquelle ce… Gillian ne serait pas une victime ? Vous me dites qu’il vous a mis sur cette affaire et alors qu’il est votre camarade, il n’a pas jugé utile de lier ses efforts aux vôtres ? cela semble surprenant, vous en conviendrez. »

Laissant son comparse engranger ces nouvelles interrogations, le crinti se pencha sur la plume que Kaan venait d’exposer.
" Cette plume semble provenir d’un corbeau non ? celui de votre ami ? ou celui qui nous surveillait tout à l’heure lorsque nous étions installé tous les trois ? Peut-être s’agit-il d’ailleurs du même volatile !
Quant au sang, je serais malheureusement bien incapable de vous dire s’il provient d’un être humain ou d’un volatile ! »

La grande porte nord de la métropole était maintenant très proche et ralentir encore leur marche contraindrait les deux hommes à faire halte. Deux dernières questions vinrent à l’esprit du crinti.
« Que pensez-vous que nous devions annoncer à la halfeline ? Donnons-nous suite à notre projet d’expédition ou tentons-nous de suive la piste de votre ami ? Ou de celui que vous pensiez être l’un de vos amis. »

Celui là même qui ne cessait de réclamer des informations et de faire « bon » ménage à trois n'était plus aussi disposé à partager ses trouvailles fraîchement acquises avec la prêtresse. La situation l'amusait. Pourtant une soudaine envie de le planter là sans autre forme de politesse l'envahit mais il se calma et chercha quel avantage il pourrait tirer de cette situation. Il réfléchit quelques instants, puis, satisfait de sa réflexion, frappa le sol de son bâton. Il enchaîna:

- Bien! Je vois que je n'arriverais à rien sans vous en dire d'avantage. Voyez vous, la nuit dernière j'ai fait la connaissance des assassins mandatés pour effectuer recherches et basses besognes pour le compte de ces mystérieux comploteurs qui souhaitent la mort des nécromanciens trop curieux. Je dois mon salut à la maîtrise de mon art. Mais s'ils en veulent à Gillian, ils seront plus nombreux que les deux d'hier et je ne pourrais pas les tuer tous cette fois. Seul du moins...

Il fit quelques pas en tournant en rond devant Tharak, semblant réfléchir à ce qu'il allait révéler. Il arrêta sa ronde puis reprit :

- Gillian avait ses propres raisons pour ne pas se montrer aux avants postes dans cette affaire. Moi même lui avait confié ne pas souhaiter continuer cette enquête. En outre il dispose de son propre service d'ordre qu'il a constitué parmi les étudiants de notre école qui, s'il est bien en danger, devrait intervenir rapidement pour le sortir de là... . Sa prudence et son organisation n'auront pas suffit à lui éviter des ennuis et d'être rattrapé par ces assassins. Je serais chagriné de perdre un autre de mes camarades... Il prit un air faussement affligé. Bien sûr, nous pouvons essayer d'en savoir plus sur sa présence ici, et ces traces de sang suspectes. Peut être trouverons nous un témoin de l'arrivée de l'attelage. Et est-il interdit de s'inquiéter de la santé d'un camarade? Non!... Ce qui pourrait justifier de notre intervention... Maintenant vous avez raison, il se peut que cette plume soit celle du volatile qui nous espionnait. Dans ce cas, c'est son maître qui doit en découdre avec Gillian. Il n'y a aucun indice qui puisse me mettre sur la piste de l'un ou de l'autre et ainsi confirmer une des hypothèses. Voilà pourquoi à mes yeux la situation est complexe et dangereuse. On ne sait pas quels genres, et combien, d'individus nous allons rencontrer.

Karan se rapprocha de Tharak, et lui demanda d'une voix basse:

- Mais dites moi, de vous à moi, en toute sincérité et sans arrière pensée, je trouve que vous cherchez à garder la petite fouineuse à distance de cette affaire. Qu'est ce qui vous dérange chez elle?

Narration

Troisième jour de la Flétrissure, année de la magie sauvage
(3 Eleinte 1372)
Lieu : Halarahh
Temps : Ensoleillé
Moment : Début d'après midi

Tous
Le carrosse de Gillian dans les environs avait quelque chose d’inquiétant. Karan ne su déterminer quoi, mais le fait qu’il se trouva, précisément ici, à cette heure, était tout simplement inquiétant, et ne pouvait être le fruit du hasard.
Les quelques indices qu’il recueillit étaient encore assez flous dans son esprit.
L’arrivée du crinti dans ses pattes l’irrita un temps, pour finalement s’avérer « utile ». Ensemble, ils commencèrent à tramer d’étranges complots comme la sagespectre qui elle-même, terminait ses derniers achats dans les boutiques du quartier.
La solution au crime dont elle menait l’enquête était en sa possession, mais peut être pas toutes les clefs, savoir que la potion de rétrécissement était à l’origine du meurtre pouvait expliquer bien des choses, et résonnait dans sa tête comme une évidence, mais elle devrait puiser dans son esprit –et peut être celui de ses compagnons– pour trouver la véritable solution à ce mystère.

Pendant ce temps, près de la porte nord, au milieu des étrangers, Karan et Tharak ralentirent le pas et se mêlèrent à la masse, tout en restant prudents. Au fur et à mesure qu’ils avançaient, la foule devenait plus dense, et Karan reconnu beaucoup de citoyens qui habitaient la capitale, eux qui d’habitude, ne fréquentaient guère cet endroit.
Toujours prudemment, ils se rapprochèrent de leur lieu de rendez-vous tout en jetant des regards en coin à la foule, qui venait de former un cercle.
Des gardes montés essayaient de les repousser. Il devait se tramer quelque chose au centre de leur cercle !
Curieux comme pas deux, et au même moment, le crinti et le mage firent un pas en direction de la foule, puis se jaugèrent du regard, comme pour déterminer qui eut l’idée en premier.
Affablement, Karan laissa le bâtard passer devant, ce qui était coutume des faux semblants dans la région, puis lui emboîta le pas pour rester à sa hauteur. Ils réussirent à se frayer un chemin difficilement pour enfin apercevoir l’objet de l’attroupement de tous ces badauds. Tharak vit un homme, ou du moins ce qu’il en restait, allongé à terre, bel et bien mort. Curieusement, sa peau était presque aussi grisâtre que de la poussière, et était étirée sur ses os, comme s’il avait été vidé de son sang. Il n’était plus qu’un squelette difforme flottant dans les quelques vêtements qui lui restaient.
Karan, qui lui aussi vit le cadavre, écarquilla les yeux. La tête, bien que déformée dans un dernier rictus de douleur effroyable, était celle de Gillian..
Empoignant Tharak par le bras, l’humain l’emmena en retrait, vers le chemin et le plus loin possible de la foule.
Enmorien les repéra, elle qui avançait d’un ton faussement guilleret, elle fronça les sourcils en voyant les deux hommes fuir comme la peste vers un coin de rue plongé dans l’ombre.
Regardant dans la direction d’où ils venaient, elle supposa qu’ils voulaient simplement éviter la foule et les regards indiscrets.. Finalement, ils n’étaient peut-être pas si bêtes ?