Le long du Boilune, Vers le Puit de Béorunna et le bois Froid

e grand mulan sourit après la surprise première suite aux propos de Stor concernant les dragons qu’il avait vu. Décidément ce petit barde ne cesserait jamais de l’étonner par sa capacité de force morale se traduisant dans cette innocence et cet humour qui le caractérisait si bien. S’apercevant soudain des vilaines marques de mains griffues que le lézard avait laissé sur son ami, il s’approcha le regard plein de compassion.

- Je suis heureux de te voir encore la langue bien pendue et l’esprit vif... Laisse moi te débarrasser des traces répugnantes que ce fils du démon a déposé sur ta chair. Joignant le geste à la parole, Absurbanipal changeait la nature de l’énergie divine dont il était le gardien afin de la convertir en un effet guérisseur. Comme à chaque fois qu’il manifestait les pouvoirs dont son Dieu l’avait fait le dépositaire, il irradiait d’une aura chaude de lumière dorée. Lorsqu’il eut achevé de redonner des forces à l’halfelin courageux, il se dirigea vers Mjölnir afin de s’assurer qu’il ne soit pas plus couvert que de quelques bleus, comme il le pensait.

- Belle Ylinya, possédez vous encore des réserves ou vous trouvez vous comme moi désormais limité qu’à des facultés mineures? Si tel est le cas nous pourrions nous poser un moment ici afin d’attendre que ces... ténèbres. Il désigna de sa main ouverte la demi-sphère obscure. "Ne disparaissent et ne nous permettent de fouiller plus amplement les lieux et de récupérer nos ressources magiques?"

Absurbanipal convertit Endurance aux énergies destructives par le sort de Soins des blessures légères

a chute avait été dure, jamais encore le moine n’avait vécu une telle expérience et il ne souhaitait pour rien au monde la revivre de sitôt! Extirpant les brindilles de sa barbe et de ses cheveux, il sortit de la zone obscure, les bras tendus devant lui pour s’éviter la rencontre malencontreuse d’un peuplier ou de tout autre végétal aux branches trop pendues. Il se secoua en franchissant sa limite, terminant de reprendre contenance devant ses compagnons entourant le barde.

- Comme si les rochers étaient faits pour voler! Tu as raison Absu, c’est bien là le fils d’un démon, j’aurais parié qu’seul un géant... ou un dragon... pourrait m’arracher du sol de la sorte! Il fixait le barde, la tête penchée sur le côté, un sourire amusé face à son attitude désinvolte et la légèreté avec laquelle il parlait des terribles lézards. Qu’il eut pris l’homme-lézard pour l’un d’eux soulignait son ignorance à moins qu'il n'eut usé d'ironie mais le nain était encore trop secoué pour faire la part des choses. "Tu remplirais à peine la dent creuse d’un véritable dragon s’il lui venait l’envie de goûter un met si fin!"

Un voile passa devant son regard qui perdit presque aussitôt l’étincelle joyeuse qui l’avait éclairé d’avoir savoir sauvé leur compagnon tandis qu’il repensait à la carcasse du rôdeur, au centre du globe de ténèbres. Aucun rire ne ponctua sa phrase qu’il avait pourtant souhaité chargé d’humour et dédramatisante. "Prenez le temps qu’il vous faudra, il m’en faudra aussi pour assurer à notre vieil ami une sépulture à l’abri des charognards. Aucun de vous ne saurait faire partir cette satané obscurité?"

evant la tristesse évidente de leur compagnon Mjölnir, le prêtre afficha un instant de silence respectueux puis répondit finalement à sa question.

- Je regrette sincèrement de ne pouvoir dissiper les noirceurs engendrées par cette horrible créature et je crains que personne ici n’en soit plus capable. Néanmoins dans mon enseignement de la théologie et des pratiques ésotériques concernant tout ce qui touche à l’ennemi de mon Dieu, je me rappelle avoir appris que même si ces effets magiques peuvent être relativement longs, ils n’en sont pas moins éphémères. D’ici quelques minutes nous devrions en être débarrassé.

- En attendant je veux bien vous prêter main forte pour se qui est de donner une sépulture décente à votre camarade décédé. Je puis également lui faire une oraison funèbre qui l’aidera à le guider vers les bras accueillants de son saint patron. Ne soyez pas triste mon ami, même si la perte de ceux qui nous sont chers est difficile à accepter sur cette terre, songez à tout le bonheur qu’il aura à se retrouver assis auprès des dieux... Les paroles d’Absurbanipal, dites sur un ton apaisant, se voulaient aussi réconfortantes pour l’âme que l’avaient été ses soins pour le corps. "Et vous, noble Ylinya, vous joindrez vous à moi pour formuler quelques prières?"

a druide n'avait pas eu le temps de répondre à Absurbanipal au sujet de ses réserves magiques. Pour l'instant elle n'avait utilisé qu'un sort, il lui en restait mais ils n'avaient ni la même puissance ni la même utilité que ceux du prêtre... Dans tous les cas elle était d'avis de souffler quelques instants. Elle n'était pas habituée à vivre pareille expérience avec des créatures dantesques, la demi-elfe ne se sentait pas d'essuyer son cimeterre, le ranger et partir d'un pied léger comme si de rien n'était. En tous cas ça ne semblait pas être le cas pour l'halfelin qui paraissait avoir déjà tourné la page pour mieux rédiger leurs exploits. Cette sorte de légèreté et de retour à la normal soulageait Ylinya, laissant ses muscles se détendrent peu à peu. L'apothéose fut tout de même atteinte lorsqu'elle avait entendu la voix grave du moine s'élever et lorsqu'il sortit. Ils étaient tous en vie et seraient fort probablement en parfait état d'ici peu de temps... Même si elle n'avait pas pu les aider jusqu'au bout, ils s'en sortiraient indemnes et peut-être plus grands et soudés pour continuer leur route... Pourtant le coeur de la demi elfe aquatique manqua un battement. La voix rassurante de Mjöllnir avait prononcé quelques mots qui avaient titillée le résonnement logique de son esprit. Quelque chose clochait. Dans tout, dans l'intonation, dans l'ambiance même. C'était une victoire tintée de deuil. Un vieil ami? Ils étaient tous là, non?... Non?

¤Non, non, non, non... Pas encore... Pas ça...¤ Ses doigts se détendirent laissant glisser au sol son bouclier et son cimeterre. Les paroles d'Absurbanipal ne lui arrivaient que par vagues, mises en concurrence avec les souvenirs du combat qu'ils avaient mené. La druide savait que la réponse se trouvait là. Quelque chose qu'elle avait entendu, remarqué mais qui ne voulait pas ressortir, comme si son esprit lui-même ne voulait pas lui livrer cette clé de peur de la briser un peu plus. Les mots de prières la tirèrent un peu de sa léthargie... Elle avait la tête baissée, semblant presque chercher refuge derrière le rideau bleuté que formaient ses mèches.

- Qui? Sa voix n'avait été qu'un murmure, un souffle entre ses dents. "A qui appartenait ce corps?" La question avait claqué de manière sinistre. Elle avait un tout petit peu élevé la voix, suffisamment pour la faire elle-même sursauter... Et puis elle ne s'était pas reconnue, une voix un peu trop cassée à son goût. Elle gardait la tête baissée, les yeux fermés. Elle sentait la réponse, la voyait tapie dans l'ombre comme un monstre souriant cyniquement, et n'avait aucune envie que ses craintes soient confirmées. Elle l'attendait pourtant, ayant presque l'impression de tendre le menton pour qu'un barbare en pleine crise de délirium y pique un uppercut en la prenant pour un orque...

vant que Stor n'ait pu esquisser le moindre geste, son grand ami Absurbanipal était venu lui restituer les forces qu'il avait perdues dans l'affrontement. Un regard d'abord surpris du halfelin fut le premier remerciement qu'il reçut pour son geste. Visiblement, pour le petit barde, rien ne justifiait autant de sollicitude et ce n'étaient pas les confusions laissées par les mains griffues de l'homme-lézard qui nécessitaient de tels soins. Néanmoins l'intervention du prêtre revigora quelque peu Stor et l'encouragea à parler à nouveau. Il secoua la tête avec dépit, conscient de son impuissance à repousser un sort de ténèbre.

- Mais je t'assure, Absur, qu'il n'était pas nécessaire d'user la magie de ton Dieu pour me soigner... Je n'avais que de légères éraflures qui auraient disparu d'elles-mêmes après une bonne nuit de sommeil. Portant les mains à sa cou, il semblait surpris de ne plus ressentir de douleur. Plissant un peu les yeux, le malicieux halfelin continua à l'attention de Mjöllnir. "Quoique, je dois bien le reconnaître, ma gorge est un peu moins douloureuse maintenant et je dois faire moins d'effort pour parler. Pour cela, sois-en remercié, mon ami. Je comprends que tu aies fait autant d'effort car le son de ma voix devait te manquer."

- Je regrette de ne pas disposer de la puissance nécessaire pour dissiper ce sortilège, mais un jour, mon chant sera capable d'un tel exploit, n'en doutez pas... Je me disais bien aussi que la gueule de cet apprenti dragon était bien petite, pourtant, les lézards ailés que j'ai aperçus me semblaient avoir la même taille... Ils étaient peut-être plus loin que celui-là alors. Ca doit être une expérience fabuleuse de s'envoler sur le dos d'une telle créature. Pour avoir des dents de cette dimension, elle ne remarquerait même pas qu'elle transporte un halfelin sur son dos... Jetant un dernier regard de mépris sur l'ombre sans vie du demi-fiélon, Stor se massa encore une fois le cou, surpris et ravi à la fois, de ne ressentir aucune gêne pour parler. Il n'avait pas entendu le murmure d'Ylinya, ni vu sa détresse.

linya? Ylinya? Vous allez bien? Soudainement inquiet de l’attitude de prostration dans laquelle la demi-elfe océane semblait s’enfermer présentement, Absurbanipal s'approcha d’elle, il lui posa délicatement une main sur l’épaule afin de ne pas la faire sursauter. Sa main chaude et son ton compatissant tendaient à essayer d’atténuer la peine qui la submergeait.

- Belle druidesse, aucun de mes mots ne sera assez fort pour exprimer toute la tristesse que j’ai à constater l’affliction qui vous frappe en cet instant. Croyez que si je le pouvais, je prendrai sur moi cette souffrance afin de vous en soulager. Si aujourd’hui vous perdez un compagnon de route, sachez que vous avez trouvé en Stor et moi-même deux amis sincères qui ne désirent que votre bien. Absurbanipal était parfaitement conscient que ces paroles n’étaient que sable du désert dans la tourmente d’une tempête, mais il savait par empathie qu’elles feraient leur chemin jusqu’à son coeur lorsque le moment serait venu. En attendant, il ne pouvait que la soutenir du mieux qu’il le put. Le prêtre mulhorandi la prit doucement par le bras pour l’inciter à ne pas rester ainsi tétanisée.

- Venez avec moi, il aurait certainement aimé que vous participiez à son dernier éloge. Finalement, le jeune homme se laissa aller à lui prendre la main et à la serrer amicalement. Il sentait le coeur battre dans la paume de la jolie elfe et il fut parcouru d’une chaleur nouvelle. "Nous allons aider notre frère nain pour faire ce qui doit être fait afin que sa dépouille ne soit pas profanée plus qu’elle ne l’a déjà été."

jöllnir se racla la gorge et une curieuse chaleur empourpra le peu de son visage que la masse hirsute de sa barbe ne cachait pas. L’ayant reconnu au premier coup d’oeil, il pensait qu’il en avait été de même pour la druidesse qui s’était prise si rapidement d’une affection sincère pour le rôdeur mélancolique. Il chercha quel mot prononcer pour lui apporter un quelconque réconfort, quel jeu d’humour il eut pu lancer ou quand lui envoyer son clin d’oeil complice sans laisser perler la larme qui se formait dans son oeil gauche. Mais il ne trouva rien et, se raclant la gorge une fois de plus, d’un : "Hum... Bon... Allons-y!" D’une voix faiblarde, le nain se renfonça dans les ténèbres à la recherche de la dépouille de Nazeroth.

Il prit avec beaucoup plus de sympathie le manque de lumière et l’absence des rayons de soleil qui correspondaient si peu à la tristesse de la situation. Un pas, puis un autre, avant qu’il ne s’arrête de peur de piétiner leur compagnon d’infortune. ¤Ont-il seulement eu le temps de rejoindre Lunargent? Si c’est le cas, pour quelle obscure raison as-tu cru bon de revenir vers nous, fichu rôdeur qui croyait si peu en nos chances, alors que tu n’avais qu’à profiter de la récompense et t’en retourner chez toi? Où as-tu laissé le preux Sion? Quand trouverons-nous sa dépouille?¤

Le moine tentait de transformer sa tristesse en colère mais rien n’y faisait... Il sentait un autre sentiment s’immiscer plus profondément dans son coeur et son esprit, un sentiment qui nourrirait chacune des batailles qu’il aurait à affronter. Ses pensées se cristallisaient, le blessant comme l’aurait fait une hache. ¤Vengeance... Je briserai chacune des pierres de cette sépulture mille fois maudite...¤

Il serra les poings, faisant crisser le cuir ouvragé de ses gants. Puis une image s’imposa à lui, le visage implorant de sa 'bleuté', cette petite soeur si différente que le destin avait mis sur son chemin et qui lui demandait d’être fort et de l’aider à supporter tout ça. Et le nain, tout bourru qu’il fut, laissa cette requête faire son chemin et chasser ses pensées les plus sombres. Il fit le calme dans son esprit, tentant de se remémorer la position du corps avant que l’obscurité ne le fasse disparaître, et se dirigea précautionneusement dans sa direction.

MJ
Stor a récupéré 4pv temporaires.
Mjöllnir a récupéré 3pv temporaires et 1pv.

Mjöllinir s'approcha donc de l'endroit où l'on devinait la forme du corps. Il avait peur que l'obscurité se dissipe d'un coup et n'avait pas envie de voir le cadavre éviscéré de si près, malgré son courage tout cela l'angoissait, il fallait l'ensevelir vite car les corbeaux ne tarderaient pas à revenir. Des pierres plus ou moins grosses et plus ou moins enfoncées dans la boue pourrait servir à recouvrir le corps de manière efficace. Certaines étaient entourées de ronces et il ne serait pas facile de les déloger mais il n'y avait pas d'autres solutions évidentes aux yeux du moine et le disciple Clangeddin ne disposait pas du matériel nécessaire pour creuser la terre. Pendant ce temps là, Stor accroupi tâtonnait le sol à la recherche de son arc, après avoir ramassé trois branches mortes dans l'obscurité, il tomba enfin dessus. Apparemment, il n'avait pas été piétiné, ou alors très peu car il était intact mais avait tout de même été dés-encordé. Il aida ensuite ses compagnons à ensevelir le corps de cet homme qu’il ne connaissait pas mais qui déjà, faisait partie de ses chants. Après presque vingt minutes les ténèbres firent peu à peu de nouveau place à la lumière. Le corps de Nazeroth était déjà en partie recouvert, au moins il mourait chez lui dans un bois.

Une fois le corps protégé des corbeaux Absurbanipal puis Ylinya dirent quelques mots en guise de dernier sacrements et pour que son âme s’élève et ne fasse plus qu’une avec la forêt. Du feuillage des bouleaux, des trembles, des aunes, des merisiers semés sur cette pente, le dérèglement du temps en avait gâté le naturelle en venant y faire des taches jaunes et rouges de mille nuances. Pour quelques semaines le brun de la mousse, le vert inchangeable des sapins et des cyprès ne furent plus qu'un fond et servirent seulement à faire ressortir les teintes émouvantes de cette autre végétation qui peut-être renaîtrait avec le printemps suivant, mais qui se mourait actuellement. La splendeur de cette agonie était pourtant réelle pour le moment car tout n'était pas encore réduit à l'état de marécage. Elle s'étendait sur la pente qu'ils avaient descendu pour aller se battre contre le fiélon comme sur une bande sans fin qui suivait la lisière, s'en allant toujours aussi belle, aussi riche de couleurs vives vers les régions lointaines du nord où nul oeil humain ne se posait sur elle. Le lieu où Nazeroth était enterré lui ressemblait beaucoup, il était à la fois beau, fragile et mélancolique… Après un moment de recueillement et de contemplation ils décidèrent ensuite qu’il était temps de repartir, ce lieu n’était pas le leur, il était celui de Nazeroth et ils ressortirent donc du Boilune marchant vers leur propre destin...

Mais voici que du nord vint bientôt un grand vent froid qui ressemblait à une condamnation définitive, à la fin cruelle d'un sursis, il marchèrent à nouveau poursuivant leur route inlassablement. Plusieurs jours passèrent sans qu'ils ne rencontrent aucune âme et sans que le ciel couvert de nuages épais ne leur fasse entrevoir ou ressentir les rayons apaisants d'un soleil tant espéré par Absurbanipal. Quelquefois ils apercevaient au loin un loup qui grattait le sol boueux à la recherche d'une nourriture devenue rare dans la forêt. Mais rien d'autre ne vint agrémenter les quatre jours qui suivirent l'épisode de la lutte contre l'homme-lézard et l'ensevelissement de Nazeroth... Trouver de l'eau potable, économiser ses forces, partager les vivres et trouver, un endroit à l'abri du vent pour installer la tente ou du bois sec pour alimenter le feu devenait la seule préoccupation journalière des quatre aventuriers. Ce n'est qu'au soir de leur cinquième jour de voyage qu'un évènement notable s'offrit à eux : il venaient de dépasser Boilune, la forêt se situait seulement à une lieue de l'endroit où ils allaient s'installer pour la nuit mais dès demain à l'heure du déjeuner, ils ne verraient plus les conifères qui leur servaient de point de repère dans leur avancée vers le nord et ils devraient s'en trouver d'autres pour ne pas s'égarer... En attendant une nouvelle journée allait s'achever, il leur fallait se préparer à installer leur campement.

epuis l’enterrement du défunt Nazeroth, ses compagnons n’avaient guère été loquaces et cela le prêtre du Dieu Soleil ne le comprenait que trop bien. N’avait-il pas connu lui-même la souffrance qu’engendrait la perte d’un être cher ? Il se rappelait les liens étroits qu’il avait tissé avec Teldek et Hormak, deux apprentis prêtres qu’il avait côtoyé durant des années pendant son instruction dans le Grand Temple de Skuld. Les deux jeunes hommes et lui étaient devenus des amis au fil du temps, ce qui leur avait souvent permis de surmonter l’entraînement rigoureux qui leur était imposé ainsi que la sévérité avec laquelle les prêtres chargés de leur formation savaient les reprendre. Absurbanipal gardait encore frais dans sa mémoire et dans son cœur le moment de leurs premières armes sur le champ de bataille, et la douleur qui s’ensuivit lorsqu’il découvrit leurs corps ensanglantés ensevelis au sein d’un charnier. Oui il savait ce qu’était ce sentiment qui savait vous envelopper de son linceul funeste pour vous tenter à rejoindre ceux qui vous ont quitté.

Le mulhorandi leva la tête, cherchant instinctivement la chaleur du soleil sur sa face comme un baume guérisseur apaisant ses craintes et ses mauvaises humeurs. Il s’agissait du passé et rien ne pourrait le changer. L’homme bien loin de chez lui regarda ses nouveaux amis et il sourit. Seul en ces terres, son Dieu avait su lui faire trouver des gens de valeurs qui lui prouvaient qu’après les plus noirs moments, quels qu’ils furent, des évènements, des rencontres pouvaient changer la vision que l’on jetterait sur le monde par la suite.

achinalement, Stor s'affairait pour aider ses compagnons à installer le bivouac. Le temps passé à vivre ensemble avait amené le petit groupe à mieux se connaître et les paroles étaient devenues inutiles pour répartir les rôles dans la préparation du campement. Avec l'autorité que lui conférait son statut de gastronome reconnu - être halfelin amenait parfois quelques stéréotypes - le petit barde avait déjà commencé à allumer un feu, s'attaquant à la préparation du repas, charge aux autres d'alimenter les flammes par du bois sec. La position adoptée par Stor avait du bon, elle lui permettait en plus de se réchauffer un peu, chose très utile avec le climat qui régnait actuellement.

Laissant le soin à ses compagnons de consolider et d'aménager l'endroit choisi pour passer la nuit, le halfelin faisait mitonner le repas du soir. Bientôt, un délicieux fumet s'éleva, chatouillant agréablement les narines des aventuriers. Il importait de reprendre des forces car la journée du lendemain promettait d'être rude. Leur point de repère allait bientôt disparaître et ils allaient avoir du mal à se diriger sans se perdre. Bien sûr, le rusé halfelin connaissait un peu la région, mais sa connaissance était plus livresque ou romanesque que réelle. Il n'avait arpenter ces contrées qu'au travers de chants ou récits divers, mais il faisait tout à fait confiance à ses compagnons, en particulier en la belle Ylinya dont le talent druidesque était propice à la vie en pleine nature, pour les mener à bon port. Et encore, ce terme de 'bon port' était certainement très optimiste car personne ne savait ce qu'ils allaient réellement trouver au bout de leur chemin. La seule chose qui était certaine était l'importance de leur mission.

Chassant ces pensées un peu trop tristes pour lui, Stor leva la tête et héla ses compagnons. L'heure était venu de se restaurer, le dîner était prêt et il n'était jamais bon de laisser un halfelin seul à proximité de la nourriture...