De Lunargent à Quaervarr, Deux semaines après les grandes tempêtes

MJ
C'est donc en ce matin, vers la fin de la première lunaison que les aventuriers grimpèrent sur les carrioles, laissant les deux nains essembles, les autres allèrent dans la seconde, le nain ayant les reines se présenta comme étant Laurius, c'était un nain d'or à la barbe aussi noire que le jais, légèrement ventripottant comme la plupart des nains et tout comme son compagnon d'arme conduisant le chariot de tête et qui se prénommait Gynix.

Les aventuriers ne savaient pas trop s'ils devaient se réjouir ou s'inquiéter, mais ils étaient plutôt soulagé. La semaine précédente, dans leur lit, le soir, ils entendaient les voix inquiètes d'aventuriers, qui s'efforçaient de rester feutrées, pour ne pas montrer la peur qui les envahissaient à l'idée de partir pour une destination peu connue et dangereuse. Ceux-ci étaient réticents et ne voulaient pas partir de Lunargent, mais pour les cinq compagnons, il était clair qu'ils n'allaient pas rester ici toute leur vie!

C'était un très difficile voyage qui les attendait; les nains somnolaient souvent, bercés par le rythme hypnotique des sabots des deux ponets attelés à la carriole. Cette dernière roulait sur une route de dalles rouges et polies, à travers des collines aux boisés aimables, bien différents des grands arbres sauvages qu'on pensait trouver dans le Nord, c'était les alentours proche de Lunargent. Mais d'une heure à l'autre, ceux qui s'étaient endormis, s'apercevaient que le paysage avait changé lorsqu'ils se réveillaient tant il était diversifié. Ils arrivèrent bientôt à une rivière, la Rauvin - ils n'avaient jamais vu autant d'eau courante et stagnante, l'inondation était visible partout. Dans un halètement pressé, les bêtes de trait quittaient quelquefois la route, s'engageant dans le courant, ou dans la boue, glissant parfois sous les yeux écarquillés d'Ylinya et des autres qui refusaient de voir cela comme un mauvais présage.

Après la rivière, ce fut la plaine, à perte de vue, une étendue presque plane, bien plus grande que tout ce qu'ils connaissaient. Les grandes herbes étaient déjà à moitié couchées, toutes bleuies par le nouveau soleil, il y pointait seulement de rares arbustes rabougris - mais, parfois, la boule verte d'un saule ou d'un chêne centenaire s'y arrondissait, majestueusement. C'était là les rares arbres qui avaient résisté aux tempêtes et qui n'étaient pas déracinés ou brisés. Ce paysage trompeur semblable à une lande était constitué de tourbes et de sols instables, les herbes et arbres de la surface étaient peut-être morts, mais le sous sol était vivant et mortel pour tous ceux qui osait s'y aventurer sans prendre de précaution. Malheureusement, la plaine devînt vite aussi monotone que les contreforts montagneux des monts Nétheres, des collines et des vallées inondées par la rivière, mais la nuit vînt peu à peu cacher tout cela...

Kimiad se laissait aller à somnoler dans le couchant, le dos appuyé contre un gros sac de grain. Il lui tardait d'arriver à destination, tant l'ennui commençait à le ronger. Sans cesse revenaient dans sa tête ces premières visions de destuction. Les inondations dont lui avait parlé Mjöllnir avaient été encore plus catastrophiques que prévu. ¤Toute une vie à reconstuire pour ces pauvres hères qui vivaient du fleuve...¤ Cela n'avait fait, en fin de compte, que renforcer sa détermination. Durant cet interminable et silencieux voyage près de son cousin, Kimiad avait bien lu le même trouble dans les yeux des autres nains et de ses compagnons.

- Amie druide! Appela-t'il l'elfe aquatique en se tournant vers l'autre carriole quand l'occasion le lui permit. "Qu'en pensez-vous? Un tel phénomène vous semble-t'il naturel?"

Djuka monta, à l'instar d'Ylinya, dans la seconde carriole cherchait sans cesse la meilleure place possible parmi les nombreuses caisses et tonneaux que transportait le chariot et, afin de régler le problème, il s'installa définitivement sur une caisse assez longue pour lui permettre de s'allonger. Ce n'était peut-être pas très confortable mais ce n'était pas pire qu'auparavant. Il resta ainsi allongé sur le dos, les bras croisés derrière la tête, à contempler le ciel. ¤Alors nous voilà partis...¤

Il entendit au bout d'un moment Kimiad, du chariot précédant le sien, poser à Ylinya la question que la plupart des aventuriers de la caravane devaient se poser en ce moment. ¤L'avis d'une druide peut être intéressant...¤ Le demi-drow attendit donc la réponse de la demi-elfe.

Ylinya se laissait bercer par le rythme de la cariole regardant les premières étoiles apparaître dans le ciel. Jambes balantes et tête appuyée sur l'arceau de la bache, son esprit vagabondait gaiement à droite et à gauche. Revenant sur ce qu'elle savait de son passé tout en se torturant sur la situation actuelle. Elle n'avait que peu conscience de ce que faisaient ses camarades dans la cariole. Lorsque Kimiad l'appela elle releva la tête, cherchant le nain du regard. elle se déplaça afin qu'ils puissent parler en se voyant tout deux

- Excellente question Kimiad! Je dois bien t'avouer que je ne suis pas de la région, alors je sais pas trop s'ils sont habitués à avoir des tempêtes aussi violentes! La druide était obligée d'hausser un peu la voix afin qu'il puisse l'entendre malgré les bruits de la route. elle réfléchissait. C'était la première fois qu'elle parlait de ses craintes avec une personne autre que Nazeroth. Elle espérait que lui aussi finirait pas participer à leur petit débat. Après tout cela concernait tout le groupe!

- Malgré ça je pense que quelque chose se trame. Quelque chose qui porte atteinte à la balance naturelle de cette région. J'aurai tendance à penser que Talos a quelque chose à voir avec cela, c'est dans son domaine si je puis dire. Elle fronça les sourcils et resta silencieuse quelques secondes

- Mais d'autres peuvent en être capables. Un prêtre d'une autre divinité? Un puissant sorcier? Un artefact maudit? Il va falloir qu'on cherche des traces suspectes sur place...

Ylinya regarda le ciel, soucieuse. Le soleil se couchait et bientôt la visibilité ne serait pas bonne pour voyager. De plus les bêtes avaient besoin de repos, tout comme eux et voyager de nuit était peu prudent. Elle lança donc plus ou moins à la cantonade

- Il ne faudrait pas trouver un lieu de campement pour la nuit? De plus elle espérait pouvoir faire un peu mieux corps avec la nature une fois à l'arrêt. Elle voulait sentir si elle était pliée à une volonté autre que celle des cycles normaux...Elle espérait au moins savoir s'il y avai quelque chose d'anormal

Kimiad dodelina de la tête. Il restait quand même sceptique. "Ou alors il ne s'agit que d'un phénomène naturel. Rare et violent, mais naturel... Répondit-il à la druide. Kimiad ne le montrait pas, mais il était bien plus inquiété par les orques. Ceux-ci ne faisaient sans doute que profiter d'une situation qui les dépassaient.

- On verra bien sur place. Ajouta-t'il. Je crois ce que je vois, et je pense que nous verrons des orques. Après, si nous découvrons autre chose, nous aviserons. Quant aux orques... Kimiad n'acheva pas sa phrase. Sa main caressant sa hache était suffisamment explicite. Le chemin qui l'avait mené de Damarie à Lunargent lui avait suffis à se faire une idée de ce dont étaient capables les orques.

Djuka était d'accord avec Kimiad sur le fait que leur problème principal, du moins pour le moment, était les orques. Tout comme Ylinya, il ne connaissait pas assez le climat naturel du Nord pour oser affirmer que la récente tempête avait une cause humaine, voir divine. ¤Mais si c'est le cas, plus que Talos, c'est Aurile qu'il faut craindre.¤

Comme souvent, Djuka remercia son mentor Sorendo pour l'apprentissage qu'il lui avait donné. Se tournant vers le chariot dans lequel se trouvaient les deux nains, il lança : "Tu sais Kimiad, je crois qu'il y aura assez d'orques pour nous tous."

A la vérité, le demi-drow n'avait jamais eut à se confronter aux orques. Il n'y en avais pas, ou extrêmement peu, en Outreterre; et les quelques aventures qu'il avait connu à la surface ne l'avaient jamais mis nez à nez avec ces créatures. Aussi il ne les connaissait que de réputation. Une sorte de "baptème".

MJ
- P'tain chiasse! C'est bouillasse partout! Lança Gynix dans la première carriole. Une fine pluie diluvienne s'écoulait inlassablement depuis plusieurs minutes, mouillant les vêtements et rendant moîtes les peaux des aventuriers de plus en plus mal à l'aise dans ce décor perturbé et face au déchaînement de cette nature chaotique depuis plusieurs semaines...

- Chez' pas si on s'ra au sec c'te nuit. Toute cette flotte, j'aime pas! Sur cette dernière phrase d'une grande spiritualité le nain aux lourdes paluche se saisit de sa gourde entortillée dans une lanière de cuir tressée et but à grosses gorgées quelque chose qui ne devait pas être de l'eau, vu l'aversion du nain pour ce liquide. Il se retourna et lança sa gourde rebouchée vers les deux nains à l'arrière de sa carriole et lança : "Tenez cousins, buvez de ça sinon vous allez attrapé 'l'estomac trempé' et ça c'est pas pour nous aut' les nains."

De l'autre côté Laurius en profita pour lui crier : "Hé Gynix! Faudrait p'têt ben là s'arrêter, mes bardots n'en peuvent plus, il n'avanceront plus très loin dans le noir et avec cette bouillasse, sans repos et sans avoine. Puis y'a la donzelle qu'a proposé de s'poser aussi parce que depuis l'temps qu'on les chahute, ils aimeraient p'têt ben foutre l'pied à terre si y'en reste encore un bout d'sec quelque part... Qu'est t'en dis?" Gynix avait depuis longtemps dans l'après midi fais tomber le casque pour un chapeau de feutre et la pluie qui commençait à tomber un peu plus fortement l'avait complètement déformé et donnait maintenant au fier nain un air tout à fait ridicule.

- D'accord on s'arrête, de toute façon avec c't'abattée, on ce serait embourbé à coup sûr. Alors on s'arrête mes gens! Hurla presque Gynix qui devait penser que la pluie telle un mur d'eau, si elle l'empêchait de voir correctement son compagnon à dix mètres derrière, devait également empêcher les sons de passer. Les deux nains tirèrent sur leur rênes. Laurius descendit de sa carriole et faillit choir dans la boue glissante une fois qu'il eut mis le pied à terre. Puis après un ou deux jurons nains, il alla rejoindre son camarade avec son outre à l'avant du convois pour boire un bon coup bien mérité par ce temps à ne pas mettre un chien dehors.

Kimiad se leva et porta ses yeux aux alentours. La boue empêcherait tout campement à même le sol et il doutait que l'endroit fut bien choisi pour s'arrêter.

- Dite heu... cousins. Dit-il à l'intention des deux nains. "Si on reste ici, demain matin je doute que nous allions bien loin. On va s'embourber comme pas possible."

Puis il se tourna vers l'autre carriole et ses compagnons de route. "De deux choses l'une. Soit on ne bouge pas, et on prend ce risque, soit on envoie une ou deux personnes chercher un gîte ou un terrain un peu plus sec. Quoiqu'il en soit, ne laissons pas les carrioles sans protection. Qu'en pensez-vous?"

Nazeroth était resté silencieux pendant tout le trajet. Il occupait un coin de la carriole légèrement en retrait par rapport à ses 'compagnons'... Sa tête s'était légèrement faite voir de dessous sa capuche quand Ylinya avait proposé de s'arrêter pour la nuit, mais le reste du temps, il ne préférait pas interférer dans les discussions de ceux-ci. Une fois le 'transport' arrêté, et ayant entendu les paroles de Kimiad (à qui il ne s'était toujours pas présenté), le rôdeur se leva lentement et se fit entendre : "Je suis d'accord pour la deuxième proposition, et je suis volontaire."

Ylinya sourit à Kimiad lorsqu'il rétorqua que les tempêtes pouvaient être naturelles. Ce n'était pas impossible mais par moment l'elfe préférait être pessimiste pour être agréablement surprise par un revirement heureux de la situation. Et au moins étaient ils préparés à toutes les solutions possibles, du moins pour l'instant. La druide leva discrètement la tête vers le ciel, laissant les gouttes de pluie glisser avec délectation le long de son fin visage. La sensation de la pluie sur sa peau lui avait toujours procuré beaucoup de plaisir, pendant quelques instants elle avait presque l'impression qu'elle était complètement immergée... Comme son père...

¤Diantre ce que j'aime la pluie...¤ Elle jeta un regard vers le sol, entendant les remarques des nains de la caravane ainsi que de Kimiad. Ses sourcils se froncèrent, elle avait beau aimer la pluie, se noyer dans la tourbe et la boue jusqu'à mi-mollets n'était pas des plus agréables. ¤Dommage qu'elle soit constament accompagnée par la boue...¤

-Je veux bien vous accompagner dans votre recherche de la terre ferme, Nazeroth. Je suis plus légère que nos amis nains, je risque moins de m'enfoncer... Elle se tourna vers Djuka, lui aussi suceptible de les accompagner. La protection des deux carioles seraient très certainement bien assurée par Kimiad, Mjöllnir et leurs deux guides. Par contre si vraiment ils ne trouvaient rien ils pourraient toujours essayer de monter un campement dans les arbres. Avec un peu de chance ils auraint des toiles de tentes assez solides pour être tendues entre les branches et servir de plancher et de toit... Elle se tourna vers Embrun

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