La Nuit des Révélations, [Azur'ael et Lahmee]

Thuldaë était en fête ce soir là. Pourquoi ? Peut-être parce que les dragons verts étaient étonnamment calmes ces dernières semaines, ou parce que la harde des pégases avaient connus deux heureux évènements. Ou simplement parce que Lähmee avait écrit une nouvelle chanson qui avait mit en joie toute la communauté sylvestre...

En tout cas, tous ceux qui étaient présent en ce doux soir de printemps étaient maintenant réunis sous les lampions flottant de la cité du Saule Argenté. Arcamanak, le vieux chaman homme-lézard qui était venu mourir au calme entre les murs de la cité forestière était, comme à son habitude, assis au bord du Ruban d'Argent, accompagné de son ami Rinotel, un renard éveillé qui ne devait guère être plus jeune que lui. Comme à son habitude, Aktim, le rôdeur d'Anauroch, tentait de prouver sa valeur devant la jeune Ëlaë, de soixante-dix ans son ainée, mais juvénile pour les tel'quessir. Betraë, Jerod et Isabelle, de fougueux bardes réjouissaient l'assistance de musiques entraînantes sur lesquelles dansaient de nombreux autres locaux. Les grands absents étaient les servants du Dieu des Vents, qui s'était faits bien plus présents ces dernières années mais qui avaient tous été rappelés, à la surprise générale, quelques semaines plus tôt.

Lahmee et Azur'ael quant à eux, étaient un peu à l'écart, non que la fête ne les réjouissent pas, mais elle durait déjà depuis plusieurs heures et l'aurore n'était plus très loin. Il fallait parfois que le couple s'écarte un peu pour se retrouver. D'ailleurs laisser Lahmee danser entouré de jeunes elfes et humaines quelque peu avinées n'était pas forcément une idée géniale. Sous les gigantesques branches d'O'Sutraari ils se sentaient en sécurité comme nul par ailleurs il ne l'avait jamais été. Sous le Saule, il leur semblait parfois que leurs aventures et leurs malheurs passés pouvait bien n'avoir jamais existé...

Cette nuit là, l'air était frais, mais pas froid, doux, mais pas étouffant. Une brise légère faisait danser les feuilles et striait le fleuve de traits azurés.

Cette nuit là, toute la forêt semblait avoir fait une trêve. Les aarakocra ne chassaient pas, les licornes allaient paisiblement et les centaures semblaient plongés dans leurs rêveries.

Cette nuit là, Azur'ael réussissait à oublier ses étranges rêves qui la sommait de retrouver le Dernier Gardien de Heaum.

Cette nuit là, la paix semblait enfin accessible, Sêluné se dessinait avec prestance sur la nuit sans fin, et semblait accorder une paisible splendeur à sa sœur.

Cette nuit là, la sérénité fut brisée.

Alors qu'ils s'enlaçaient les deux elfes furent soudain percuté par une vague de chaos sans nom. Plus loin sur la rive du fleuve, le vieux chaman saurien chancela également et s'écroula au sol. Eux aussi ne surent résister et leurs corps ne se retenaient pas mutuellement, peut-être se seraient ils éffondrés. La musique sembla s'arrêter. Il virent les plus puissants de leurs collègues subirent les même symptômes alors que les plus jeunes étaient également secoués. Tous entendirent l'écorce du Saule craquer, signifiant que même le vénérable était touché. L'entropie était dans l'âme même des elfes mais celle ci était d'une autre nature, elle brisait les frontière et les êtres. L'incantratrix le ressenti aux frontières de son art, même la trame entre les mondes semblait se briser puis... tout redevint normal.

Alors que chacun reprenait ses esprits et que les questions allaient commencer à affluer, tous purent entendre les rugissements des dragons verts terrés au loin dans leurs cavernes. Mais il ne rugissait pas de douleur, quiconque connaissait le draconique pouvait comprendre leur cri : une dragonne qui n'était pas de leur espèce avait pénétré leur territoire. Un terrible grondement leur répondit et le silence revint.

Le Saule Argenté écarta alors ses branches les plus hautes, et comme une comète irradiant à la lumière de la lune, une créature cristalline vint se poser devant le tronc du gardien de Thuldaë. Le dragon de cristal rabattit ses ailes et sa queue et fixa Azur'ael et Lahmee, alors qu'autour de lui, et malgré que le Saule l'ai laissé passé, chacun prenait les armes. Bientôt autour de la créature, épée, lances et arcs furent levés. Seul les deux elfes et le saurien ne la menaçait, trop éloignés qu'ils étaient.

Mais le wyrm restait stoïque et pacifique, dardant toujours ses yeux sur le barde et l'arcaniste.

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Les deux ont ressentis d'étranges perturbations de la magie ces dernières semaines, qui les ont inquiétés, mais qu'ils ont associés à la Magepeste. Rien cependant de comparable à cette perturbation.

La gardienne des mystères contemplait avec bienveillance toute la communauté s’amuser. Elle avait l’opportunité pour une fois de se détacher de ses préoccupations. Cette fête lui donnait raison d’avoir combattu toute sa vie pour que ses frères et sœurs en aient le droit. Pour une fois, elle s’octroyait le droit de se soustraire à ses recherches en magie en tout genre. Une mère qui a perdu l’un de ses fils reste marquée à jamais, quoiqu’on en dise. Elle mettrait tout en œuvre pour que cela ne se reproduise plus, notamment avec sa jeune petite princesse. Elle avait été un vrai rayon de soleil au cœur de la tempête des ombres. Ses rêves ne l’avaient jamais trompée. Ils étaient des cadeaux de la Déesse elfique des Songes et des Mystères. Elle s’était mise en tête de retrouver le dernier élu heaumite pour qu’il protège sa fille. Elle n’avait plus une totale confiance à la sécurité du Royaume des Fées.

Un phénomène étrange la sortit de sa contemplation. D’instinct, elle se rapprocha de son époux pour vérifier qu’il l’avait également perçu. A ses côtés, elle se sentait plus rassurée. Son inquiétude fut fondée lorsqu’elle aperçut un dragon gigantesque pourfendre le ciel pour venir jusqu’à eux. La panique semblait avoir envahie tous ses congères. La peur que le dragon engendre était instinctive. Ils avaient bien raison car la plupart d’entre eux sont cruels et mortels. La lunaire quant à elle garda son calme pour évaluer la situation. Elle analysa les faits : la créature avait passé les défenses magiques de la cité sans soucis ; elle aurait pu faire une attaque surprise si elle l’avait voulue ; elle n’avait pas le souvenir que ce type de dragon fut mauvais ; et vu sa taille ce dragon devait surpasser leur puissance. Sa présence leur semblait destinée.
Par prudence, elle avait déjà planifié une riposte défensive dans son esprit. La protection de la communauté était son principal objectif. Elle mit ses mains devant elle en signe d’apaisement. Ce geste est surtout destiné à ses compatriotes. Elle prit la parole dans la foulée.

- Baissez vos armes et éloignez-vous.

Elle s’approcha ensuite de la créature draconique, droite comme un i, prouvant qu’elle ne la craignait pas. Elle la salua d’un signe de tête, pour lui signifier son respect. Elle parla dans le langage des dragons. Elle adopta un ton assuré et posé pour ne montrer ni faiblesse ni arrogance.

- Je me présente. Je suis Azur’ael Ombrelune, Ly’Aegisir des gardiens des mystères de la confrérie des gardiens sylvestres. Je sais bien que la voix musicale de mon mari attire les plus belles et puissantes créatures de tout royaume mais tout de même que nous vaut votre présence ?

Le conteur du Naturel comme il était nommé ici profitait pleinement de la soirée. Il y avait plein de nouvelles têtes à la cité. Comme à son habitude, il avait chanté. Il avait même partagé avec d’autres musiciens un classique de l’époque de la Magie Sauvage. Ce temps semblait déjà bien révolu quand on voyait le changement qui s’opérait à travers tout Toril et au-delà. Lahmee s’était un peu coupé de ça en devenant Accord Sublime.

Oui un bien beau morceau avec de belles envolées très aigues qui n’avait pas pris une ride. Azur’Ael non plus. Le couple était entré dans l’âge mure des elfes, certaines de leurs caractéristiques avaient changé.
A ses côtés, elle était radieuse ce soir-là. Ils s’entrelacèrent sauf que ce soir-là, ils furent interrompus d’une manière plutôt brutale. Au début entremêlé de rêverie et de plaisir Lahmee pensait qu’il avait encore fait des prouesses près du Lac mais il n’en était rien, les secousses étaient bien trop puissantes voir même inquiétante, un dragon évidement.

Dégouté de l’instant gâché avec sa Belle, le Sublime comme il se faisait appelé ailleurs s’approcha de l’attroupement. Il apprécia la beauté de la créature et ses jolies courbes. Ce type de dragon, le sauvageon en avait juste entendu parler, ils étaient plutôt rares et réputés pour voler les œufs des blancs. Lahmee se souvint de leurs missions quand ils en avaient récupérer un. Il y avait peut-être un rapport vu la manière dont celui ci regardait le couple sylvestre. La créature ne semblait pas si agressive que ça, sa posture l’indiquait mais il valait mieux être prudent. Le barde s’approcha lentement pour se mêler aux présentations en enchaina avec malice et dans la même langue.

- Mon épouse sait bien que ma musique n’attire pas QUE de jolies créatures…mais aussi bien des ennuis, pourtant mes notes sont bien trop justes aujourd’hui pour froisser de si jolis petites oreilles de cristal.

- Je suis Lähmee Tribale, le barde, Ly’Aegisir des Conteurs du Naturel de la Confrérie des Gardiens Sylvestres.

Le dragon gronda légèrement amusé. Toutes enchantées qu'elles étaient, maniées par d'excellents guerriers, épaulés de lanceurs de sorts de talents, les armes des gardiens semblaient passablement dérisoires comparé au gigantisme du dragon. La lune se reflétait sur ses écailles et la lumière se dispersait autour de la créature, l'entourant d'une aura irisée. A coté des deux elfes, le vieil homme-lézard regarda le dragon. Malgré le fait que les dragons n'étaient pas des reptiles, le peuple saurien avait toujours adoré les wyrms. Se retrouver devant l'un d'eux devait être une expérience quasi divine.

Dragon de Cristal

De ce que les vents m'ont chuchotés, attirer les ennuis est votre quotidien, Maître Chantant, commença le dragon, visiblement amusé. Je vous salue tous, Gardiens. Si vous pouviez obéir à votre dame, je vous en serais grée. Les armes ont tendance à augmenter les possibilités de violence, quand bien même elle est inutile, n'est ce pas... Mais j'entends que ma taille éveille une prudence armée, permettez moi de remédier à cet état de fait. -------------------- C'est un puissant dragon cristallin qui se dresse devant vous. A l'évident tranchant de ses écailles se mêle celui de son esprit, aussi bon qu'acéré.

L'une des écaille à la jonction du torse et du coup de la créature et mit à briller et une brume lumineuse s’éleva autour du dragon. Il rétrécit à vu d’œil alors qu'il se métamorphosait en un humanoïde. La brume magique retombant, l'assistance pu poser les yeux sur une sublime humaine - ou une magnifique elfe ? -, ne portant pour seul habit qu'une robe dont le tissu rappelait le cristal de sa forme originale. Une couronne de cristaux lévitait autour de sa tête, tournant paisiblement comme autant de planètes autour d'une étoile.

Elundel

Puisque nous en sommes à l'échange de nom, permettez moi de me présenter. Les elfes et les hommes m'appellent Elundel. Les tilsinsthyr de Chondal me nomme affectueusement Porteuse-d’étoile, vénérable, ajouta elle pour l'homme lézard. Et bien, ne doutez pas de vos talents à tous, bardes, je me suis déjà mêlé aux peuples d'en bas pour des festivals moins agréables. Mais ce n'est effectivement pas ce qui m'amène. Par un étrange jeu de hasard, mon arrivée coïncide avec un nouveau pulsar de chaos. C'est pour cela que je viens ici, en messagère, pour vous demander votre aide. Ce qui s'annonce, je le crains, est aussi si ce n'est plus terrible que la dernière mort de la Gardienne des Mystères, et nous n'en savons encore que peu. Votre talent et vos prouesses dans la résurrection des Sentinelles vous ont même attiré les louanges de la grande Valamaradace, Dame Azur'ael. C'est une raison suffisante pour me faire penser que vous serez un atout de taille dans les troubles qui s'annoncent. Quant à vous, Sublime Troubadour, je crois que vous avez déjà rencontré quelqu'un qui m'est cher, quand bien même ne l'ai je pas revue depuis des années..., un voile de tristesse se dessina un instant sur ses yeux. Et vos prouesses face aux démons qui voulaient envahir Myth Drannor sont arrivés à mes oreilles. Le rendez-vous était fixé aux Halles de la Hache, mais tout s'est accéléré, et il semble que se rendre directement en Calimshan soit une meilleure idée. Si toutefois vous acceptez de vous mettre à nouveau au service des Royaumes. -------------------- L'elfe à quelque chose d'étonnant, comme si une brise permanente de joie et de fête emplissait les environs dès qu'une parole sortait de sa bouche.

La dragonne au corps d'humaine se baissa pour laisser le compagnon renard du saurien monter dans ses bras, laissant les deux autre réfléchir, elle se présenta à voix basse à l'animal et engagea une discussion à voix basse. Autour, la plupart des gardiens avaient baissés leurs armes, mais tous restaient méfiants, et ahuris.

La gardienne écouta la dragonne transformée en humaine avec attention. Elle avait eu raison d'adopter un comportement neutre et non agressif à l'égard de cet être puissant. Elle s'assura d'un regard inquisiteur que personne n'oserait contredire ses instructions.

Sa main droite s'était glissée dans celle de son sauvageon qui put sentir une petite pression à la fin des propos de l'être draconique. Ce qu'elle redoutait le plus allait se produire. Ils allaient devoir partir en quête pour aider les Royaumes et ça n'allait pas être du gâteau sinon on n'aurait pas fait appel à eux. L'elfe n'était pas effrayée mais déchirée entre son devoir de gardien des mystères et celui de mère avec sa fille. Elle avait perdu un fils. La douleur restait encore présente comme une déchirure du cœur à vif. Cette douleur ne s'était atténuée qu'avec la joie d'être à nouveau une mère. Sa fille l'avait comblée de bonheur. Pourquoi fallait il que le destin s'obstine à la séparer de ceux qu'elle l'aime. Depuis toutes ses missions, l'ensorceleuse s'était fait des amis mais aussi beaucoup des ennemis. Elle craignait pour la sécurité de sa fille, son talon d’Achille. Des mesures avaient été prises en la confiant au Royaume des Fées, mais elle pressentait cette protection fragile. C'était une intuition de mère avec laquelle on ne peut pas lutter. Sa rêverie qui est parfois prémonitoire l'incitait à trouver un chevalier, le dernier heaumite des Royaumes, lui seul capable de garantir la sécurité de sa fille.

Alors c'est la mère qui parla et non la gardienne des mystères.


- Vénérable Porteuse d'étoiles, vos mots sont peu rassurants. J'ai toujours œuvré pour la paix et la sécurité des Royaumes. J'ai bien peur que le futur combat que vous me demandez soit celui de trop. J'ai trop peur de laisser ma fille, seule avec toutes les menaces ombreuses qui rôdent autour. J'en suis...


La gardienne elfique sentit tous les regards posés sur elle, dont chacun lui rappelait ses responsabilités. Ils comptaient tous sur eux pour les protéger. Comment pouvait elle se le cacher et l'ignorer ? Aurait -elle encore la force de se regarder dans un miroir si le royaume plongeait dans les ombres et le sang ? Comment pourrait elle rester seulement observatrice d'un désastre qui serait plus grave que le déchirement de la toile ? Elle savait qu'elle n'avait pas le choix. Elle se réfugia dans les bras de son compagnon, posant sa tête sur son cœur. Il n'y avait pas besoin de pouvoir de télépathie pour ressentir les pensées et les émotions de l'un et de l'autre. Elle laissa l'Accord Sublime donner une réponse commune.

Une mèche bleutée vint chatouiller le nez du sauvageon. Azur avait posé sa tête exactement sur la marque bardique que Lähmee avait tatouée sur le cœur. Son rythme cardiaque battait la chamade comme à son habitude. Il senti le désarroi de son épouse face à ce cruel choix que proposait la dragonne : la peur d’un refus ou la peur d’un accord. Le Sublime trancha immédiatement en faveur de l’accord. Lähmee s’était coupé du monde ces dernières décades, se remettre un peu en scène pourrait lui apporter son lot de satisfaction. De plus un petit voyage dans le Calimshan sembla faire pencher la balance dans son esprit sulfureux. Voyant le blanc que laissa sa belle chaotique, il reprit à son oreille susurrant très doucement.
Honoré ou Désolé ?

Puis immédiatement un peu plus fort à l’encontre de la dragonne, il reprit d’une voix pure et cristalline.

- Le temps qui s’accélère n’est jamais porteur de bonnes nouvelles ! Le perdre encore plus, surtout pour un barde ! Elundel, il ne faut pas qu’on aille plus vite que la musique. Nous devons en savoir plus sur ce qu’il en est. Mon choix dépend de la juste mesure, celui d’Azur peut être différent, il faut que l’on s’accorde et nous vous donnerons notre réponse.
Le Sublime détailla la dragonne sous sa nouvelle forme. Elle lui rappelait quelqu’un mais il ne savait pas qui encore. Il avait noté ce voile de tristesse.

« un être Chair, chaire, cher, chère ? »

Rinotel émis un léger couinement et sauta au sol, allant rejoindre son compagnon saurien qui fixait toujours la dragonne métamorphosée avec un air étrange. Obéissant enfin à Azur'ael, tous avaient désormais baissés leurs armes et avait reculés d'un pas. Pendant quelques secondes, un silence uniquement troublé par le bruit du vent dans les branches du grand saule régna sur la cité sylvestre. Dans les yeux aussi profonds que tranchants de la dragonne, Lähmee put lire des signaux troublants. Comme beaucoup de barde, et encore plus les légendes telles que lui, lire dans les âmes de leur interlocuteur était un art, une nécessité. Mais ce qu'il lisait alors dans les prunelles de l'être puissant qui lui faisait face l'étonnait. Il y avait d'abord une colère au bord de l'explosion qui venait d'apparaître, la réponse de l'incantatrix semblait avoir déplu à la Porteuse d'Etoiles. Mais, tissé dans ce voile d'ire, il y avait de la tristesse, et, plus inquiétant encore, de la peur. Et il était difficile d'imaginer ce qui pouvait faire peur à une telle créature.

C'était sans doute ce mélange de sentiment qui avait fait fuir, le petit animal, qui comme bien de ses pairs, était doué d'une empathie autrement plus élevée que nombre d'être se disant intelligents.

Puis, Elundel laissa échapper un léger soupir avant de hocher la tête.

Elundel

Ce n'est pas une question de temps, Maître Tribaël. Une toccata endiablée est plus vive qu'une messe de Lathandre, elle n'en sont pas pour autant moins agréable. C'est un problème d'êtres. De trouver ceux qui pourront faire la différence. Les bons musiciens pour la bonne harmonie. Je sais ce que l'on m'a dit et ce que j'ai entendu. Il me faut encore aller visiter un vieil ami, qui pourra sans doute nous aider. Mais la meilleure façon d'en savoir plus serait d'y aller. Les shaundakulites ont réunis des mercenaires, fait jouer des dettes sur d'autres églises et royaumes, engagé leurs propres forces et continue de jouer les diplomates pour prévenir. Mais nombre de dirigeants refusent de croire qu'une catastrophe pourrait encore tomber sur nos têtes si peu de temps après la Magepeste... L'idée que la destinée est une dame équilibrée semble bien trop enracinée dans les mémoires. -------------------- L'elfe à quelque chose d'étonnant, comme si une brise permanente de joie et de fête emplissait les environs dès qu'une parole sortait de sa bouche.

Elundel s'approcha d'eux. Tout en elle suintait la grâce et la joie et pourtant, pourtant, un voile terrible assombrissait son aura. Elle sembla hésiter un instant, pensive, puis repris.

Elundel

Dame Azur'ael, je peux comprendre votre inquiétude, mais je refuse d'accepter votre refus. Comprenez bien que notre période est difficile. Votre Reine de Lunargent, Alustriel, se cache, nombre de ses sœurs en font autant. Elminster a disparu, et je suspecte que la fin de Mystra l'a conduit à n'être plus que l'ombre de lui même. Malgré toute la haine que je leur porte, les thayens sont des arcanistes plus que compétent, mais les tensions les rendent incapable d'être efficace. Les gnomes sont de moins en moins contactables, le Calimshan est redevenu une terre d'esclavage et de guerre entre les descendants des djinns et des effrits. Même les shoguns et mes cousins célestes de Shou semblent embourbés dans de graves problèmes. Faërun à besoin de nouveau héros. Mais... je comprends que votre devoir maternel vous pousse au refus, alors laissez moi vous raconter mon histoire, celle d'une mère également. J'ai eu trois enfants au cours de ma vie, deux fils, et une fille. Malgré ce que légendes disent sur le trésor des dragons, pour nombre d'entres nous, notre descendance est notre premier et plus grand trophée. Notre race n'est plus ce qu'elle était aux premiers jours, tout comme la vôtre, et l'ère des dragons ne reviendra sans doute pas. Et je suis une mère, tout simplement... Mon premier se nomme Issiraunikerdrongbekilk. Un nom imprononçable, comme c'est la tradition chez les wyrms, dit elle avec un triste sourire. Son père était un dragon d'airain, l'un des êtres les plus courageux et jovial que j'ai rencontré. Les siens ne sont pas aussi puissants que les dorés ou les blancs, ils doivent se cacher et être subtils, et pourtant, il n'a pas reculé devant cette meute de chasseur de dragons lorsqu'il a fallu défendre son fils. Par chance pour lui, il est mort avant d'avoir vu la suite. Mon premier est devenu fou lorsque la vallée chultienne dans laquelle il s'était établi, en paix avec ses habitants, à été ravagée par une épidémie violente. Elle toucha tout, flore, faunes, et il fut le seul assez puissant pour y échapper. Il a passé des années à chercher le ou la coupable. Lorsque son enquête à fini par le pousser a croire que cela était simplement l'oeuvre de la Mère des Fléaux, il fut incapable d'arrêter sa croisade. Pour le sauver, lui, et probablement nombre d'autres, j'ai dû l'enfermer dans un petit plan, endormi jusqu'à ce que je puisse y faire quelque chose... Elle s'arrêta un instant, elle semblait lutter pour se forcer à continuer son histoire. Mon second s’appelait Jenn'lasekeolath. Il est né quelques deux siècles avant la dernière dracorage. Son père était un dragon d'ombre qui... bref, ce qui arrive parfois aux malchanceuses moins puissantes dans les recoins les plus sombres de vos civilisations, nous arrivent aussi. Jenn a toujours été bagarreur, mais jamais mauvais. Il a cependant hérité de son père une volonté inextinguible de se démarquer, et sans doute, de dominer. Lorsque Bahamut et Tiamat on à nouveau ouvert les hostilités peu après le fléau de Sammaster, mon fils à rejoins la Reine, alors que nombre de mes sœurs et frères de gemmes se gardaient de prendre parti, tout en souhaitant à demi-mot la victoire de l'un ou l'autre. Pendant des mois, j'ai tenté de le convaincre de cesser sa folie. Mais, lorsque que je sus qu'il allait mener une petite armée de rejeton sur l'Aire pour tenter de faire un maximum de dégâts, j'ai dû me résoudre à l'inévitable. J'ai brisé son esprit en miette, le contrecoup tuant nombre de ses disciples à qui il s'était lié. Puis je l'ai tué. Bien que son visage soit impassible, une larme claire perla puis roula sur sa joue. Ni le Roi, ni la Reine n'ont accepté son essence. Il erre maintenant dans le vide... Ma troisième, Serana, est le fruit d'un amour printanier avec un représentant de votre peuple, Dame Azur'ael. Malgré la haine que nous portent nombre des vôtres, et vos ancêtres plus encore, et réciproquement, nous nous sommes accordés comme rarement s'accordent deux êtres. Le fruit de notre union fut une femme exceptionnelle. Certes d'un têtu à faire frémir un nain mais d'une force de caractère à faire s'écrouler les montagnes. Malheureusement, je ne pouvais me permettre de me présenter à elle, surtout alors que nous pressentions la dracorage venir. Elle en à souffert, et la frustration et le malheur d'un elfe est comme celui des dragons, il s'étire sur des éons. Je ne crois pas qu'elle m'ai jamais pardonnée... Pourtant elle a confié sa propre fille à ma garde lorsqu'elle a dût faire un choix similaire au mien, peut-être comprend elle maintenant que parfois, il faut accepter de laisser aux autres la protection du fruit de ses propres entrailles, pour lui assurer un avenir plus radieux. -------------------- L'elfe à quelque chose d'étonnant, comme si une brise permanente de joie et de fête emplissait les environs dès qu'une parole sortait de sa bouche.

Il ne s'agissait plus d'un dialogue entre elfe et dragonne, mais entre mères. C'était un langage qu'elles seules pouvaient comprendre car la maternité est la magie suprême qu'aucun arcaniste ne saura recopier ou imiter.

Azur'Ael l'écouta dans un silence religieux, laissant la brise du vent lui soulever ses mèches bleutées et rebelles sur son visage. Elle sentit la tristesse et la colère de l'être extraordinaire qui était face à eux. Elle comprenait, partageait et avait de l'empathie pour son histoire. La perte de ses enfants était un drame dont une mère ne se remet jamais mais encore moins quand elle est responsable de leur disparition. Et quelque part, la bleutée s'en voulait aussi de la disparition de son fils. Elle avait été avertie par une vision sur la menace qu'il pesait sur son fils et pourtant elle était partie accomplir son devoir en pourchassant un nécromancien.

La dragonne avait tort sur un point. L'ensorceleuse n'avait pas donné sa réponse. Certes, elle avait été à deux doigts de refuser mais elle ne l'avait pas fait, en posant le regard sur sa communauté.

Elle se tourna pour faire face totalement à Lahmee. Son regard d'émeraude se noya dans le sien, pour être directement au contact de son âme. Elle entrelaça ses mains dans les siennes, comme pour finaliser leur totale fusion. Elle ne prononça pas un mot et fit seulement un hochement de tête de haut en bas.Le vert avait compris.

Elle fit signe à une elfe de lune, d'approcher. C'était une de ses apprenties, au nom d'ELy'aeyeiss, qui était probablement une ensorceleuse des plus talentueuses de sa génération. La gardienne avait cent pour cent confiance en elle.

- Je compte sur toi pour veiller sur le Cœur des Mystères et sur notre Fleur de lune. Que la Seldarine nous garde.

Son apprentie hocha la tête, avant de s’éclipser et revenir avec un sac qu'elle donna à sa gardienne. L'elfe la remercia d'un sourire, la laissant partir de nouveau.

La gardienne avait hésité un instant à se téléporter pour rejoindre sa fille mais elle sut qu'il aurait été impossible pour elle de la quitter. Des larmes argentées ruisselèrent sur le visage de la bleutée, attestant son déchirement.

Elle inspira fortement pour assumer ce choix, se tenant maintenance face la dragonne humanisée. Ses traits physiques changèrent de façon subtile. Sa peau devint dorée et son regard pourpre. Elle devint un peu plus grande, incarnant maintenant une elfe céleste, une Tulani, le seigneur féerique des éladrins

- Elundel, je suis prête à vous suivre. Nos enfants comptent sur nous.

Elle tourna sa tête vers son sauvageon, pour qu'il la rejoigne.

Ainsi Elundel était la mère de Serana. Le barde allait enfin pouvoir terminer sa chanson commençait il y a presque cent ans. Dans tout Toril, le rôle des femmes était reconnu mais quand n’était-il du rôle des mères ? Et bien il y avait aujourd’hui, ici un bel exemple de ce que cela pouvait engendrer quand justement on avait engendré.

Des larmes coulèrent en ce jours, qu’elle soit cristalline comme celle d’Elundel ou abondante comme celle d’Azur, chacune exprimait la même chose. Lähmee commençait à comprendre les choses plus profondément. Il se mordit les lèvres pour contenir son émotion devant les chaudes larmes de sa belle, elle aimait tellement l’eau. Il les lui sécha tendrement touchant son grain de peau d’origine avant qu’elle se transforme une fois de plus. Dès qu’elle pris l’apparence d’une tulani, le barde pris une étoffe et s’approcha d’Elundel compatissant.

- Les vraies larmes expriment de bien belles et pures émotions. Je ne peux pas sécher les votres aussi passionnément qu’aurai pu le faire votre fruit d’amour printanier mais permettez que ce geste en rappelle son souvenir …

Le Sublime s’approcha tissu à la main de sa joue et la tamponna délicatement. Il regarda ensuite ces confrères bardes Betraë, Jerod et Isabelle, espérant qu’ils soient à la hauteur de leurs fougues.

- et que ce chant....

La voix du barde retentit, pur comme de l’eau de roche. Elle s'envola comme le vent pourrait le faire pour sécher une larme. Un rythme endiablé relatait une lourde bataille évoquant les exploits d’une jeune guerriere face à des démons bien structurés, finissant par :

- Mon père aussi était barde,
Un nalfeshnie, un hezrou et deux vrocks
Etaient tombé ces jours-là,
Elle s’appelait Serena

Quatre dernières phrases qui furent chanter haut et fort par bon nombre de vieux guerriers, bardes et gens de tout bord comme une réponse aux multiples attaques qu’avait subi la confrérie dans son histoire. Le chant s’arrêta net. Le barde reprit la parole la voix pleine d’émotion et de souvenirs. Il était aussi de la fête ce jours-là et avait dansé aux cotés de sa fille.

- J’ai rencontré votre fille à Myh Drannor, il y a une presque une décennie, je me demandais alors d’où lui venait cette force…et cette beauté...
- Les filles ont un lien privilégié avec le père, elle l’idéalise et le sublime. Amastacia est comme ça aussi. LE rôle de mère est parfois ingrat.

Contre toute attente le barde se rapprocha de l’homme lézard et de son petit renard éveillé retrouvé. En tant que père Lähmee avait aussi son mot à dire.

- Et bien je crois que ta retraite ne va pas commencer de suite, tu es guerrier n’est-ce pas ? Acceptes tu d’épauler ELy'aeyeiss dans sa mission ? Je crois bien que ce petit renard lui ferait un excellent compagnon !

Seul ce vieux saurial pu voir le déchirement que Lahmee ressentait à cet instant.Le barde finit par ce ressaisir devant ce combattant. Etait-il père lui aussi ?
Un petit sourire en coin agrémenté d’un clin d’œil et le Sublime se délesta rapidement de tout ce poids émotionnel, il rajouta à voix basse pour se détendre :

- On dit souvent que les enfants reproduisent le comportement amoureux de leurs parents, tu te rends comptes j’aurais pu être le gendre d’une dragonne de cristal…

Il faisait là une allusions à l’amourette dont les chevaliers de Myth Drannor lui avait porté quand il avait rencontré Sérana. Il rangea le bout d’étoffe dans une poche. Il se sentait prêt lui aussi à présent.

Le vieil homme reptile regarda Lähmee, l'écouta puis sourit. Le renard s'était assis à ses pieds, comprenant parfaitement ce que les protagonistes disaient, de toute évidence.

Arcamanak

Il est vrai que je me défends à la lanccccce, Maître Ssssssublime. Mais mes ennemis ne m’appelaient pas Arcamanak le Tempétueux à cause de mon jeu de jambe. Je suis un anagakok, je manie l'Art tout comme vous ou Dame d'Azur. Malheureusssssement, je crains de ne rien pouvoir faire pour aider Ely'aeyeissssssss, ami. Le temps est venu pour moi de délivrer mon messssssage et de m'en aller... -------------------- Le vieil homme lézard se déplace lentement et sûrement, comme si il épousait lentement le rythme de vie de la terre.

Le mage sauvage toucha un anneau autour de son pouce et lui fit faire un quart de tour. L'air vrombit autour de lui. Lähmee comme Elundel ou Azur'ael aurait sans doute put lancer un contre-sort, mais ce qu'il venait de déclencher ne semblait nullement dangereux. Le sort lancé sembla englober Lähmee et le saurial, le renard s'étant écarté en baissant la tête. Autour d'eux, les autres semblaient bouger légèrement moins vite, mais surtout, on entendait plus rien. La zone magique avait plongé le duo dans le silence le plus absolu.

Arcamanak

Nous n'avons guère de temps avant que votre femme ou la Porteussssse d'Etoile ne brisssse mon ssssort, Sublime. Je me dois de vous remettre le messssssage. Puisse la prophétie du Seigneur Trouveur et de la Messagère vous garder en vie... -------------------- Le vieil homme lézard se déplace lentement et sûrement, comme si il épousait lentement le rythme de vie de la terre.

Le vieux lézard inspira, puis ses yeux se mirent à luire. Il plongeait en transe, mais ses muscles ne se relâchait pas, il se concentra, et c'est dans un idiome que Lähmee connaissait qu'il entendit. Il comprit immédiatement le pourquoi de la zone de silence : l'anagakok proférait son message en Vrai Langage. En plus de se préparer au choc, le barde se prépara immédiatement à décrypter le sens des mots, ainsi comprit il ce qu'il entendit :

Lorsque seront réunis le Dernier des Gardiens, la Tisseuse de Toile, le Grand Accord, le Poing de l'Esprit et la Princesse des Vents.
Lorsque les Cinq croiront après le voyage que le repos est venu.
Lorsque la Tempête sera passée.
Alors les cœurs mentiront, les yeux en mal croiront, ce qui semblera être ne sera pas.
Alors la Foi devra cesser pour sauver ce qui pourra être sauvé...

Alors que l'homme lézard parlait, l'herbe sembla grandir sous ses pieds. Au deuxième vers, une graine du Grand Saule tombée au sol germa et donna naissance à un arbuste, pendant que la peau d'Arcamanak se fendillait en laissant apparaître une lumière brûlante.
Au troisième, l'arbre poussa jusqu'à dépasser la taille d'un troll, il s'éleva derrière le mage reptile et le dépassa, alors que la peau de celui ci tombait en lambeaux au sol.
Au quatrième, les fleurs poussèrent partout, transformant la zone en un parterre coloré et odorant. Une chenille se transforma forma son cocon, se changea en papillon et disparut en un fragment d'instant.
Au cinquième, Arcamanak n'était plus qu'un être de pure lumière qui semblait se fondre dans l'écorce du nouveau saule qui poussait autour de lui.
Au dernier vers, l'arbre avait atteint la moitié de la hauteur d'O'Sutraari, l'essence de l'homme lézard s'était diluée dans celui ci. Lähmee pouvait encore sentir sa conscience dans la sève battante du nouveau grand arbre, mais sa nature avait complètement changée. Le sort de silence s'effondra, et au lieu de Lähmee et d'Arcamanak, il y avait le Sublime devant un gigantesque saule qui n'était pas là à l'instant précèdent.

La dragonne était étonnée de ce qui venait de se passer, comme tout les autres.

Rinotel s'approcha et s'allongea devant les racines du Second Saule, couinant de tristesse.