Halles des Merveilles

orte de Baldur

Les péripéties de la tombe de Masulk passées, la vie devait bien reprendre son cours. Il fallait bien noter que la bordure de désert n’y était pas spécialement propice, aussi l'invitation de Ravio à Porte de Baldur était une porte de sortie relativement acceptable... au piège près que le bougre avait une petite commission de passage.

Il passèrent la nuit dans la manoir, confortablement. Le lendemain à l'aube, l'archiviste alla chercher sa mule et son chariot de l’arrière salle de sa tente extra-planaire. Lorsqu'ils en sortirent, ils étaient à portée d'un immense pont de pierre, assez large pour laisser passer trois chariots de front, sur lequel avait éclot une multitude d’échoppes : Archepierre, sur la façade ouest de la Haute-Forêt.

Après une journée interminable où le gnome disparut dans la moitié des boutiques, le convoi repartit au couchant pour s’arrêter en bordure de route où le gnome ancra sa tente.

Lorsqu'ils sortirent de la tente au lendemain matin, ils étaient ni plus ni moins dans le musée, vide de tout visiteur, vue l'heure matinale.

La salle de pierre aux hauts piliers présentait les plus grandes gloires de Gond aux fidèles et aux curieux, alors que ses caves contenaient des répliques des merveilles exposées pouvant être achetées par les clients fortunés.

La salle était faiblement éclairée par des globes lumineux fixes et enchantés et était habituellement - après ouverture - occupée par des prêtres de Gond toujours vigilants. Elle regorgeait de mécanismes étincelants qui représentaient les inventions les plus réussies (et les plus sûres) conçues pour la plus grande gloire de Gond, dieu de l'artifice, de l'artisanat et de la construction. Les doubles portes noires brillantes des Halles lévitaient dans les airs grâce au pouvoir de Gond. (Le pouvoir de Gond dans ce cas était en fait des sorts extrêmement puissants qui pouvaient être annulés en cas d'attaque, renversant les dalles titanesques sur des gens hostiles qui tentaient d'entrer.) Ces portes sur le bâtiment portaient des engrenages blancs brillants, le symbole de Gond, qui tournaient lentement et continuellement dans le sens des aiguilles d'une montre.

La salle avait contenu de nombreuses merveilles au fil des ans. Actuellement, étaient exposés de nombreux petits appareils et quelques pièces plus imposantes. Beaucoup de petits appareils semblaient être des serrures ou des coffres-forts conçus de manière à ressembler à autre chose, des gobelets aux statues en passant par les chaises. Les objets les plus volumineux comprenaient un scribe mécanique, un dragon à vapeur, une pompe de Gond, des lampes éternelles, une chaise à ventilateur et un voit-loin. À moins que l'on n'eut déjà été dans dans ces Halles, certains sinon tous ces articles était sans aucun doute parfaitement inconnus.

Ravio fournit quelques informations.

Un scribe mécanique était une presse à imprimer. Un dragon à vapeur était une machine à vapeur dotée d'accessoires qui la rendaient capable de déplacer de gros objets sur un chemin au moyen de poulies et de pompes à l'eau, de faire monter un ascenseur sur une falaise ou un mur au moyen d'une corde, de ramer une barge, etc. Une pompe de Gond était une pompe actionnée en pédalant un volant d'inertie, destinée à être utilisée dans l'irrigation agricole et dans le remplissage des cales et des réservoirs. Une lampe éternelle était un système de lampes à huile à remplissage automatique alimentées par un réservoir d'huile central. Une chaise à ventilateur était une chaise à bascule inclinable et réglable, actionnant un ventilateur pour refroidir l'utilisateur. Et, enfin, un voit-loin était un verre de vision avec une série de lentilles en verre teintées et graduées qui permettait d'être utilisé pour voir de petites choses de près tel un microscope, voir des choses aussi loin que l'horizon telle une longue-vue, ou concentrer la chaleur du soleil afin de pour enflammer ou faire fondre des objets.

Ravio se dirigea dans le sous-sol en saluant un gnome gardien aux insignes de Gond.

À moins que l'on n'essaya d'endommager, de déplacer ou d'altérer un appareil, ou d'avoir une intention d'achat claire et sérieuse, les prêtres étaient habituellement bien trop occupés à repousser les gnomes omniprésents et émerveillés qui se rendaient quotidiennement dans la salle pour regarder inlassablement les merveilles, que de parler aux visiteurs.
Le musée allait ouvrir d'ici peu.

Metzli avait été fascinée par la rapidité et par la facilité avec lesquelles ils avaient parcouru les lieues les séparant de la Porte de Baldur. Voyager de cette manière était confortable et plaisant, même si on ne pouvait profiter de la diversité des paysages parcourus.

Comme ses compagnons, la jeune femme s'était retrouvée en plein cœur de la Haute maison des Merveilles. Elle en avait déjà entendu parler à plusieurs reprises, lors de ses précédentes étapes à la Porte de Baldur, mais elle n'y était jamais encore rentrée, faute de temps et d'intérêt pour une visite en solitaire. La présence de ses compagnons et d'un guide tel que Ravio changeait la donne et elle suivit attentivement ses explications.

L'ensorceleuse fut stupéfiée par tant d'ingéniosité. Dotée de puissants dons acquis naturellement et d'une intelligence supérieure à la moyenne, elle pouvait avoir tendance à céder à la facilité et ne pas se forcer à fournir des efforts intellectuels démesurés. Les créateurs de ces objets devaient, quant à eux, avoir développé des recherches considérables pour parvenir à de tels résultats.

Enthousiaste, elle se risqua à poser une question à Ravio :

- Tout ceci est vraiment époustouflant ! Pensez-vous que ces inventions finiront par se répandre sur tout le continent ou qu'ils resteront cantonnés dans le temple ? Elles pourraient bien bouleverser notre société !

Elle pensait en particulier au "scribe mécanique" qui permettrait de diffuser partout la connaissance à moindre frais, à la "pompe de Gond" qui pourrait révolutionner la productivité agricole ou encore au "voit-loin" qui servirait tant aux savants qu'aux navigateurs, voyageurs et soldats en faction. Jeune et optimiste, elle ne songeait qu'aux apports positifs de ces inventions et non aux mauvais usages qui pourraient en être fait ou aux conséquences négatives qu'ils pourraient engendrer.

La bretteuse Nordienne avait acceptée l’offre de Ravio afin de comprendre les intentions qui avaient poussées à leur dangereuse expédition. Ainsi, jusqu’à Porte de Baldur, elle visita le Hall des Merveilles en profitant de l’instant d’accalmie offert par l’heure matinale. C’est la première fois qu’elle posait pied dans cette immense cité-état portuaire située sur la Côte des Epées. Mais en premier lieu, c’était le musée qui monopolisa toute son attention. Un lieu propice à l’errance et à la rêverie, défaisant d’un coup de nombreux préjugés et qui offrait ce qu’elle n’avait jamais su faire : lâcher prise.

Les talons de ses bottes résonnaient dans de grandes allées pierreuse où sommeillaient mille merveilles toutes plus étranges les unes que les autres, alliant souvent élégance et praticité. Elle écoutait attentivement chaque information émise par le petit guide. Sa collection était immense et chaque invention semblait avoir une place spéciale dans son cœur.

- Le musée est ouvert au public, mais j’imagine que l’accès de ce qui tient lieu de laboratoire est interdit ?

Ashura n’avait jamais vu autant d’esprits brillants et d’inventions merveilleuses réunis en un même lieu. Les Gnomes semblaient avoir un don inné pour les réparations, une compréhension instinctive du fonctionnement des systèmes et malgré leur taille, un caractère intrépide. C’étaient les candidats idéaux pour tenir ce type d’endroit. Certains exposaient leurs trophées, d’autres leurs talents. Un adepte de Gond dans une équipe d’aventuriers était synonyme d’expertise mais une équipe constituée uniquement de ces Gnomes était synonyme de génie.

- Tout ça est bien joli, je dois le reconnaitre. Mais je doute que vous nous ayez entrainés ici pour nous faire découvrir vos œuvres d’art. Eclats brillants, boulons serrés. Votre appétence pour les curiosités me laisse penser que tout ceci n’est désormais que broutilles à vos yeux. Ne perdons pas trop de temps. Qu’elle sera votre prochaine offre, maître Ravio ?