Aux frontières de sa conscience, Favouinn entendit des cris. D’une manière ou d’une autre, son calvaire allait enfin prendre fin. Il n’avait plus la force de résister à quoi que ce fut de toute façon. Se rendraient-ils seulement compte que son âme s’accrochait de la sorte à son corps aussi brisé que l’embarcation ou passeraient-ils leur chemin se rendant compte qu’il n’y avait plus rien à prendre –ni à sauver- ici ?
Combien de jours avait-il survécu à la tempête, au massacre de l’équipage –dont il n’avait d’ailleurs trouvé aucun corps- à la privation et au désespoir ?
Les paupières mi-closes, il lui sembla voir des ombres différentes de celles des lambeaux de voiles et percevoir des sons à l’accroche des grappins, puis des bruits de pas, des sauts sur le plancher encombré du pont qu’il n’avait jamais pris la peine de vider. A quoi bon ? Il y avait quelqu’un, probablement l’équipage du navire elfique qu’il avait vu à l’envers dans sa longue-vue cassée.
Couché sur le dos, la poêle sur le ventre, il lui sembla soudain possible de faire un son, peut-être plus, un mouvement peut-être. Fallait-il encore qu’il le souhaite. Se cacher –malgré lui- lui avait sauvé la vie, peut-être était-il plus sage de faire le mort ?
Favouinn reprenait doucement conscience; il était allongé sur le dos sur le pont du navire, le vent fouettait son visage, quelques gouttes d'eau de pluie ruisselaient le long de ses joues et un objet pesait sur son ventre...
Des morceaux de voile claquaient au-dessus de lui et il lui sembla entendre des bruits de pas alentour ainsi que quelques cris enragés de marins visiblement impatient d'en découdre...
Il se souvenait, il avait tenté d'attirer l'attention d'un navire au large, celui ci avait continuer sa route dans sa direction et il avait du éperonner le navire sur lequel il gisait, à l'agonie...
Il sentait quelques forces lui revenir; il devait signaler sa présence, de toutes les façons il ne risquait pas pire chose que ce qu'il avait subit ces derniers jours et que ce qu'il subirait s'il devait en passer d'autres sur ce bateau...
Favouinn se focalisa sur l'objet qui lui écrasait le ventre et tenta de s'en saisir afin de le soulever pour le jeter par terre et ainsi, peut-être, signaler que la vie ne l'avait pas encore quitté et qu'il avait besoin d'aide...
Favouinn fut pris d’une violente poussée d’adrénaline … une incontrôlable terreur quand il se rendit compte qu’au lieu de la voix chantante des Elfes à laquelle il s’était attendu, c’était la voix déplaisante de toute autres créatures ! Ils étaient au moins deux, se déplaçant sur le pont du bateau faisant le bruit d’un poulpe évoluant parmi les débris. Son état de faiblesse lui sauva sans doute la vie parce que son corps lui refusait désespérément de fuir … Le seul mouvement auquel il parvint fut de faire glisser la poêle qui lui arriva sur le visage.
- … !
Les pas se firent plus rapides, les créatures glissant et jurant dans leur langue infâme avant que le silence relatif de la haute-mer ne reprenne place. Quelques instants plus tard, il entendit l’abordage, un saut, puis un autre suivi de la litanie étrange du Psion qui qualifiait parfaitement son bateau fantôme.