D'un bois à l'autre, Uranel, Blingabel, Christal, Abakor

Uranel ne donnant plus signe de vie, il quitte votre quête globale jusqu’à nouvel ordre. S’il réapparaissait, il vous rejoindrait.

Un soleil timide s’était levé au travers de la ligne d’horizon brisée par la forêt de Padhiver. La nuit avait été courte mais reposante pour chacun, pas un ne souhaitant prolonger le déplaisir de la séparation qui suivrait bientôt ou retarder la découverte de la cité des Mains Habiles. Rien ne laissait présager qu’elle bascule de la sorte pour l’un d’entre eux.

ABAKOR & URANEL

A mi-chemin, comme annoncé par Frank la veille, Abakor découvrit la piste, marquée en son début par le glyphe elfique de l’abri, reconnaissable entre tous pour un rôdeur comme lui. Son sixième sens l’incita pourtant à prolonger son observation des lieux lorsqu’il trouva, quelques centaines de mètres plus loin, la marque de l’arrêt d’un chariot, probablement celui qui les avait précédé et avait échappé à l’attaque des gobelins. La trace était presque invisible, même pour lui, seulement causée par les pas d’un humanoïde de petite taille.

Celui qui avait laissé cette trace avait quitté le chariot seul, au cœur de la nuit, rejoignant au hasard la piste cachée de la Route de Commerce. Il avait trouvé l’abri, sans aucune chance qu’il s’agisse d’un hasard. Et c’est ainsi qu’un de ses compagnons d’aventure dû se résoudre à les quitter avant d’arriver à destination.

Bien avant d’en avoir ouvert la porte, l’Elfe sentait qu’il s’y était passé quelque chose, se préparant à découvrir autre chose que l’abri prêt à accueillir le voyageur fatigué désireux de dormir à couvert et de profiter de quelques denrées non périssables sans avoir à les trouver lui-même. Uranel l’avait rejoint, ses sens de Druide lui signifiant que la nature avait souffert… Leurs deux canidés avaient les oreilles basses, le poil hérissé et même Ennel refusa d’entrer.

A la faveur de l’obscurité de la nuit, un gnome glabre avait transformé les lieux en autel honni au dieu de la destruction Urdlen. Par une magie noire qu’ils ne connaissaient ni l’un ni l’autre, sol et murs étaient comme couverts d’une sorte d’huile noirâtre. Le maigre mobilier avait été brisé comme si de nombreuses bêtes sauvages s’y étaient battus pour leur vie et, au centre, dans une posture grotesque, le corps brisé du gnome qui n’en était plus vraiment un, comme si un sortilège le transformait progressivement en une taupe énorme. Sans un mot pour le rôdeur, Uranel trancha la gorge de sa Némésis comme il aurait égorgé un mouton. Le regard brillant de colère.

Il n’eut pas besoin de se perdre en explications des mystères de son ordre pour qu’Abakor comprenne qu’il était de son devoir de chasser le mal de cet endroit. Il en avait pour plusieurs jours, en comptant sur le support d’autres druides, remerciant ses dieux d’être arrivés avant que la transformation ne soit complète.
Pour le rôdeur, une seconde triste conséquence prenait forme dans son esprit : s’il restait là des traces de son grand-père jusqu’à la veille, elles avaient disparu pendant la nuit …


ABAKOR, CHRISTAL, BLINGABEL

Il ne s’était passé que quelques minutes depuis qu’il avait quitté la route, profitant d’une pause du convoi qu’Abakor revenait avec la triste nouvelle qu’Uranel ne franchirait pas la porte de Padhiver et que l’abri de rôdeur n’était plus utilisable pour un temps.

L’ambiance se fit plus pesante, triste pour les deux aventurières qui ne purent même pas lui dire au revoir conformément aux consignes qu’il avait transmis au rôdeur. Blingabel sembla s’enfoncer un peu plus encore dans une morosité qui ne ressemblait pas à la pétillante Gnomette. Il fut conclu que la part du Druide serait confiée à une de leur connaissance en ville qui le rejoindrait sept jours plus tard pour la lui transmettre.
Puis apparut au bout de la route, l’enceinte de Padhiver et l’accueil de la soldatesque en patrouille. Frank les salua, ils le saluèrent en retour, souriant, lui demandant des nouvelles de la route. Ils étaient fiers, puissants, tout à leur mission … et pourtant Christal ne put qu’apprécier le soin qu’une telle ville apportait à l’apparence de ses hommes d’armes et les charmes de la belle ne les laissèrent pas … indifférents. Il parla de l’incident des Gobelins, de l’abri de rôdeurs, et se saluèrent une nouvelle fois.

La cité répondit à toutes ses promesses d’enchantements et d’intérêt. Pendant quelques heures, les aventuriers auraient presque pu oublier les raisons de leurs quêtes aussi diverses que la recherche d’un amoureux maudit transformé en corbeau, la puissance de venger sa famille ravagée par des gobelins ou les traces d’un grand-père perdue depuis trop longtemps.

Mais tandis que chacun se demandait par quoi commencer, ils reçurent tour à tour les images fugaces qui leur manquaient pour se replonger corps et âme dans leur mission.


BLINGABEL & CHRISTAL

Blingabel avait été plus marquée que chacun le craignait suite à l’embuscade des Gobelins. Ils avaient réveillé les plus sombres cauchemars de la Gnome, l’emmenant toujours plus profond dans un passé douloureux qui l’avait finalement rattrapé. L’emplumé lui avait largement atteint le moral, le cavalier l’avait achevée… Même Christal ne savait pas à quel point l’attaque ressemblait à celle qui avait emporté son père dans la tombe et fait d’elle une monnaie d’échange pour Kobolds.
Elle avait besoin de sourires, d’inventions, d’entendre le son de son enfance, de voir Farceur se jouer d’un lointain cousin et lui mordiller l’oreille.

Christal l’accompagna par amitié –et une certaine curiosité- aux Merveilles Mécaniques de Dannar.
Dans une ville qui plaçait l’horlogerie au sommet des arts nobles, le magasin tenait lieu de temple. Une merveille pour Blingabel, un chaos indescriptible pour Christal de machineries complexes, de mobiles, d’objets incongrus à l’utilité impossible à déterminer. Sa bouche s’ouvrait sur des « Oh » muets, des « Wouaaaaw » s’éternisant, son regard bondissant d’un côté à l’autre, plein d’étoiles.

Avec son accord, elle la laissa auprès de son compatriote qui semblait réussir là où elle avait échoué ses derniers jours. Ils se retrouveraient tous le lendemain matin, à l’auberge. Un jeu du destin, ou autre chose, lui rappela alors, dans un reflet, un profile qu’elle avait presque oublié.


CHRISTAL & ABAKOR

Le souvenir de Raffard, allongé au côté de l’Indulgente, fit renaître une chaleur qu’elle n’avait qu’effleurer avec le jeune cocher. Elle pouvait presque sentir ses cicatrices sous ses doigts qui n’effleuraient … que du vide. Elle revit l’emplumé qui l’avait maudit, le chat qui ronronnait à ses pieds, les deux corbeaux qui s’étaient envolés tandis que le manoir disparaissait …

Leur éclaireur la rassura de se charger de la problématique des Elfes qu’ils risquaient de rencontrer dans le bois de Padhiver –sans en détailler la manière- lui proposant de la retrouver par contre pour partager sa rencontre avec Rebeth Laereeyn.

Dans une cité connue pour ses rues si tortueuses qu’il était impossible de la traverser autrement qu’à pied et qu’elle découvrait pour la première fois, la belle aurait pu se perdre, on racontait même que les visiteurs de passage y prenaient autant de plaisir qu’à la découverte des trois ponts surplombant la rivière, ses jardins, ses lampions de verre colorés s’illuminant par magie, mais il était impossible pour qui le cherchait de ne pas trouver le Luth Muet.
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Vaste bâtiment octogonal au toit de cèdre construit autour d’un chêne plusieurs fois centenaire, mémoire intemporelle de Padhiver, il rappelait par son architecture mêlant nature et construction de pierre les plus belles réalisations de Lunargent, la Gemme du Nord.


ABAKOR

La librairie de Maskado était un capharnaüm improbable, un piège à aventuriers, un rassemblement de toutes les légendes et pistes oubliées du Nord. Il devait s’y trouver tant d’inventions de bardes créatifs ou de racontars d’explorateurs qu’y trouver quoi que ce soit de cohérent tenait du miracle. Ou de l’aide de Maskado.
L’être lui-même était un mystère, humanoïde à la peau bleuté –sans rien n’avoir à voir avec un Elfe des Mers ni de quelque race qu’il eut déjà rencontré- grand et mince, drapé dans une sorte de robe de mage. Quand Abakor lui expliqua le but de sa venue, ses yeux brillèrent de malice.

- Les Lames Victorieuses du Peuple … Oui … voilà plus de mille ans qu’ils ont souffert de la présence des Humains et qu’ils utilisent leur crainte qu’ils prennent leur place pour les abattre à vue. Ridicule n’est-ce pas ? Tout le monde sait bien que les Humains leur ont déjà pris leur place et qu’ils ne s’arrêteront pas. Sans cette haine, les Drows de la Maison Jaerle ne les auraient peut-être pas chassé à l’époque … et dire que certains acceptent de s’unir avec eux … Mais tout cela n’existe pas, aucun sage ne vous en parlera, ce sont des légendes n’est-ce pas ? On parle beaucoup plus de la Banshee par contre, Agatha existe bel et bien. Elle se place en protectrice de la ville de Conyberry et de nombreux aventuriers se bornent à essayer de la voler. Malheureusement, ceux-là ne reviennent jamais.

Tandis qu’il parlait, il fouillait dans un tas de parchemins, dont il en sortit un portant le symbole d’un luth dans un croissant de lune. Il représentait une carte schématique de la région marquée de plusieurs indications sous la forme d’un même glyphe : un crane transpercé d’une épée. A en croire la carte, ils y étaient présents partout dans le bois et tout autour. Un centaure y était représenté ainsi que le nom , écrit en elfique, à l’extrémité orientale de la forêt , à quelques lieues de Conyberry.

- Pour ce à quoi vous avez assisté, les ouvrages sur les dieux maléfiques sont aussi rares que malsain … J’en possède un sur Urdlen, le dieu taupe des Gnomes. A votre place je le laisserais pour d’autres mais je vous laisse juge bien évidemment. La connaissance en elle-même ne pourrait-être un mal parait-il.

Entre croquis, recueil sur Urdlen et carte de la forêt, Abakor avait l’embarra du choix. A consulter sur place ou à payer à prix élevé. Pour les êtres fées supposés habiter la région, Maskado le dirigea vers ‘cette dryade’, prononcé avec une certaine forme de mépris pour le peuple fée en général et pour celle-ci en particulier.


CHRISTAL & ABAKOR

Quand Christal y entra, précédent de quelques secondes le rôdeur, elle assista à une scène qui resterait gravée dans son esprit comme la découverte du monde féerique vers lequel la menait la recherche de la Graine. Rebeth tenait dans les mains un morceau de bois taillé en forme de goutte, un luth en devenir, dépourvu encore de cordes et de clés. Face à lui, entourant ses mains des siennes se tenait une créature d’une incroyable beauté, nue, à la peau vert bourgeon. Elle ressemblait à une elfe, plus élancée encore, sa chevelure de vert profond à l’argent descendait en cascade jusqu’aux reins, rappelant les branches fines d’un saule pleureur. Il se dégageait d’elle une douceur incroyable alors qu’elle rayonnait de la puissance de son arbre et par son aide, elle vit le luth prendre sa forme définitive, le végétal obéissant docilement à la demande de la Fée.

Prenant conscience d’être vue, elle disparut aussitôt, plongeant littéralement dans le tronc du Chêne pour ne laisser comme seule trace que l’impression de se réveiller d’un rêve.
Le rôdeur qui la suivait en vit moins encore doutant presque d’avoir été victime d’une hallucination. Malgré ses nombreuses années d’observation de la sylve, il n’avait jamais assisté à pareil moment.

Le luthier déposa son instrument sur un établi et, tout sourire, demanda à ses visiteurs en quoi il pouvait leur être utile. La discussion fut cordiale, devenant même agréable quand la belle énonce le mot ‘Grid’. A la différence des aventuriers, le Demi-Elfe connaissait bien ces créatures, et les appréciait énormément. Musiciens de talents, il avait partagé leurs jeux à quelques reprises déjà.

- Si vous voulez les approcher sans y être invités, rien ne vaudra la musique ! Et la langue de la Sylve bien entendu.

La discussion se fit plus profonde, comprenant qu’ils n’avaient ni le talent, ni les moyens d’utiliser au mieux un des instruments du luthier, mais que la raison de leur requête était aussi noble que la sauvegarde d’amis maudits ou perdus et la découverte du monde féerique. Bien sûr, il ne fut jamais question de profiter d’eux pour acquérir un artefact puissant et l’amulette de Christal ne fut pas pour rien dans le déroulé de la discussion.

- Ils sont nombreux dans le bois, même s’ils n’ont qu’un lien distant avec Féérie, leur véritable patrie. Du satyre au centaure, en passant par toutes sortes de Pixies et autres que je vous déconseillerais d’approcher.

Au final, il fut convenu qu’ils se retrouveraient tous aux premières lueurs de l’aube, à l’orée du bois. Là, au début d’une piste invisible nommée « chemin des druides », un cercle de champignons tenait lieu de scène pour un Grid qui pourrait les aider.


CHRISTAL

Pour le plaisir, elle passa un merveilleux moment –même sans le moindre contact physique- au Masque de Pierre de Lune. Le port du masque de l’inconnue qui prit plaisir à lui tenir compagnie, l’assurance qu’il ne s’agirait que d’échanges de beaux mots, le professionnalisme de l’une rivalisant avec le charme dont elle n’était pas dépourvue …

La nuit de la belle fut plus savoureuse encore. Était-ce une bénédiction de la Dame des Plaisirs pour son suivi engagé de ses préceptes ces derniers jours ou le pur fruit de son imagination nourri de ses dernières rencontres, ses songes étaient de douceur, de charme et de relations charnelles partagées avec une humanoïde aux yeux de chat qui la félicitait.



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